Lors d’une conférence de presse organisée avant la garden-party du club, qui se tenait au Domaine du Mas Neuf à côté de Sète, le président montpelliérain Mohed Altrad est longuement revenu sur la situation du MHR, et reconnaît qu’il traverse une période de crise. Il évoque aussi l’éviction de Patrice Collazo et le nouveau staff, qui sera mené par Joan Caudullo, avec Bernard Laporte en directeur du rugby.
Président, vous avez souhaité prendre la parole…
Oui. Le club est en crise. Cela va mieux après le match, mais tout de même… J’ai cherché le sens du mot « crise ». Cela vient d’un monsieur qui s’appelle « crisis » qui était un révolutionnaire et qui a dit que toutes choses qui fonctionnent dans la vie sont composées d’éléments. À un certain moment, il y a des causes qui font que les blocs ne s’emboîtent plus. Et ce qui nous arrive. J’ajoute quand même qu’il faut être indulgent à notre égard, car ce club est jeune. Ailleurs, les clubs plus vieux ont une tradition, une histoire. On l’a vu à Grenoble. Moi, c’est la première fois que je vois une telle ferveur. Grenoble a joué ce match à une intensité supérieure à la moyenne du Top 14. On a bien commencé, mais on a subi aussi. À la fin, ils étaient cramés. Heureusement, ils font une faute et Carbo passe la pénalité. Depuis que je suis là, j’ai toujours senti que Montpellier a toujours été l’enfant non désiré. Surtout depuis que je suis là. Je suis un soutien, mais on suscite beaucoup de sentiments divers comme l’admiration, la haine, la jalousie… Tenez-en compte dans vos écrits. Maintenant je suis prêt à répondre à vos questions.
Première question : Bernard Laporte va-t-il devenir président délégué ?
Il ne sera pas président délégué. Il reste directeur du rugby, et garde un rôle très clair. Il n’est pas là pour entraîner, il est là pour apporter son expérience considérable à cette équipe. Il a été joueur, entraîneur, a gagné des titres, a été sélectionneur du XV de France, puis secrétaire d’État, puis président de la Fédération… Bernard possède aussi un réseau, comme l’a encore montré avec Stuart Hogg. Il peut appeler n’importe quel joueur et le faire venir. Si c’est Monsieur tout-le-monde qui appelle le joueur, cela ne marche pas.
Pourquoi avez-vous mis fin au contrat de Patrice Collazo et de deux de ses adjoints ?
Je vais tout vous dire, je n’ai rien à cacher. Ils sont venus avec une mission précise au club. Je ne parle pas de Cockerill, avec qui le courant ne passait pas. Ils sont venus, ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient donc je les remercie infiniment pour cela. Le courant est bien passé et nous resterons en bons termes.
Qui va les remplacer ?
Bernard Laporte sera donc le directeur du rugby, il partagera sa vision du rugby, sur la stratégie, la tactique, les remplacements, les compositions… Le dernier mot lui reviendra. Il sera là sur le moyen-long terme. On ne sait pas combien de temps dure le moyen-long terme car il se passe tellement de choses dans le rugby… Il reste Antoine Battut, Didier Bès, Benson Stanley et Jérémy Valls. On ajoute à eux Benoît Paillaugue, Geoffrey Doumayrou et Joan Caudullo. Et là, on a un staff complet. Avec quasiment que des Montpelliérains, ou des joueurs qui sont passés par le club, comme Antoine Battut qui a longtemps joué ici. J’ai connu Benson Stanley avec les All Blacks et Clermont, et là il s’est parfaitement intégré dans le staff et il est compétent. Joan sera le head coach ! Vous le remarquez, c’est un challenge, car aucun de ceux que j’ai nommés a été coach. Dans notre situation, j’assume ma responsabilité. Le groupe Altrad s’est beaucoup diversifié, étendu, et je dois reconnaître que je n’étais pas été souvent là la saison dernière. Mais je vais à nouveau être présent.
Ce club a souvent manqué de stabilité, le staff aura-t-il le temps de travailler ?
Bonne question ! C’est un challenge. Sont-ils capables de durer ? Vous allez encore écrire que l’on change tout le temps de staff. Mais chaque année, on voit plusieurs staffs qui changent et on parle très souvent de nous. Quand vous regardez les résultats du club… Avant moi, le club n’a jamais gagné grand-chose. Cela fait 12 ou 13 ans que je suis là et on a été trois fois en finale. On a gagné le Brennus. On a souvent été dans le Top 6. On a gagné deux fois le Challenge. Cette année, on n’a pas été à la hauteur, l’année dernière non plus. Ce n’est pas un club bancal, c’est juste une crise. Pour faire des grands clubs, il faut des grands publics. Ici, on n’a pas le public de Brive, de Castres, de Grenoble et j’en passe… Je ne sais pas comment fabriquer ce public. Nous, on n’a pas de seizième homme à Montpellier. Mais on travaille dessus.
Espérez-vous que ce staff plus montpelliérain donne l’envie au public de s’identifier ?
Cela faisait partie des critères, en effet, qui m’ont amené à choisir ce staff.
Quels rôles auront Doumayrou et Paillaugue ?
On a mis toutes les missions sur la table et ils se sont mis d’accord entre eux. Cela ne date pas d’hier, on discute avec eux depuis trois semaines. Didier Bès, ce sera la mêlée. Il est heureux d’être là, il est compétent, et il est d’ici. C’est très bien. La touche et les mauls, ce sera Antoine Battut parce qu’il le fait à la perfection. On pense aussi qu’il peut s’occuper du jeu des avants. Le jeu au sol, ils ont décidé que ce sera Benson Stanley parce qu’il souhaite faire ça et il est compétent. Benoît Paillaugue va s’occuper de l’attaque, et Geoffrey de la défense. Jérémy Valls s’occupera du jeu au pied.
Dans une interview accordée à Midi Olympique, Vincent Etcheto évoque un « putsch » contre le staff en place ?
Écoutez, ça se produit partout. Dans tous les clubs on le voit. C’est arrivé à Brive cette saison, c’est arrivé à Bordeaux l’année dernière avec Urios qui a été remercié…
Les joueurs ont voulu vous rencontrer après Toulouse, que vous ont ils dit ?
Ils m’ont dit : « Monsieur Altrad, nous ne sommes pas à la hauteur. On aurait pu gagner davantage. » Et à côté, ils me disent qu’ils sont attachés à l’institution. Vous voyez le paradoxe ? Je veux défendre mon club mais je le fais perdre. On s’est sauvé à cinq minutes de la fin. Si je tiens à ma maison et à ma famille, je fais ce qu’il faut pour les défendre. Pourquoi ne l’ont-il pas fait ? Il faudra que l’on m’explique.
Ont-ils critiqué le management de Bernard Laporte ?
Oui, oui. Mais un directeur du rugby, ça dit les choses quand il doit les dire. Et quand on perd des matchs, comme celui à Trévise, il faut le dire. Les arrières italiens étaient tous d’un côté, on avait le ballon, on avait un boulevard, et on ne marque pas. Bernard était énervé. Mais je le comprends. Peut-être qu’on a trop gâté les joueurs, qu’on a été trop bienveillant avec eux. Vous savez, on dit la défaite rend plus fort, elle permet de se reconstruire. Moi je ne crois pas.
Avez-vous fait comprendre aux joueurs qu’il n’était pas question de remettre en cause le rôle de Bernard Laporte dans ce club ?
Je ne change pas son rôle, il est et reste directeur du rugby. Si je le nommais vice-président ou président délégué, oui je changerais son rôle mais là ce n’est pas le cas.
Est-ce que Jessica Casanova va rester au club ?
Je ne sais pas. Vous l’avez écrit, elle a été approchée par Toulon, Bernard Laporte veut la garder mais je ne sais pas dans quel état d’esprit elle est.
Gardez-vous la foi ?
Je suis engagé auprès de ce club, de cette ville. Je le resterai. Montpellier c’est mon pays. Altrad est le seul grand groupe européen à être resté en province. Tous les autres sont à Paris ou à la Défense. Je suis engagé, je dois rendre à cette ville tout ce qu’elle m’a donné, tout ce qu’elle m’a appris.
Vous avez toujours eu beaucoup d’ambition, quel est l’objectif de ce nouveau staff, de viser le titre dès la première année ?
Il faut partir positif. Il faut essayer, il faut bâtir et rebâtir. C’est la vie. Ce n’est jamais fini.
Combien de temps s’est engagé Stuart Hogg ?
Je crois que c’est trois ans. Deux ans plus un il me semble.
Vous confirmez le retour de Mohamed Haouas ?
Oui, mais il a intérêt à faire une bonne intersaison. Il sera surveillé sur son poids, sur son cardio…
Vous lui avez parlé ?
Non mais Bernard Laporte l’a fait. Il est prévenu. Il veut qu’il soit performant et j’espère qu’il a compris après tout ce qui lui est arrivé.
Madosh Tambwe s’est également engagé ?
Pareil, trois ans ou deux ans plus une saison.
Avez-vous un regret sur la gestion de l’après titre ?
Cela a impacté le club, c’est sûr. On a galéré pour se maintenir… Je ne regrette pas le titre, ça fait plaisir, mais c’est passé.