Pour Toulouse: deux essais de Stensness (32e ) et Desbrosse
(52e ); une transformation (32e ) et une pénalité (17e )
de
Marfaing.
Pour Montferrand: un essai de Nadau (71e ); deux pénalités
(35e , 46e ) de Merceron.
Evolution du score (Toulouse-Montferrand): 3-0; 10-0; 10- 3 (mi-temps);
10-6; 15-6; 15-11.
Arbitres: M. Borréani (Côte d'Azur) assisté de
MM. Maciello (Côte d'Azur) et Pérez (Côte Basque-Landes).
Nø 4: M.
Campin-Briquet (Côte d'Azur). Nø 5: M. Dartigeas (Ile
de France).
Délégués sportifs: MM. Palmade (Limousin) et Cros
(Alpes).
Spectateurs: 78 000 environ.
Temps lourd, pelouse et éclairage impeccables, vent nul.
Absents.- A Toulouse: Delaigue. A Montferrand: Ribeyrolles, Leconte,
Gabin.
Blessés: Dispagne (côtes), Garbajosa (légère
entorse du coude et de la cheville).
Toss pour Toulouse qui choisit le terrain.
Carton blanc: Bondouy (84e ).
Contrôle antidopage (numéros 9 et 18): Cazalbou, Fillol,
Castaignède, Toulouze.
TOULOUSE.- Ougier; Garbajosa, Desbrosse (Bondouy, 72e ), Ntamack,
Marfaing; (o) Stensness, (m) Cazalbou; Labit
(Lièvremont, 77e ), Dispagne (Pelous, 39e ), Lacroix; Belot
(cap.), Pelous (Miorin, 39e ); Tournaire (Jordana, 72e ), Bru,
Califano.
Remplaçants: Deylaud, Bondouy, Fillol, Lièvremont, Miorin,
Soula, Jordana. Entraîneurs: MM. Novès et Santamans.
MONTFERRAND.- Nadau (Toulouze, 78e ); Marlu, Morante (Merceron,
67e ), Marsh, Bory; (o) Merceron (Nicol, 67e ), (m) Castaignède
(Larrue, 83e ); Lhermet (cap.) (Bonvoisin, 67e ), Courteix, Costes (cap.,
67e ); Sarraute (Merle, 59e ),
Barrier; Heyer, Azam (Laurent-Varange, 67e ), Ménieu (Duchêne,
81e ).
Remplaçants: Larrue, Nicol, Toulouze, Bonvoisin, Merle, Laurent-Varange,
Duchêne. Entraîneurs: MM. Boffelli et
Laparra.
Une finale à couper le souffle, face à
de rudes Montferrandais. Mais rien ne pouvait empêcher le Stade de
décrocher son quinzième Bouclier.
Ils l'ont fait! Les Toulousains ont assumé jusqu'au bout le statut
si périlleux de favori. Le Stade toulousain a encore fait parler
sa grande expérience des grands événements, menant
de bout en bout cette finale qui ne pouvait lui échapper que sur
un coup
de théâtre.
L'écart s'étant réduit à quatre points,
tout pouvait effectivement arriver dans les ultimes minutes, Montferrand
tirant sans grande précision ses dernières cartouches. Il
suffisait qu'une seule fasse mouche. Mais la force des Toulousains est
de repousser au maximum l'imprévisible et deconserver une réserve
physique et morale pour préserver l'essentiel.
Le rideau de fer
Montferrand s'est brisé hier soir sur un rideau de fer qui n'a
cédé qu'une seule fois. On pourra toujours estimer que les
Auvergnats ont évolué en dessous de leur niveau et qu'ils
n'ont pas manoeuvré avec suffisamment d'à-propos, cherchant
systématiquement leur salut au ras par Costes et Lhermet et
faisant venir les ailiers trop près des regroupements. Mais
Montferrand a tout essayé sans jamais trouver la faille, Marsh,
Nadau et Morante ne parvenant point à franchir la fameuse ligne
d'avantage qui rend tout le reste si facile.
L'admirable performance de la défense toulousaine, de son triangle
central 10-12-13 bétonné par Lacroix, Labit et un Pelous
exceptionnel, a été à la base d'un succès
arraché à la force du poignet. Les rares instants où
la pieuvre noire et blanche a
desserré son étreinte, les Montferrandais ont aussitôt
mis le nez à la fenêtre.
Sinon, le Stade toulousain n'a pas exprimé de supériorité
particulière, notamment en mêlée où les Montferrandais
ne se sont pas présentés en victimes expiatoires. La puissance
supérieure du « huit » de Belot n'a été
que rarement démontrée, l'affrontement tournant généralement
à une entreprise de destabilisation de part et d'autre qui amena
M. Borreani à sévir fréquemment. A ce petit jeu de
coquins, la première ligne stadiste se fit sanctionner davantage
que sa rivale, écopant de sept pénalités contre quatre.
Les cartes ont été pareillement brouillées à
la touche où Montferrand piégea d'entrée les Toulousains
avant de recevoir la
monnaie de la pièce.
Comme contre Bourgoin en demi-finale, les hommes de Novès et
Santamans n'ont pas fait un sans-faute, loin de là. Ils ont
encore abandonné plusieurs ballons et Marfaing n'a pas eu sa
réussite du quart et de la demi-finale.
La différence Merceron-Stensness
Mais le Stade l'a tout de même emporté. Tout simplement,
le déficit montferrandais a été encore plus important
et Merceron a été encore plus imprécis que son homologue
toulousain: quatre échecs (dont un poteau) sur six tirs, à
des moments cruciaux qui auraient permis à l'ASM d'ouvrir le score,
de mener éventuellement 6-0 au lieu d'être menée 0-3,
de revenir à 10-6 avant le repos et encore à 15-14 à
cinq minutes du terme.
Ses échecs initiaux ont sérieusement entamé la
confiance de Merceron dans son jeu d'ouvreur qui s'est avéré
peu consistant. Le dispositif auvergnat a été plus performant
à la rentrée de Nicol mais il était déjà
tard et le drop du Carcassonnais pour revenir à 15-14 a touché
à l'extérieur le drapeau planté en haut du poteau.
Menée de sept points à la pause, l'ASM a fait comme si elle
livrait son baroud d'honneur à la reprise.
Et elle a été poignardée par un essai de Desbrosse
comme elle avait été poignardée par Stensness pour
le premier break. Au
contraire de Nicol, l'ouvreur néo-zélandais a fait basculer
la victoire dans son camp, d'abord en contrant son infortuné vis-à-vis,
ensuite en manoeuvrant à la façon du grand centre All-Black
qu'il fut pour faire déborder Desbrosse en position d'ailier.
Montferrand accusa très nettement le coup et tomba dès
lors dans un jeu brouillon qui fit l'affaire du Stade.
Heureusement, son dernier sursaut n'a pas manqué d'allure et
Nadau a franchi la ligne à la faveur d'une sautée, passant
à
l'intérieur de Marfaing qui était obligé de glisser
sur Marlu. Les supporters auvergnats ont recommencé à se
manifester mais le cadenas toulousain ne devait plus être forcé.
Au contraire, le rideau stadiste repoussa finalement l'ASM à l'intérieur
de son
camp.
Montferrand n'a pas à... jaunir de sa finale mais il est trop
souvent un valeureux perdant. Il lui manque toujours le petit quelque chose
qui fait les champions. Le Stade n'a pas éclaboussé sa première
finale au Stade de France mais, parce qu'il sait frapper au bon moment,
il a souscrit un abonnement à la victoire et le Bouclier est assurément
fait pour lui.
Jean-Louis LAFFITTE |
Opportunistes, va!
La faculté du Stade toulousain à profiter des fautes,
des erreurs de l'adversaire n'est pas une légende. Propres à
les créer, les
Toulousains sont encore plus aptes à les exploiter. Par le passé,
Agen, Toulon, Montferrand déjà, Castres ou même Brive
et
Bourgoin, et quelques autres équipes (on pense au Racing et
à un drop miraculeux de Marfaing à Bordeaux, par exemple),
en ont fait les frais. Hier, cela se passa en deux temps et trois mouvements.
Premier acte, 10 e minute: Merceron relance de son camp,
tape un petit coup de pied à suivre pour lui-même, dans sa
course il est d'abord freiné par Califano, avant que Desbrosses
ne fasse obstruction sur lui. Pénalité. Des 48 m face aux
poteaux, Merceron frappe sur le poteau gauche et le ballon revient
en jeu...
Deuxième acte 14e minute: Pratiquement dans l'action
qui suit, les Montferrandais sont dans les 22 m toulousains, pressing terrible
des avants. Merceron lance Marsh qui prend le trou. Mais Milou est là
qui le déséquilibre d'une cuillère. Immédiatement
la contre-attaque se développe. Filou, Jérôme Cazalbou
a déjà chippé le ballon. Sur son aile droite, Xavier
Garbajosa donne un petit coup de pied à suivre repris par Bory.
Le Toulousain bouscule l'ailier montferrandais, Stensness poursuit
au pied, mais se trouve stoppé irrégulièrement. Il
joue une
touche rapidement pour Jérôme Cazalbou qui file à
l'essai. Mais l'arbitre a déjà sifflé une pénalité
pour les Stadistes que
transforme Michel Marfaing.
Troisième acte, 31e minute: Daniel Santamans, interrogé
par Jean Abeilhou, regrette que les Toulousains n'utilisent pas
suffisamment le jeu au pied. « Les Montferrandais parviennent
parfaitement à déplacer le jeu dans notre camp, grâce
au jeu au pied. Il faut que nous fassions de même. Pour l'instant,
nous sommes déficitaires dans ce domaine ».
Bien vu. Sauf que le pauvre Merceron, bien malheureux jusque là,
(et plus encore après) veut jouer dans le dos de la défense
toulousaine. Il tape un petit coup de pied qui se veut lobant. Raté,
il tombe directement dans les bras de son vis-à- vis, Lee
Stensness. Le néo- Zélandais n'en demandait certainement
pas autant, qui fonce vers la ligne adverse pour le premier essai du Stade.
Transformation de Marfaing 10-0. La finale est pliée. Ou presque.
Opportunisme. Opportunisme toujours. Opportunisme du moins toulousain
des Toulousains. Mais opportunisme quand même.
Toujours profiter de la moindre faille, comme si Stensness était
passé par l'école de rugby du Stade, comme si l'on se
transmettait de génération en génération,
mais aussi entre anciens et nouveaux venus, le don de transformer la plus
petite bévue de l'adversaire en coup gagnant.
Comme s'il était l'héritier, le dépositaire, de
l'essai d'Emile Ntamack en demi-finale contre Bourgoin en 1995, pendant
les arrêts de jeu, ou de celui de Berty en finale 96 contre Brive.
La chance? Non point. La chance, ça se force, ça se mérite,
ça se gagne.
En trois coups de cuillères à pot. En trois actions,
le sort des Montferrandais a été scellé. Trois actions
qui ont semé le doute
dans l'esprit de Merceron, le buteur auvergnat qui ne s'en remettra
jamais et placé les Toulousains en position de gérer
tranquillement le match.
Trop tranquillement peut- être. Bah cela n'est qu'une histoire
de courage, de volonté, de défense. C'est une autre histoire...
Claude LATHERRADE
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Le dernier combat de Jean-Marc
Lhermet
A 32 ans, au bout de la souffrance et de l'énergie de l'espoir,
le capitaine de l'ASM en a fini avec sa longue
carrière. Il ne sera jamais champion de France. Mais le blond
guerrier-gentleman part sans regret.
Il n'a pas fini le match. Exténué, « cuit » comme
le dira lui même, le gentleman- guerrier de l'ASM. Il est allé
au bout de
lui-même, une dernière fois. Il est sorti du terrain,
de sa dernière pelouse à la 67e minute. Treize minutes
avant la fin, treize
minutes qu'il voulait pourtant, du banc de touche, croire porte-bonheur.
Mais une fois encore, l'ultime, l'infatigable combattant a vu le bonheur
suprême d'un titre lui échapper.
C'est en larmes qu'il est revenu, pour un ultime remerciement aux supporters,
les siens d'abord et tous les autres, ceux de
Toulouse et d'ailleurs qui, unanimement, lui ont rendu l'hommage qu'il
méritait mille fois.
Jean-Marc Lhermet, porté en triomphe sur les épaules
de tous ses potes, est alors sorti une bonne fois pour toutes d'une
pelouse, pour ne jamais y revenir en rugbyman.
« C'est fini », dit-il tout simplement, la larme à
l'oeil transformé en oeuf de pigeon, son dernier souvenir de joueur
combattant. Il a tout donné. Sans reproche et sans peur comme toujours
le chevalier jaune. « Je ne crois pas que je puisse ce soir avoir
des regrets sur ce match, si ce n'est d'avoir perdu. Si ce n'est que deux
coups de pied sur une barre nous empêchent de connaître une
immense joie. Mais c'est le rugby. »
Le capitaine de l'ASM reconnaît, certes, les erreurs, irréparables
pour au moins l'une d'entre elles « Nous voulions faire du jeu, mais
peut-être a-t-on pris un peu trop de risques, leur donnant les ballons
qu'on n'aurait pas dû. »
Il a espéré jusqu'au bout ce miracle qui n'est pas venu.
Et, là encore, le fair-play du vaincu est au rendez-vous, doublé
d'une réelle admiration pour le vainqueur. « Bien sûr,
sur la fin on les a senti prenables. Jusqu'à la dernière
seconde, on a gardé
l'espoir. Mais Toulouse est une machine redoutable, d'une rare et froide
efficacité, qui ne s'affole jamais, qui, même lorsqu'on la
sent fragilisée, sur le reculoir, est capable de vous mettre un
contre terrible. Leur groupe possède une telle solidité,
une organisation si impressionnante. »
Jean-Marc sera quasiment le dernier à quitter le vestiaire d'un
Stade de France qu'il va, malgré l'échec, garder longtemps
en
image. « La déception de l'instant est terrible mais finir
devant 80.000 spectateurs est une joie immense.
C'est terrible d'échouer encore une fois si près du but.
Il n'y a rien de pire. Mais faire de telles saisons, finir sur un tel stade,
c'est aussi un exceptionnel aboutissement. C'est pour cela que l'on
s'entraîne durant des années. »
De l'un de nos envoyés spéciaux Serge MANIFICAT. |