C’est l’histoire de la poule et de l’œuf. Difficile de savoir qui était là en premier. Est-ce l’apport de Grégory Patat et son staff qui a fait prendre une nouvelle dimension à l’Aviron Bayonnais ? Ou bien le manager bénéficie-t-il du sillon tracé par un autre Gersois, son prédécesseur Yannick Bru, et de l’évolution d’un club en pleine mutation financière ? Sans doute un peu de tout cela.
L’heure n’est pas encore au bilan mais il ne faudra pas oublier l’encadrement sportif au moment de la distribution des bons points. Le club basque (4e) se déplace ce samedi à 16 h 30 à La Rochelle (10e). Treize unités séparent les deux équipes et rares sont ceux qui auraient misé sur cet écart dans cet ordre en début de saison. À six journées de la clôture des comptes, la bande à Camille Lopez espère publiquement conserver son siège, synonyme de phase finale avec supplément de barrage à la maison. « Cette 4e place, il faut qu’elle rentre dans nos têtes parce que l’an prochain, on ne sait pas où on sera », insiste Grégory Patat, conscient de la densité du Top 14. Les siens possèdent un petit matelas d’avance sur Castres, cinquième à cinq points. « C’est l’équivalent d’une journée de championnat de plus. » De quoi aborder les choses avec un peu de sérénité.
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Confiance entamée
Cela n’a pas toujours été le cas cette saison. Paradoxal alors que Bayonne vit pour l’instant sa meilleure saison depuis l’instauration du professionnalisme trente ans plus tôt. « C’est l’Aviron », sourit un salarié des bords de Nive. Le feuilleton Laurent Travers a perturbé durant cinq mois la coulisse. L’homme n’est pas à remettre en cause. Il a été choisi par le président Philippe Tayeb, qui a longtemps nié, comme l’intéressé, les contacts et l’engagement de l’ancien patron du Racing 92. Grégory Patat voulait être associé à la décision du futur directeur sportif. Il l’a subie. Sans briser la relation entre le président et son manager, l’épisode a entamé la confiance du binôme.
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Depuis, le staff, déjà soudé, s’est un peu plus resserré. Patat répète à l’envi le « rôle transversal » de Travers. Tayeb jure que « le patron du sportif » reste Patat, sous contrat jusqu’en 2026 avec son staff. Et promet une prolongation à l’ensemble en juin (après avoir remisé le rendez-vous de décembre dernier) en cas de place dans le top 8, l’objectif initial. Les Bayonnais n’ont plus quitté les qualifiables depuis le 1er décembre et la 11e journée. Mieux, ils s’accrochent à la 4e place depuis trois mois. Mais le président préfère patienter. Il avait peu goûté les deux dernières défaites, une fois le maintien obtenu, du précédent championnat, terminé au 12e rang. Il les a longtemps reprochées au staff. Aujourd’hui encore.
« Ça me rappelle la dernière année avec Yannick Bru, où on avait l’impression que tout le club ne souriait pas les soirs de victoire, et inversement les jours de défaite »
Prétexte
Elles ont en partie conditionné son choix de mettre quelqu’un au-dessus de Grégory Patat. Le début de saison poussif (deux timides victoires, deux lourds revers) l’a conforté dans cette direction. Depuis, l’équipe a pris un très bel envol. Mais l’équilibre interne reste fragile. « Ça me rappelle la dernière année avec Yannick Bru, où on avait l’impression que tout le club ne souriait pas les soirs de victoire, et inversement les jours de défaite, glisse une source interne à l’Aviron. La moindre chose peut être prétexte à reproches. » À l’image de cette sortie de Philippe Tayeb, agacé de voir ses joueurs profiter d’un moment de repos le week-end dernier lors de la traditionnelle Foire au Jambon de la ville. Le président est très soucieux de l’image renvoyée. « S’il n’y a pas d’écarts, c’est plutôt bien que le groupe mange et vive ensemble, non ? »
Grégory Patat veut garder les coudées franches, des hommes qui l’entourent aux joueurs qu’il recrute
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Porté par les résultats, le staff garde pour l’instant le cap. Et la main. Philippe Tayeb a parlé de renforcer l’encadrement technique. Les noms de Christophe Hamacek (entraîneur de Langon en Nationale) et Jean Monribot (ancien capitaine, coach des cadets de Bayonne) ont circulé. Il a même suggéré de renforcer la troisième ligne avec le Lyonnais Steeve Blanc-Mappaz. Grégory Patat veut garder les coudées franches, des hommes qui l’entourent aux joueurs qu’il recrute. Pourquoi ? C’est assez simple : « Je suis très bien dans ce club et je sens qu’on a la capacité d’encore évoluer. C’est pour ça que j’espère pouvoir prolonger. » Le Gersois fut le premier à porter l’Aviron en Champions Cup en 2023. Il sera peut-être le premier à qualifier le club en phase finale depuis 1992. À l’époque, Serge Blanco jouait encore, François Mitterrand présidait la République et Camille Lopez avait 3 ans.
Proche des joueurs
C’est une relation saine. Ni trop, ni pas assez. Dire que le groupe bayonnais joue pour son manager serait exagéré. L’inverse également. « Le projet de jeu est plus fort quand il est partagé, pense Grégory Patat. Les joueurs ont le droit de me dire : Ça, non, on ne le fait pas, on ne le sent pas. » Si le technicien tranche au niveau du coaching, il accepte l’avis de son groupe sur les options tactiques. Et de l’ensemble du staff. « Chacun donne son avis et on se challenge, livre-t-il. Pour les joueurs, c’est pareil. Je ne veux pas qu’ils se retournent sans cesse vers moi pour savoir s’il faut prendre les trois points. S’ils ne savent pas, ils peuvent me demander, mais la prise de décision leur appartient le plus souvent. »
« La force de Greg, c’est sa proximité avec ses joueurs, avance le centre Guillaume Martocq. Si ça marche, c’est en grande partie grâce à ça. Et à sa bonne humeur au quotidien. Ça crée une bonne ambiance dans l’équipe. »
Le match
C’est assez fou à lire. L’Aviron Bayonnais est 4e du Top 14 à six journées de la fin, tandis que le Stade Rochelais (10e) reste sur neuf matches sans victoire (huit défaites, un nul) toutes compétitions confondues. Sa dernière poussive victoire remonte au 4 janvier face à l’équipe B de Toulouse (22-19). Cela ne fait pas de Bayonne le favori à la victoire, ce samedi, mais cela donne des idées vu la période moribonde traversée par les Maritimes.
« Ça reste La Rochelle, pose le trois-quarts centre Guillaume Martocq. C’est une grosse équipe sur le papier, dans un grand stade, avec un public qui pousse. Forcément, elle doute en ce moment, mais on se concentre sur nous. Il reste six matchs et on a envie de prendre le maximum de points. » L’Aviron tentera le coup sans Arthur Iturria, Uzair Cassiem et Sireli Maqala, préservés en vue de la réception de Pau à San Sebastian, samedi 26 avril.