En marge de l'entretien qu'il nous a accordé pour dessiner le jeu du quinze de France et ses attentes pour le Tournoi des Six Nations (4 février-18 mars), l'entraîneur de l'attaque des Bleus Laurent Labit a également accepté d'évoquer son avenir, après la Coupe du monde (8 septembre-28 octobre), du côté du Stade Français avec Karim Ghezal, actuel co-responsable de la conquête et futur entraîneur en chef du club parisien.
Labit avoue que sa collaboration avec le sélectionneur Fabien Galthié l'a beaucoup influencé et fait aussi le point sur la constitution de son futur staff. Avec ou sans Morgan Parra à ses côtés ? Le demi de mêlée aux 71 sélections, pressenti pour intégrer l'encadrement parisien, n'a visiblement pas encore officiellement donné sa réponse.
« Dans quelques mois, après la Coupe du monde, vous allez quitter le quinze de France pour rejoindre le Stade Français. Cela vous démangeait de retourner entraîner en club ?
Comme je l'ai dit à Bernard (Laporte), Fabien (Galthié), le docteur (Hans-Peter Wild) et Thomas Lombard, je suis engagé à bloc avec l'équipe de France jusqu'à la fin de la Coupe du monde. C'est aujourd'hui ma priorité. Pourquoi revenir en club ? Pendant seize ans, j'ai été habitué à prendre des décisions, planifier et diriger. Aujourd'hui, avec notre fonctionnement, Fabien s'appuie beaucoup sur moi et sur nous. Il prend le temps de nous consulter pour tout et lui prend bien sûr la décision finale. Je retrouve un peu de ce que je faisais. Le boss, le patron, c'est Fabien.
Au bout d'un moment, ça manque un peu. La sélection, comme le dit Fabien, c'est le sublime. Ce sont les meilleurs joueurs du pays contre les meilleurs du pays adverse, dans ces conditions superbes, devant des millions de téléspectateurs et des stades pleins. Tu as onze matches dans l'année, tu prépares onze finales. Mais tu n'as pas le quotidien du club, l'aspect construction, le développement des joueurs, le côté éducateur.
«Il n'y a rien rien de plus beau que de prendre un joueur et de l'amener à un endroit où, même lui, ne pensait pas pouvoir aller. »
C'est cet aspect de bâtisseur et développeur de talents qui vous manquait ?
Oui. Je suis content de voir arriver Antoine Dupont mais je ne lui apprends rien. Je ne vais pas développer Antoine pendant trois semaines de tournée ou pendant le Tournoi. Ce n'est pas mon rôle. Quand tu as l'âme d'un entraîneur, ça te manque forcément. Il n'y a rien de plus beau que de prendre un joueur et de l'amener à un endroit où, même lui, ne pensait pas pouvoir aller.
De par mon expérience de seize ans de club et mes quatre ans et demi avec Fabien, je vais revenir en club différemment. Au Racing, avec Laurent (Travers), on était deux et on faisait tout. C'est pour cela que j'ai sondé Karim (Ghezal) et que je voulais qu'il vienne, afin de prendre en charge aussi l'équipe. Il sera entraîneur en chef, il aura la méthodologie d'entraînement, la construction des séances.
Je serai en appoint de ça, avec un entraîneur de l'attaque, un entraîneur de la défense, un entraîneur du jeu au pied, des skills. Karim chapeautera ça et moi je serai au-dessus. Je vais m'organiser différemment. Je vais me servir de l'expérience de la sélection et du fonctionnement de Fabien. Je lui ai dit d'ailleurs très sincèrement. Il m'aura appris plein de choses.
Dans le rugby, c'est un expert. Je le savais déjà parce que j'ai eu la chance et le privilège de jouer avec lui en club et en sélection. En club, j'ai joué trois ans avec lui, moi en dix et lui en neuf. Après cinq minutes de match, il savait déjà ce qu'il allait se passer et ce qu'il fallait faire. Je ne suis pas surpris. Si je reviens en club, c'est aussi sa faute. C'est lui qui m'a redonné l'envie de coacher et manager différemment. Je repars avec des billes que je n'avais pas lorsque je suis arrivé.
Et pourquoi avoir choisi le Stade Français ?
J'ai eu plusieurs sollicitations. Mais le Stade Français est un club qui a une histoire. Un club particulier, celui de la capitale. Une fois que j'ai rencontré les gens, ça m'a attiré. Le Stade Français, c'est quatorze Brennus, peut-être quinze cette saison. C'est en tout cas que je souhaite de tout coeur pour le club et surtout pour Gonzalo (Quesada). Il y a des choses à faire dans ce club qui n'a pas gagné de titre récemment (le Challenge européen en 2017 et le Top 14 en 2015) mais il est en train de repartir. On va essayer de surfer sur la dynamique actuelle.
«La décision, c'est lui (Morgan Parra) qui l'a. Et sa première décision saura de savoir s'il arrêtera de jouer ou pas. Pour l'instant, il ne le sait pas. C'est lui qui tranchera et décidera. Une fois qu'il a décidé, on regardera comment on fait. »
Vous ne dînerez plus avec Jacky Lorenzetti, votre ancien président au Racing 92...
Je l'avais vu il y a quelques mois. On avait discuté autour d'un café. Je lui avais dit ma tentation de revenir en club. Je pouvais continuer en sélection ou revenir en club. Lui m'avait cité quelques clubs potentiels dont le Stade Français. On en était resté là. Pour moi, Jacky restera toujours Jacky. C'est le président avec qui on a gagné (en 2016). Avec moi, il a toujours été plus que réglo avec moi. Super même. Il m'a offert des conditions et les meilleurs joueurs au monde pour travailler, avec une finale à Barcelone (contre Toulon, victoire 29-21 à 14 contre 15 pendant une heure) dont on se rappellera toute notre vie. Comme moi, il fait des choix professionnels.
Si votre recrutement de la saison prochaine est quasiment bouclé, vous n'avez pas encore constitué intégralement votre staff. Morgan Parra est bien parti pour l'intégrer. Qu'en est-il ?
Pour le moment, la décision, qui lui appartient, est de savoir s'il redémarre la saison comme joueur ou pas. Beaucoup de choses ont été écrites et dites. Morgan sait qu'il entraînera dans son avenir. Il l'a préparé. Quand il était à Clermont, il entraînait une équipe à côté. C'est quelque chose qui le passionne et qui lui plaît. Aujourd'hui, c'est un joueur du Stade Français. Il a un contrat de joueur la saison prochaine. Il réfléchit afin de savoir s'il est prêt à redémarrer une saison, à faire les efforts d'une préparation, il sait ce que ça coûte.
Une semaine, à 34 ans, c'est long, mais il adore les matches. C'est un compétiteur. On voit encore le niveau qu'il a aujourd'hui. Moi, je ne suis pas pressé pour le recrutement de l'entraîneur de l'attaque et du jeu au pied. Il le sait. La décision, c'est lui qui l'a. Et sa première décision saura de savoir s'il arrêtera de jouer ou pas. Pour l'instant, il ne le sait pas. C'est lui qui tranchera et décidera. Une fois qu'il a décidé, on regardera comment on fait. Mais aujourd'hui rien n'est scellé contrairement à ce qui a été dit. »