Dans quelques semaines, Antoine Dupont rejoindra les Bleus de France à 7 pour préparer les JO de Paris 2024 (26 juillet-11 août). Le demi de mêlée toulousain (27 ans, 52 sélections) entend faire profil bas avant de se lancer dans cette nouvelle aventure. Et c'est aussi le souhait de l'encadrement qui ne veut pas en rajouter. Mais pour le sélectionneur des Bleus Jérôme Daret, l'arrivée de Dupont, qu'il imagine capable d'évoluer à tous les postes, n'est évidemment pas anodine. « Il faut qu'il se sente bien », dit-il lors d'un entretien à L'Équipe.
« On parle beaucoup de l'équipe de France de rugby à 7 depuis quelques jours. Ça doit vous faire plaisir...
On est dans une année très excitante avec les Jeux Olympiques de Paris 2024. C'est extraordinaire, cent ans après Paris 1924 lorsque la France avait décroché une médaille d'argent. On va essayer de faire mieux ! (Rire) On va aussi entrer dans un nouveau format de compétition, de nouvelles opportunités. On a fait une très belle saison l'année dernière, on a fini quatrième mondial, ce qui n'était jamais arrivé. Ça nous permet de nous qualifier directement sur le terrain même si nous étions qualifiés directement en tant que pays hôte.
Ça envoie un signal à nos concurrents directs mais ça dit aussi qu'on a encore besoin de cravacher pour titiller encore plus les meilleurs, que ce soit la Nouvelle-Zélande ou les Fidji. Nous sommes des aventuriers explorateurs chercheurs d'or. Et on cherche le meilleur chemin pour atteindre le Graal, le chemin le plus rapide surtout. On a trouvé de l'argent et du bronze de manière régulière depuis quelques années, avec six demi-finales l'année dernière, mais on n'a pas encore trouvé l'or. On est vraiment dans cette quête, surtout dans cette nouvelle compétition avec seulement douze équipes et un niveau encore plus élevé.
Antoine Dupont a-t-il une bonne tête de chercheur d'or ?
(Rire) Vous savez, le plus important en rugby à 7 c'est surtout de fonctionner en équipe, d'avoir des automatismes, des réflexes et des codes communs qui permettent d'appréhender toutes les situations jouées à pleine vitesse. On est là pour amener un cadre de jeu qui va permettre à chacun des joueurs d'exploiter son potentiel maximum.
« Le fait qu'Antoine Dupont se positionne pour jouer les Jeux Olympiques envoie un signal fort à l'équipe de France. Il considère quelque part que l'équipe de France est capable d'aller chercher une médaille olympique et il a envie d'en découdre avec nous. »
Comment va se dérouler l'intégration de Dupont ?
Antoine est un joueur très intelligent. Je le remercie quelque part. Le fait qu'il se positionne pour jouer les Jeux Olympiques envoie un signal fort à l'équipe de France. Il considère quelque part que l'équipe de France est capable d'aller chercher une médaille olympique et il a envie d'en découdre avec nous. C'est extraordinaire. Je remercie aussi la FFR, la LNR, le Stade Toulousain et les clubs au sens large qui font la richesse de l'équipe de France aujourd'hui, mais aussi l'Agence nationale du sport qui nous soutient. On a l'habitude de faire venir des joueurs du quinze et vice-versa. On a un savoir-faire qu'on veut encore améliorer.
Mais Dupont n'est pas un joueur comme les autres...
Oui, bien sûr. C'est juste le meilleur joueur au monde. Sur la dernière Coupe du monde, c'est le joueur qui a fait le plus d'offloads (passes après contact), dix je crois même s'il n'a pas joué tous les matches (trois seulement en raison de sa fracture maxillo-zygomatique contre la Namibie, soit au total 200 minutes). Sur neuf passes, que ce soit au pied ou à la main, il a réussi à faire briller les joueurs autour de lui, en les faisant marquer ou en les mettant en situation de franchissement. C'est un joueur qui a plus de 90 % de réussite au plaquage. C'est aussi un joueur capable d'en récupérer un autre à cinquante centimètres de la ligne et de l'empêcher de marquer. Il a un standard très, très élevé.
C'est un honneur pour l'équipe de France d'accueillir ce genre de potentiel. Il devra aussi se mettre au diapason du rugby à 7. C'est courageux de sa part. Il va sortir de sa zone de confort. Il va ainsi peut-être explorer d'autres ressources qu'il ne soupçonnait pas chez lui. Et pour nous, ça nous challenge aussi et ça nous sort de notre zone de confort. On a besoin de prendre en compte tout ce qui se passe autour d'un joueur comme ça. Ça va nous permettre au fur et à mesure d'apprendre une compétition majeure comme les JO et de solidifier nos performances.
Avez-vous déjà discuté avec lui ?
Oui, bien sûr. On a eu des échanges. L'objectif est qu'il se nourrisse des compétences de l'équipe de France. On va travailler très étroitement avec le Stade Toulousain, comme on peut le faire déjà avec Nelson Épée et Dimitri Delibes pour lesquels il y a beaucoup d'interactions médicales, physiques et managériales. On a un plan stratégique de construction.
« Le rugby à 7 et à 15, c'est le même sport avec quelques variantes. Il faut en acquérir les programmes moteurs, les bons réflexes par rapport à ce qu'exige cette discipline où tout va très vite. »
Dupont vous rejoindra en janvier. Et ensuite ?
Il sera là de manière régulière avec nous jusqu'à sa capacité ou non d'être à l'arrivée. Il faut qu'il se sente bien dans l'équipe. On a besoin de travailler des choses avec lui mais je n'ai aucun doute sur son potentiel. Il faut que ça lui aille aussi. C'est le rugby à 7 qui vous sélectionne, et pas le sélectionneur. C'est comme l'océan. On a l'impression qu'il n'est pas dangereux alors que justement le danger peut arriver de partout. Le rugby à 7, ça pétille de partout. Il faut beaucoup d'humilité, comme le font Antoine et les autres joueurs. Le jeu vous rappelle tout le temps à l'ordre.
Combien de tournois disputera-t-il ?
Au moins trois. Ceux de Vancouver (23-25 février), Los Angeles (2-3 mars) et Madrid (31 mai-2 juin). C'est ce qui a été calé. Tout a été construit avec Christophe Reigt, le manager de l'équipe de France à 7.
La difficulté est-elle d'abord de bien l'intégrer au sein d'un groupe qu'il ne connaît pas ?
Oui, c'est exactement ça. Il y a des joueurs permanents, d'autres qui font des allers-retours permanents. L'équipe de France n'appartient à personne. Ce n'est pas forcément l'association des meilleurs joueurs qui fait la réussite. Ce qui compte, c'est la meilleure complémentarité des joueurs. Il faut passer du temps ensemble et de l'expérience collective. La notion d'équipe est primordiale.
Dupont devra-t-il faire évoluer ses qualités physiques ?
Le rugby à 7 et à 15, c'est le même sport avec quelques variantes. Il faut en acquérir les programmes moteurs, les bons réflexes par rapport à ce qu'exige cette discipline où tout va très vite. C'est l'effervescence du rugby, la Formule 1 du rugby. Tout est très clinique. L'arbitrage est aussi chirurgical avec des sanctions prises directement. Ça peut être très complexe pour un joueur qui n'a pas tous les codes, et même ceux qui les ont doivent avoir beaucoup d'humilité.
« À partir du moment où Antoine Dupont aura pris en compte tous les éléments, on pourra développer une stratégie et le développer à plusieurs postes. »
À quel poste Dupont pourra-t-il évoluer ?
Je préfère ne pas encore répondre à cette question car ce sont des choses que l'on a besoin de maturer et de co-construire avec l'équipe et le joueur lui-même. Il faut qu'il se sente bien dans certaines positions et qu'il se nourrisse du système de jeu. À partir du moment où il aura pris en compte tous les éléments, on pourra développer une stratégie et le développer à plusieurs postes. Mais pour moi aujourd'hui, il peut jouer du 1 au 7 sans aucun problème. Sur le peu de matches qu'il a joués à Coupe du monde, il a fait onze franchissements. Il est très difficile à plaquer et il a cassé onze plaquages. Il défend fort aussi. Il a des arguments dans les standards du rugby à 7. Allons-y, feu !
Quelles sont les qualités pour être un bon joueur à 7 ?
Déjà de la résilience. C'est le standard minimum de la haute performance. Il faut aussi avoir une très bonne lecture de jeu, accélérer fort, freiner fort, être en capacité d'en découdre notamment défensivement. Ce sont les qualités de base. Après si vous avez des complémentarités avec des joueurs qui vont au-delà de 38 km/h et des joueurs qui bombardent pour finir des coups, c'est très intéressant. Il faut aussi des joueurs qui soient en capacité de faire jouer les autres.
D'autres éléments du quinze de France pourraient-ils vous rejoindre ?
Peut-être que certains de notre équipe atteindront un jour le quinze de France. (Rire) Aujourd'hui, on a trente joueurs ciblés sur le papier. Dix-sept ou dix-huit seront permanents. Certains sont identifiés dans les clubs et ils sont déjà venus avec nous. Si on blesse douze joueurs d'ici la fin de saison, ce sera différent. On ne sait jamais ce qui peut se passer dans l'année. Ce qui est concret aujourd'hui, c'est Antoine mais aussi les joueurs qui sont identifiés, et notamment la première équipe qui va partir à Dubai pour lancer cette saison fantastique la semaine prochaine. »