Depuis 1977, les sondes Voyager 1 et 2 ont atteint les confins du système solaire et au-delà, devenant les premiers engins humains à explorer l’espace interstellaire. Mais leur source d’énergie s’épuise inexorablement. Pour prolonger leur mission, la Nasa a pris une décision radicale : éteindre deux instruments scientifiques.

aucuns objets humains aussi loin dans l'espace , désormais à plus de 25 milliards de Kms
Objectif : durer. Non, ce n’est pas la profession de foi d’une personnalité politique. C’est le credo de l’équipe du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la Nasa en charge des sondes Voyager 1 et 2 qui explorent le système solaire, et au-delà, depuis 1977. Avec respectivement 25 milliards et 21 milliards de kilomètres au compteur, les deux vaisseaux sont les objets les plus lointains expédiés par l’humanité. "Chaque jour, chaque minute, les sondes Voyager explorent une région où aucun vaisseau spatial n’est jamais allé auparavant, a déclaré dans uncommuniqué Linda Spilker, scientifique du projet Voyager au JPL. Cela signifie également que chaque jour pourrait être le dernier. Mais ce jour-là pourrait aussi apporter une autre révélation interstellaire. Nous mettons donc tout en œuvre pour que les sondes Voyager 1 et 2 poursuivent leur exploration le plus longtemps possible."
Les sondes perdent 4 watts de puissance par an
Dans ce but, le JPL a donc décidé de débrancher deux instruments. Le 25 février, Voyager 1 a dit adieu à l’instrument CRS (Cosmic Ray Subsystem) destiné à l’étude des rayons cosmiques (des électrons et des noyaux d’atomes voyageant à très grande vitesse). Le 24 mars, c’est l'instrument de particules chargées à faible énergie de Voyager 2 qui basculera sur "off". Il mesure les différents ions, électrons et rayons cosmiques provenant du système solaire et de la galaxie. Ces mises à l’arrêt permettront de ménager le système d’alimentation par radio-isotope, qui génère de l’énergie à partir de la chaleur émise par la désintégration du plutonium.
Un procédé fiable, puisqu’il fonctionne depuis 45 ans, mais qui s’essouffle. Les sondes perdent 4 watts de puissance par an. "La puissance électrique commence à diminuer. Si nous n'éteignons pas un instrument sur chaque sonde Voyager maintenant, il ne leur restera probablement que quelques mois de puissance avant que nous devions déclarer la fin de la mission", déclare Suzanne Dodd, responsable du projet Voyager au JPL. Ce serait la fin d’un extraordinaire périple dans le système solaire.
Au-delà du système solaire
Voyager 1 a survolé Jupiter en 1979 puis Saturne en 1980 avant de s’éloigner du plan du système solaire. Voyager 2, lancée quelques semaines plus tôt, a suivi un parcours plus long, survolant Jupiter en 1979, Saturne en 1981, puis Uranus en 1986 et Neptune en 1989, devenant la seule sonde à avoir visité ces deux dernières planètes. Depuis, elles poursuivent leur voyage dans l’espace interstellaire. Voyager 1 a franchi l’héliopause en 2012. C’est la limite où le vent solaire, un flux de particules chargé émis par le Soleil, devient trop faible pour repousser le milieu interstellaire environnant. Voyager 2 l’a franchie en 2018.
Aujourd’hui, les sondes explorent donc l’espace interstellaire. Elles disposent encore de trois instruments actifs sur les dix initiaux. Ils permettent de continuer l'étude des champs magnétiques, des particules énergétiques et des ondes plasma.
Une trace de notre civilisation
Grâce aux économies d’énergie, les ingénieurs estiment que les deux sondes disposeront de suffisamment d’électricité pour continuer à fonctionner avec au moins un instrument scientifique jusqu’aux années 2030. Cela dit, même muettes, les sondes emportées par leur élan continueront indéfiniment leur voyage dans la galaxie. Prochaine étape : dans 40.000 ans environ, Voyager 1 passera à 1,7 année-lumière de l’étoile naine rouge Gliese 445, tandis que Voyager 2 s’approchera de Ross 248, encore une naine rouge. L’humanité aura perdu le contact depuis longtemps, mais elles emportent chacune un disque d’or contenant des enregistrements et des inscriptions témoignant de notre civilisation, une idée de l’auteur américain Carl Sagan. La mission de transmettre ce témoignage de notre existence n’aura, elle, jamais de fin…