Bien sûr, Ugo Mola et ses adjoints ont la chance de disposer d'un effectif truffé de compétiteurs ultimes, mais même les flammes les plus ardentes ont régulièrement besoin d'être attisées pour durer. Alors, le staff cogite. « C'est tout le boulot de l'intersaison, reconnaît Clément Poitrenaud, l'entraîneur des trois-quarts rouge et noir. On doit créer les conditions de la performance, en se servant de toutes les expériences des années précédentes. »
Visiblement, ça marche. « Depuis que je suis dans ce club, je n'ai jamais vécu deux fois la même saison, observait la semaine passée le deuxième-ligne international Thibaud Flament. Je n'ai jamais eu l'impression que l'histoire se répétait purement et simplement. C'est une des grandes forces du staff. Il parvient à casser la routine et à aller chercher chez nous ce petit supplément d'âme qui fait la différence. »
Comment s'y prend-il ? En essayant de bien couper pendant les vacances, déjà, pour recharger les batteries, même si le besoin de rugby ne tarde jamais à ressurgir. « Il y a les matches internationaux qu'on regarde tous avec assiduité, parce qu'on a forcément envie de voir si des nouveautés pointent le bout du nez, confie Poitrenaud. Ça permet de nourrir la réflexion de manière plus posée que dans le tourbillon de la saison. On ne regarde pas les autres pour les copier, mais pour s'imprégner et éventuellement adapter les bonnes idées à notre rugby. On se nourrit tous les uns des autres. C'est aussi pour ça qu'on reçoit ici pas mal d'entraîneurs et de managers. Forcément, quand tu t'ouvres aux autres, tu reçois aussi en retour. Ça nous permet de tous évoluer positivement. »
« L'idée est de préserver la fraîcheur mentale de nos joueurs en éveillant leur curiosité le plus souvent possible »
Clément Poitrenaud, entraîneur des trois-quarts toulousains
Au retour de congés, les membres de l'encadrement s'assoient ensuite autour d'une table, dressent un rapide bilan de la saison passée et ouvrent les discussions jusqu'à établir un nouveau projet. « On échange beaucoup et on essaie d'amener des nouveautés, souffle l'entraîneur de la défense Laurent Thuéry. On doit se renouveler parce qu'on a en face de nous des mecs de très haut niveau qui nous demandent sans cesse de les challenger. » Un planning de la semaine qui bouge, un système de jeu qui évolue, des contenus d'entraînement plus variés, une rotation d'effectif plus large (59 joueurs ont été utilisés la saison passée !), tout est bon pour sortir l'effectif d'un quotidien trop ronronnant.
Même accroître leur polyvalence, pourtant déjà exacerbée. Verra-t-on cette saison Antoine Dupont au poste de centre, ou Thibaud Flament sur la ligne des trois-quarts ? Rien n'est exclu. « C'est toujours intéressant de vivre des sensations un peu différentes, que ce soit dans la vie ou dans le rugby, admet Flament. On n'a pas encore parlé sérieusement d'une polyvalence un peu exotique en ce qui me concerne, mais c'est sûr que ça serait un kif et peut-être aussi une solution pour briser la monotonie, parce que les saisons sont longues. » « L'idée est de préserver la fraîcheur mentale de nos joueurs en éveillant leur curiosité le plus souvent possible, explique Poitrenaud. C'est bien qu'ils découvrent quelques surprises, le matin, à l'entraînement, même si ça reste du rugby, et qu'à un moment, ils vont se retrouver à 15 contre 15 sur le terrain avec un ballon. »
Le coach des trois-quarts ne relit jamais la trame des entraînements passés, pour ne pas être tenté de les renouveler à l'identique.
Ça le pousse à innover, à créer de nouveaux exercices, en faisant parfois participer plusieurs de ses adjoints. « Les trois-quarts peuvent parfois être dirigés par quatre intervenants différents en quarante minutes, dit-il. Ça peut être Jerome Kaino pour les attitudes au contact, Laurent Thuéry pour un exercice de défense, David Mélé pour un exercice de skills (technique individuelle), et moi pour un exercice lié aux objectifs du week-end. Travailler à plusieurs cerveaux en variant les voix, c'est aussi un moyen de capter l'attention des mecs. »
Le staff toulousain ne s'interdit qu'une chose : embarquer son groupe dans des raids commandos en pleine nature pour souder les hommes, comme on le voit parfois dans d'autres clubs. Ici, pas de via ferrata ou de rafting dans les Pyrénées, pas de tir à l'arc ou de saut à l'élastique dans le Vercors. « Chez nous, la cohésion se fait à travers le jeu, précise Poitrenaud. On estime que ça ne rendra pas nos gars plus courageux et plus copains de faire ce genre de choses. Le centre du projet, ici, c'est le rugby. On est là pour ça. »