Demi-de-mêlée emblématique de l'ASM Clermont, Morgan Parra, aujourd'hui au Stade français, a annoncé qu'il prendrait sa retraite sportive à l'issue de la saison. Il y a quelques mois, Damien Chouly, Gonzalo Quesada et Dimitri Yachvili s'étaient penchés sur le jeu, ô combien complet, de celui qui avait été l'un des artisans majeurs de la conquête des Boucliers de Brennus en 2010 et 2017.
[Article paru dans le cadre d'un hors-série "Morgan Parra, la belle épopée clermontoise", réalisé par La Montagne et paru en 2022]
Le neuvième avant, vu par Damien Chouly
Partenaire pendant sept saisons de Morgan Parra sous le maillot clermontois (2012-2019), Damien Chouly a souvent évolué aux côtés du demi de mêlée. Au moment d’évoquer le rôle de neuvième avant de l’ancien Berjallien et ses qualités de défenseur, le nom du troisième ligne perpignanais s’est imposé naturellement.
« Morgan Parra est souvent considéré comme un neuvième avant. Non pas pour son physique, mais pour son jeu, sa capacité à driver le pack, à le bouger, à être assez directif avec les ‘’gros’’ pour orienter le jeu. Quand tu as un joueur comme lui derrière toi, c’est rassurant. C’est quelqu’un d’assez précis, qui sait ce qu’il veut.
Quand je suis arrivé à Clermont (en 2012), Morgan était là depuis quelques années et il occupait déjà ce rôle-là. Il possédait cette capacité à orienter le jeu, à avoir une influence sur son paquet d’avants et à mettre en place la stratégie. Il a un tempérament de leader et forcément, ça aide.
C’est quelqu’un qui parle beaucoup, qui dirige le jeu et les hommes. Ce que je retiens, c’est sa capacité à répondre toujours présent lors des grands rendez-vous, à assumer pleinement son rôle d’animateur et de trait d’union entre avants et trois-quarts.
À l’ASM, pendant la semaine, on avait une relation particulière. Lorsque j’étais capitaine de touche, pour échanger autour de la stratégie, notamment sur les zones à trouver sur les lancers pour orienter le jeu au mieux et mettre les trois-quarts dans les meilleures conditions. Morgan est très attaché à la stratégie.
Peu importe les gabarits, il se jetait à pleine vitesse dans les mecs qui arrivaient. Il amenait également beaucoup à l’équipe dans ce domaine. Personne n’a oublié son grattage dans les ultimes secondes en finale du Top 14 contre Toulon en 2017.
C’est également quelqu’un d’entier. Il se donne à 200 % dans ce qu’il fait et cela se ressent dans ses aptitudes défensives. Quand on se faisait percer sur le premier rideau, il intervenait toujours en repli avec efficacité. Peu importe les gabarits, il se jetait à pleine vitesse dans les mecs qui arrivaient. Il amenait également beaucoup à l’équipe dans ce domaine. Personne n’a oublié son grattage dans les ultimes secondes en finale du Top 14 contre Toulon en 2017. Cette action résume à elle seule ses capacités de défenseur et son état d’esprit. Julien Bonnaire l’avait d’ailleurs surnommé ‘’la ronce’’ parce qu’on n'arrive pas à s’en dépêtrer. »
Le botteur, vu par Gonzalo Quasada
Il était le témoin idoine pour décrypter le jeu au pied de Morgan Parra. Gonzalo Quesada a accompagné le demi de mêlée dans ce travail spécifique de 2008 à 2011.
« Morgan a été très performant très jeune et il a su rester régulier. Tout en progressant. J’ai tout de suite senti qu’il avait un très beau toucher de balle. On sent vite les joueurs qui ont eu un contact avec un ballon très jeune, qui ont commencé à travailler leur jeu au pied assez tôt. Ils ont une sensibilité particulière. Morgan voulait vraiment avoir une frappe qui lui permette d’être le buteur numéro un. Il voulait déjà l’être à Bourgoin à l’époque, même s’il y avait Benjamin Boyet, un joueur hyper expérimenté. Cela s’est reproduit lorsqu’il a signé à Clermont, où il y avait Brock James. Ce côté compétiteur qui l’anime, l’a fait devenir le joueur et le buteur qu’il est.
Un grand buteur, c’est une double arme psychologique. Il possède une influence sur son équipe, sur son paquet d’avants : à chaque fois qu’il sera dominateur sur le pack adverse, il sait que le buteur va transformer cette domination en points.
Dans son tir au but, Morgan arrive à transmettre une bonne puissance sur le ballon, à bien le frapper grâce à un bon timing et à cette vitesse qu’il parvient à développer dans son geste. Le sien est plus court, avec moins d’amplitude que celui d’autres buteurs comme Dimitri Yachvili ou encore Julien Dupuy avec qui j’ai également travaillé. Morgan a des psoas très raides, ce qui limite cette amplitude.

Il a gardé ce même geste, avec un rendu hyper efficace. Il parvient à contrôler la trajectoire du ballon tout en ayant une course d’élan très courte. Certains joueurs ont besoin d’avoir des courses d’élan plus longues et plus d’amplitude pour garder la même efficacité.
À l’époque, je possédais une caméra à haute fréquence pour étudier les gestes au ralenti. On faisait des analyses assez poussées pour essayer de comprendre à quel moment son geste, techniquement, était optimisé.
Un grand buteur, c’est une double arme psychologique. Il possède une influence sur son équipe, sur son paquet d’avants : à chaque fois qu’il sera dominateur sur le pack adverse, il sait que le buteur va transformer cette domination en points. Mais c’est surtout une arme psychologique sur l’adversaire, qui passe sa semaine à dire : "il ne faut pas faire de fautes". Sauf que lorsque tu cherches à ne pas te mettre à la faute, tu laisses jouer l’adversaire parce que tu essaies de ne pas monter trop fort, de ne pas trop gratter les ballons.
Lors de nos séances, on travaillait également les coups de pied de numéro neuf, les "coups de pied dans la boîte", mais aussi le jeu d’occupation, les diagonales dans le dos des ailiers. Morgan détient cette capacité de lecture de jeu, d’analyse, de compréhension qui lui permet de couvrir aisément les deux postes de la charnière. »
Le chef d'orchestre, vu par Dimitri Yachvili
Dimitri Yachvili connaît bien Morgan Parra. L’ancien demi-de-mêlée de Biarritz a côtoyé le Clermontois en équipe de France entre 2009 et 2012. Souvent en concurrence frontale au poste, ils ont pourtant évolué ensemble à la charnière lors de la Coupe du monde en 2011 en l’Angleterre. En raison de la blessure de David Skrela en début de compétition, Marc Lièvremont avait déplacé Morgan Parra à l’ouverture et titularisé Yachvili à la mêlée.
« C’est un joueur hyper méticuleux à tous points de vue. Morgan est ce que l’on appelle un demi-de-mêlée gestionnaire, commente celui qui est devenu consultant pour France Télévision. C’est aussi le leader de son équipe. Un leader de jeu et un leader charismatique aussi. Car c’est un garçon qui a du caractère. Il apporte cette étincelle sur le terrain, mais aussi en dehors. Ce qui lui permet de créer des liens très forts dans le combat et dans les rencontres », ajoute le natif de Brive, désormais installé à Anglet.

Yachvili met d’abord en avant la personnalité du futur Parisien. « Morgan est quelqu’un de passionné par le jeu et la stratégie collective. On a pu constater combien il avait pu apporter dans ce domaine à l’ASM dès son arrivée en 2009. C’est d’abord quelqu’un qui n’aime pas perdre. Cela a été bénéfique immédiatement à ce club qui savait malheureusement ce que perdre voulait dire à cette époque car il restait sur trois défaites d'affilée en Top 14. »
Déjà lu mais sympa.
Faut dire que LMT n'est pas souvent en avance... 