Posté 10 février 2025 - 18:29
Interview midol de Lorenzetti :
Lors de la dernière défaite du Racing 92 face à Castres (20-27), il y eut cette image de vous, en tribunes. Elle a marqué les gens : vous êtes abattu, prostré
(Il soupire) Moi, je suis passionné par tout ce que je fais, et en particulier par le rugby où les émotions sont décuplées. Le Racing vit une période difficile et je souffre avec lui. [] Jusquici, on avait toujours été dans les six meilleures équipes françaises et européennes. Ce nest plus le cas, soyons lucides. Il fallait donc réagir.
Vous avez donc décidé que laventure de Stuart Lancaster au Racing devait sarrêter là
Reprenons un peu le cours des choses. Il y a deux ans, jai demandé à Laurent Travers de prendre du recul parce que le cycle devait changer. On sépuisait un peu, on ne se renouvelait pas Cétait un besoin instinctif, presque de survie. Jai donc réussi à convaincre Toto, contre son avis je dois lavouer, de devenir président. Cétait ma première erreur. Derrière ça, jai accepté la candidature de Stuart Lancaster : à lépoque, tout le monde trouvait lidée bonne, moi le premier.
Et puis ?
Ça ne la pas fait Depuis la guerre de 100 ans, les Anglais sont nos pires amis ou nos meilleurs ennemis, je ne sais pas Mais ça ne la pas fait, quoi Et ça ne remet pas en cause le fait que Stuart est un grand technicien et un gros bosseur. Il était là tous les matins à 5h30.
Alors ?
La cohésion dont a besoin une équipe, elle nexistait pas chez nous ces derniers temps. Aussi, Stuart na peut-être pas appris le français assez rapidement et, autour de ça, le tout avait du mal à prendre. On sest donc quitté dun commun accord.
En bons termes ?
Même si mon patronyme dEurope du Sud et ma dynamique ritale me conduisent parfois à pousser des gueulantes, on ne sest pas lancé la vaisselle à la figure. [] Stuart avait une culture différente de la nôtre ; nos joueurs, latins dans lâme, avaient néanmoins besoin de bouillir davantage.
Est-ce donc ce soir-là, en tribunes, que vous avez pris votre décision ?
Je pense, oui. Je regardais le match et il ny avait plus aucun fond de jeu. Cétait une désespérance. On devait réagir pour éviter la catastrophe.
Que vous a dit Stuart Lancaster lorsque vous lui avez annoncé ?
Je pense quil sy attendait. On a dailleurs très vite trouvé un accord (financier, N.D.L.R.), sachant quil avait encore deux ans de contrat à honorer.
Quid de son fils Dan ?
Doit-on le pénaliser ? Non. [] Notre responsabilité première, cest davoir accepté quil (Stuart Lancaster) lengage. On navait quà dire non, après tout. À partir du moment où on a accepté, on ne va pas polémiquer. [] Comme je lai dit, je suis le chef des responsables et à partir du moment où jai dit oui, je nai pas aujourdhui de raison de pénaliser le jeune Lancaster. On a donc décidé, après une discussion entre nous, de continuer avec Dan. On peut avoir besoin de lui et depuis que Patrice Collazo est arrivé, il a un comportement loyal, positif et constructif. Il est irréprochable.
Avez-vous eu peur que le Racing perde son identité ? Beaucoup dAnglo-Saxons sont arrivés au club
Oui, vous avez raison. Ça fait partie des éléments qui ont poussé la décision. In fine, je nai pas voulu dénaturer limage du Racing. [] Ces derniers mois, quand jallais prendre mon café le matin au club-house comme jai lhabitude de le faire, on ne parlait autour de moi que le "britton". Or, le club sest toujours assis sur la formation, la formation et la formation. On va dailleurs réaccélérer là-dessus.
Lancaster nous a un jour confié souffrir du fait quil nait de relation quindirecte avec vous
Je sais, oui. Je parle un peu Anglais mais je ne suis pas "fluent". Cest aussi un handicap dans mes affaires. Il y avait donc souvent un traducteur entre nous et ça na pas aidé à construire une relation. Mais bon
Quoi ?
Le président, cétait Laurent Travers. La relation, Stuart devait lentretenir avec lui. Moi, jai nommé le président pour quil préside, pas pour que je fasse les choses à sa place. Sinon, je tue le président et jenlève toute crédibilité à Laurent, chose que je ne pouvais pas faire. [] De toute façon, tous les deux navaient pas une bonne relation.
Deux fauves dans une même cage ?
(Il rit) Oui, on peut dire ça !
Arrive aujourdhui Patrice Colazzo.
On avait besoin de punch, dagressivité. Depuis quon a trinqué au Camp Nou de Barcelone avec des coupes de champagne et des nuds papillons, les gens croient quon est des tendres, quon va baisser le pantalon pour prendre une fessée à chaque match Ce nest pas le cas et on va le montrer. Patrice est un rugueux et cest ce quil nous fallait. [] Je vous rappelle quil a fait un super boulot à La Rochelle et derrière ça, Ronan (OGara) a mis les pieds dans ses chaussons. Et puis, Patrice connaît le club pour y avoir passé plusieurs saisons, dabord comme joueur puis en tant quentraîneur des Espoirs.
Est-il seulement là pour cinq mois ?
On ne sinterdit rien mais le premier contrat est de cinq mois. Il peut néanmoins se passer plein de choses, à ce terme
Ce fut une saison agitée sur le plan émotionnel, pour vous. Il y eut le départ de Laurent Travers, celui de Camille Chat
Laurent, cest un ami, un frère. Depuis dix ans, on sappelle douze fois par jour, on se voit tout le temps. On a formé un duo, une équipe. Lannonce de son départ fut pour moi un premier coup dur. Je le dis volontiers : il y eut beaucoup de tristesse.
Le comprenez-vous ?
Oui. Il gérait sa responsabilité de président avec sérieux mais aussi avec la frustration de ne plus être sur le terrain. Il ne supportait plus cette situation et je pense que les Bayonnais font une bonne pioche. Il est capable de les faire, malheureusement pour moi, grimper dans la hiérarchie du Top 14.
Il y eut aussi le départ de Camille Chat, duquel vous étiez très proche
(Il soupire) Oui Avec Camille, on a été à la chasse ensemble et son grand-père pêche au gros avec un de mes copains denfance, à Quiberon
Daccord.
Jessaie pourtant de mettre de la distance avec mes joueurs. Cest Pierre (Berbizier) qui mavait fait remarquer, un jour où je faisais la bise à Agustin Pichot en public, que je ne devais pas faire ça. Il avait raison. Un président ne peut se positionner entre lentraîneur et le joueur, au risque de bousiller lautorité du coach. [] Tout ça pour dire que Camille était lun des fils du club et que ça ma fait mal. Mais là aussi, on était obligé de le faire. (Il marque une pause) Passons à autre chose
On a aussi limpression que lintégration dOwen Farrell tarde un peu à se concrétiser
Non, elle ne tarde pas. Owen était blessé aux adducteurs quand il est arrivé, ce qui le gênait considérablement. On a aussi commis lerreur de le mettre trop tôt sur le terrain Contre les Stormers en Champions Cup, il a été très bon. Puis la douleur est revenue et face à Castres en championnat, il était amoindri et a joué à la vitesse dun escargot qui recule. Sur le terrain, on na donc pas encore vu le vrai Farrell. En revanche, dans la vie de tous les jours, on sappuie sur un leader incroyable, qui aime le club et veut gagner. Il est le premier à souffrir de ne pas être au rendez-vous.
On vous suit
Avant de partir, Stuart Lancaster a demandé à chacun des joueurs de noter leurs coéquipiers. Farrell est arrivé en tête sur tous les critères de notation alors quil navait quasiment pas joué. Cest un grand monsieur du rugby, Owen.
Les joueurs ont eu du mal à se faire au terrain de Créteil, en début de saison. Lexpérience va-t-elle se poursuivre ?
À Paris-La Défense-Arena, on a du mal à faire cohabiter le rugby, les concerts et dautres évènements sportifs : on fait du motocross, de la MMA, du basket et bientôt, de léquitation ou du tennis. On a donc besoin de délocaliser quatre ou cinq dates du Racing chaque saison. Dernièrement, lopportunité de Créteil sest présentée : un stade de 12 000 places desservi par une ligne de métro, ce nest pas rien en île de France.
Pour autant, certains au club nont pas apprécié lexpérience
Il y a eu des grognards mais on sest expliqué avec eux, en leur disant quil fallait aussi respecter les intérêts de Paris-La Défense-Arena. Lan prochain, on sera encore obligé daller jouer quatre ou cinq matchs à Créteil : dici là, ça nous laisse le temps dhomologuer le terrain, de changer les éclairages et de mettre des écrans géants Lexpérience va être améliorée.
Et lannée daprès ?
Je vais vous donner un scoop : on va retourner à Colombes (pour la saison 2026-2027, N.D.L.R.) puisqu'on a d'obtenu jeudi soir le permis de construire (dun nouveau stade, N.D.L.R.) : ce sera un petit cocon à langlaise de 15 000 places, avec des spectateurs placés tout près de la pelouse et tout autour, un décor ciel et blanc très Racing Ce sera magnifique et renforcera notre identité dans les Hauts-de-Seine. Ce sera notre maison et nous délocaliserons à Paris-La Défense-Arena nos trois plus grosses affiches de la saison.
Pourquoi avez-vous récemment souhaité une baisse du salary cap ?
Quand je regarde mes bilans année après année, je maperçois quil est compliqué darriver à équilibrer les comptes. Je ne suis pas certain quil y ait des clubs en bénéfice, en Top 14. La baisse du salary cap, cest donc une façon de veiller à léconomie des clubs français et déquilibrer les forces au niveau mondial, où toutes les fédérations se cassent un peu la figure. Ces dernières années, le Top 14 a tiré les prix vers le haut et ce fut néfaste, in fine, pour le rugby dans sa globalité.
Lorsque vous avez proposé cette idée, certains de vos pairs ont dit que vous souhaitiez probablement faire place nette pour vendre le club
Ça fait 20 ans que je suis à la tête du club et je ne le lâcherai pas. Mon petit-fils est fou du Racing, je ne lui ferai jamais ça. [] Moi, aujourdhui, je nai pas lintention de vendre mais dun autre côté, il faut aussi que jassure la succession et donc assainir les finances. Arnaud Tourtoulou (le nouveau président du directoire, N.D.L.R.) est aussi là pour ça.
Le milliardaire Bernard Arnault, en passe dacquérir le Paris FC, ne vous a pas contacté ?
Non, ce sont des conneries Bernard Arnault veut investir dans le football.
Les élections à la LNR auront lieu en mars prochain. Soutenez-vous Yann Roubert, le président du Lou, comme le disent les rumeurs ?
Je nai rien contre Yann Roubert mais il souhaite être un président (de la Ligue, N.D.L..R.) rémunéré. À linstant où beaucoup de présidents souhaitent faire des économies et répartir au mieux les recettes de la Ligue, ça me semble contradictoire. [] Les liens entre Yann Roubert et GL Events, le probable nouvel exploitant du Stade de France, peuvent aussi poser des soucis de conflit dintérêts lorsquil faudra négocier les conditions daccueil des finales de Top 14. Eu égard à tout ça, je serais plutôt dans le camp de René Bouscatel (candidat à sa propre succession, N.D.L.R.).
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