Après de longs mois de conflits, d’incompréhension aussi, entre le club de l’ASM et Alexandre Lapandry, le joueur emblématique a été célébré samedi dernier comme il se devait. Trois jours après, l’ancien troisième ligne s'est raconté, autour d'un café, le corps encore meurtri mais l'esprit libéré.
On gardait l’image d’un homme tendu, le regard parfois dans le vide, rencontré chez son avocat en décembre 2022. Un garçon qui se retrouvait dans une situation de conflit qu’il n’était peut-être pas complètement prêt à affronter avec l’ASM, ce club qui est toujours resté cher à son cœur.
Mais en huit mois, il s’est passé beaucoup de choses à l’intérieur du club clermontois. Les mains ont été tendues pour mettre fin à tous les litiges et trouver une porte de sortie. Aujourd’hui, alors qu’il a été célébré samedi dernier avant le coup d’envoi du match face à Perpignan, Alexandre Lapandry nous a livré son bulletin de santé, parlé de ses émotions lors de ses retrouvailles et évoqué aussi son avenir.
Pour commencer, comment va votre santé ?
"Ça va, avec des hauts et des bas. J’ai encore des symptômes cérébraux fréquents comme les maux de tête, les vertiges, les manques de concentration et, surtout, un état de fatigue assez important."
Comment vous soignez-vous, plus de deux ans et demi après votre dernier match et votre commotion ?
"Déjà, je travaille avec un psychologue sur tout ce qui est cognitif et comportemental. Cela m’aide à l’acceptation des symptômes. Je travaille aussi à distance avec Genève et un groupe de spécialistes en neurovision, suite aux commotions. J’ai des travaux réguliers, essentiellement via l’ordinateur. Je fais beaucoup de séances, notamment de neurotracker. C’est un outil d’entraînement cognitif. J’ai un suivi régulier également avec un docteur et un psychiatre."
Vous ne faites que de la rééducation cérébrale ?
"Je fais aussi du vélo d’appartement avec une montre reliée pour régler le « sympathique et parasympathique ». C’est le système nerveux qui stimule ou apaise le métabolisme. J’ai aussi un problème avec ça."
Et professionnellement, où en êtes-vous ?
"Je suis au chômage. Mon dossier vient d’être validé à la MDPH (ndlr : maison départementale des personnes handicapées) et j’ai obtenu une RQTH, qui est la reconnaissance du travailleur handicapé."
"Quand mon état de santé me le permettra, je voudrais faire une formation dans l’expertise et le diagnostic immobilier. J’aimerais bien monter ma boîte."
Avoir des projets doit vous faire avancer ?
"C’est sûr et puis, à 34 ans, je dois assurer mon avenir et gagner ma vie. Oui, j’ai besoin d’avancer mais, je le répète, j’ai mon problème de santé à régler."
On a donc bien compris que tous vos litiges avec l’ASM étaient réglés, ou du moins ont pris fin ?
"Oui, tout est fini et derrière moi. Et c’est bien que ça se finisse comme cela."
Quelles personnes ont permis cette issue et la réconciliation ?
"Le nouveau président Jean-Claude Pats et le directeur Benoît Vaz ont provoqué le contact avec des échanges très humains. Ils ont vraiment compris ma souffrance et mes galères. Après, entre gens intelligents, on a trouvé un terrain d’entente, voilà."
On vous sent soulagé ?
"Complètement. C’était important que ça se règle de cette façon, et non pas par des années de procédures. J’ai déjà le cerveau abîmé et cette affaire rajoutait du stress dont je n’avais pas besoin. Quelque part je me sens libéré et plus serein pour continuer à me soigner."
On sait que très longtemps vous ne vouliez plus sortir, vous exposer et surtout aller au stade…
"C’est vrai que pendant longtemps je ne voulais pas croiser trop de monde, avoir à m’expliquer. Depuis quelque temps, je sortais un petit peu plus mais samedi, c’était ma première au stade Michelin depuis deux ans et demi."
Racontez-nous…
"Ça m’a vraiment fait bizarre. J’ai traversé une partie du terrain, j’ai pu rencontrer des supporters. Après le match, j’ai été dans les vestiaires, ça m’a fait drôle. J’ai été super bien accueilli. J’étais vraiment content, cela m’a fait du bien. En plus, j’ai pu m’entretenir avec Franck (Azéma), qui était là avec l’USAP."
"Voilà, j’avais besoin de vivre ces moments. Franchement, si je n’avais pas vécu cette petite cérémonie que m’ont réservée les dirigeants, il y aurait eu un vide dans ma fin de carrière."
Vous voyez-vous un quelconque avenir dans le rugby ?
"Quand j’irai mieux, oui. Le rugby reste ma grande passion. Là, je vais peut-être donner un petit coup de main au club de Chamalières, dans n’importe quelle catégorie, sans la moindre contrainte, ni contrat bien sûr. J’ai juste envie de remettre le pied sur un terrain, de retrouver quelques sensations."
L’ASM vous a-t-elle fait une proposition ?
"Ils m’ont ouvert une porte éventuellement à l’école de rugby, mais je ne me sens pas encore en état d’intégrer une structure cadrée. Peut-être un jour…"
Entretien réalisé par Christophe Buron (La Montagne - 29/08/2023)