IL EST des formules désuètes qui vous datent plus sûrement un homme que les lunettes demi-lune. « Les médias scient la branche de l'équipe de France, ça relève du harcèlement et c'est puni par la loi » , a ainsi avancé Guy Novès, le manager de Toulouse, la semaine passée. Sur le coup, on s'est demandé ce qui était le plus gonflé. Jouer les bons apôtres d'une cause tricolore qu'il n'a cessé de mépriser trois années et demie durant, ou bien oser considérer la liberté de jugement comme un forme de harcèlement moral.
On ne s'est pas senti concerné, on n'a jamais écrit pour être lu par les joueurs. Mais tout de même, ça nous a rajeuni. Le dernier à nous avoir ainsi reproché de « scier la branche sur laquelle on était assis » est en effet le bon président Ferrasse. C'était il y a trente-trois ans, on s'obstine à être toujours aussi sciant, et la branche n'est pas tombée.
Ce qui tombe comme la saison de la chasse aux faisans, ce sont ces déroutes qui ramènent inexorablement les sélectionneurs sur la piste de l'égoïne. Hier, PSA, à son tour, a monté l'établi à découper, et les « starlettes » ont succédé aux « sales gosses » de Marc Lièvremont en 2011, lesquels devraient virer « vieux cons » sitôt qu'ils empoigneront la scie à refendre du consultant « tévé ». Et ainsi de suite.
La difficulté, c'est que les joueurs parviennent encore à passer en cours de carrière par la case « adultes » dans un monde où l'on vous parle désormais sans rire de « jeunes de trente ans ».
Hormis Dusautoir, admirable et pathétique dans la révolte, point de patron. « Toujours bien, jamais mieux », comme disait d'un de ses amants une grande horizontale de la Belle Époque, Chouly, Fofana et Maestri sont frileusement demeurés dans leur rôle de pâles exécutants seulement soucieux de bien remplir des feuilles de stats aussi excitantes que des bilans de compétence d'entreprises de pompes funèbres. Pas surprenant.
Fofana a clairement signalé qu'il ne voulait pas être « le papa des lignes arrière ». Maestri refuse visiblement de prendre de l'ampleur. Et Chouly est d'une transparence sidérante derrière sa mêlée. Ça viendra, pensez-vous. Faut voir. Ces trois-là comptent déjà plus de sélections (94, dont 34 pour Maestri, 33 pour Fofana, 27 pour Chouly), que Jo Maso (25), Lucien Mias (29) ou Jean-Pierre Bastiat (32) dans toute leur carrière. Ça n'a pas empêché Bastiat d'être un numéro 8 buteur, Mias un capitaine intraitable ou Maso de peser de toute sa classe sur des générations d'attaquants.
Et que nos jeunes tracassés n'aillent surtout pas croire qu'il était alors plus aisé de faire carrière. Avec les anonymes et ineptes coupeurs de têtes du comité de sélection, il ne fallait pas traîner pour s'imposer du temps que le rugby « n'était pas un labeur », comme disait joliment « Bala ». Mais ceux-là n'étaient pas dorlotés par des agents aux empressements de mères maquerelles ni cocoonés par des clubs hostiles, et leur image, c'est sur le terrain qu'ils la façonnaient. Comme ses prédécesseurs, Philippe Saint-André a voulu protéger de trop rares talents au lieu de favoriser la recherche de « caractères ». Et l'image des « starlettes » s'est brisée comme le miroir devant lequel ils étaient supposés penser à la Coupe du monde, chaque matin en se rasant.