L'avenir de Damian Penaud (26 ans) a suscité beaucoup d'intérêt depuis le début de saison. Après plusieurs semaines de réflexion, l'ailier international (37 sélections), sollicité par de nombreux clubs (notamment le Stade Rochelais), a finalement décidé de signer en faveur de l'Union Bordeaux-Bègles jusqu'en juin 2026. Un choix difficile, arrêté juste avant Noël, qu'il a souhaité expliquer au plus vite et en exclusivité à L'Équipe, afin de se concentrer pleinement sur la seconde partie de saison avec l'ASM, où il espère finir en beauté.
Damian Penaud, un ailier très courtisé
« Vous avez choisi de signer en faveur de Bordeaux-Bègles. Comment a mûri votre décision ?
Ma réflexion a été longue et difficile car je suis attaché à la ville et au club de Clermont, où j'ai vécu des choses incroyables. C'est mon club formateur, celui où j'ai grandi en tant que joueur et en tant qu'homme. Ce n'est pas évident de le quitter. Mais j'avais aussi envie de changement. Je voulais voir un autre club, un autre projet, un autre vestiaire, une autre ville... Tous les clubs qui m'ont contacté, tous aussi prestigieux les uns que les autres, avaient des projets très intéressants. La décision a été compliquée. Je l'ai prise juste avant Noël. C'est finalement un poids qui s'enlève et qui va me permettre d'être encore plus focalisé sur ma fin de saison avec l'ASM.
Comment avez-vous vécu cette première partie de saison où votre nom est revenu régulièrement dans la presse ?
(Il souffle.) À chaque fois que j'étais interrogé, c'était pour parler de mon avenir. Pour rester poli, ça m'a un peu cassé les pieds. La décision était difficile à prendre, donc je n'avais pas envie d'en parler à chaque fois. C'est fait. Je vais pouvoir passer à autre chose.
Qu'est-ce qui a fait pencher la balance en faveur de Bordeaux-Bègles ?
J'avais envie de sortir de ma zone de confort, de démarrer un nouveau cycle. L'UBB est un club en pleine évolution depuis deux-trois ans, qui participe à la phase finale à chaque fois. L'équipe est solide avec des joueurs incroyables comme Matthieu Jalibert et Maxime Lucu. La vie extra-rugby est également très agréable à Bordeaux. Pour ma compagne, Morgane, c'était important de trouver son bonheur aussi. C'est le cas. La ville lui a beaucoup plu. Tous ces petits détails ont fait pencher la balance en faveur de l'UBB.
« L'UBB développe également du jeu. Un jeu basé sur les trois-quarts. C'était un élément à prendre en considération, qui me correspond »
Le début de saison mitigé de Clermont (10e après 13 journées) vous a-t-il aidé à prendre la décision de partir ?
Oui, c'est aussi pour cette raison que je voulais me laisser le temps de la réflexion. Nous avons très bien démarré la saison. Pour être franc, je ne me voyais pas partir. Puis nous avons rencontré des difficultés. Nos performances sont en dents de scie, nous n'arrivons pas à trouver de stabilité. C'est délicat. Je suis un compétiteur, j'ai envie de jouer le haut de tableau.
Le classement du Top 14
En début de saison, vous déclariez avoir « envie de gagner des titres ». Paradoxalement, l'UBB n'a jamais gagné de titre...
C'est ce qui est beau dans ce nouveau challenge. Il y a une page à écrire avec l'UBB.
Les remous du côté de l'UBB, comme le départ de Cameron Woki au Racing 92 l'été dernier ou le licenciement du manager Christophe Urios mi-novembre vous ont-ils inquiétés ?
En aucun cas cela m'a freiné. J'ai surtout regardé la qualité de l'effectif. Il y a aussi la rencontre avec le président Laurent Marti et le futur manager Yannick Bru. Le courant est passé de suite ! Je me suis retrouvé dans le projet qu'ils m'ont présenté. L'UBB développe également du jeu. Un jeu basé sur les trois-quarts. C'était un élément à prendre en considération, qui me correspond. Enfin, la signature de Thibault Giroud, le directeur de la performance de l'équipe de France, avec qui je m'entends très bien, a été un facteur déterminant. Il est très professionnel et à l'écoute des joueurs.
Votre nom est revenu avec insistance du côté du Stade Toulousain...
(Il coupe.) Je n'ai jamais réellement eu d'approche concrète. J'ai signé à Bordeaux-Bègles et je ne regrette pas mon choix.
Damian Penaud (France) élu meilleur joueur de la tournée d'automne
Plusieurs coéquipiers en équipe de France vous ont fait des appels du pied pendant la tournée de novembre, notamment Jonathan Danty (Stade Rochelais) à la suite de la victoire face au Japon (35-17). Comment avez-vous vécu cette période ?
Ça fait chaud au coeur d'être désiré. Ça a aussi été compliqué car ce sont tous des potes. Mais c'est resté très bon enfant. J'ai fait mon choix. Pas pour eux, mais pour moi.
Une offre mirobolante d'un club étranger est également venue sur la table. Avez-vous été tenté ou perturbé ?
J'avoue que lorsque j'ai reçu cette offre, j'ai été très étonné. Mais je ne me voyais pas partir maintenant. Je voulais rester en France. En fin de carrière, si l'occasion se présente à nouveau, pourquoi pas. Mais là, c'était trop tôt.
(A. Martin/L'Équipe)
Brive, où vivent vos parents, reste à environ deux heures de Bordeaux, comme Clermont. Était-ce important de ne pas trop vous éloigner de votre famille ?
Oui, forcément. Dès que j'ai un week-end de libre, je pourrai aller voir mes parents facilement. Idem pour ma compagne dont la famille est à Béziers. J'ai beaucoup échangé avec "Mo" (Morgane) pour prendre ma décision. Je voulais vraiment avoir son ressenti. Être femme de joueur n'est pas évident à vivre. J'ai bien sûr échangé avec mon père (Alain Penaud, ex-international, 32 sélections). Il m'a écouté, mais en aucun cas il n'a cherché à m'influencer ou à interférer dans ma décision.
« Je ne suis pas déjà parti. C'est très clair dans mon esprit. Aujourd'hui, je suis à l'ASM. J'ai envie de terminer mon aventure avec Clermont de la meilleure façon. J'espère qu'on va aller chercher la qualification et même partir sur un titre »
Vous avez 26 ans, êtes-vous à un moment charnière de votre carrière ?
Je ne sais pas. Je ne me voyais pas faire toute ma carrière dans le même club. Je voulais me challenger ailleurs. Je suis excité à l'idée de relever ce nouveau défi. Mais attention, je ne suis pas déjà parti. C'est très clair dans mon esprit. Aujourd'hui, je suis à l'ASM. J'ai envie de terminer mon aventure avec Clermont de la meilleure façon. J'espère qu'on va aller chercher la qualification et même partir sur un titre. Ma motivation reste toujours la même. Je ferai tout pour atteindre cet objectif.
Que retenez-vous de vos années clermontoises ?
Il y a tellement de choses ! Des choses incroyables. Mes débuts professionnels (16 avril 2016, contre Agen, 38-10), le Brennus en 2017 (22-16, contre Toulon), le Challenge européen en 2019 (36-16, contre La Rochelle). Mais il y a aussi la finale de Coupe d'Europe perdue face aux Saracens en 2017 (28-17) ou celle de Top 14 perdue face à Toulouse en 2019 (24-18). Je suis fier d'avoir fait ce bout de chemin avec l'ASM et, je le répète, j'ai une histoire à terminer avec le club. Je serai bordelais la saison prochaine, mais jusqu'à la fin de saison, je suis clermontois et mon objectif sera de qualifier le club. Je souhaite terminer ce chapitre du mieux possible.
Les supporters clermontois risquent d'être déçus. Appréhendez-vous le rendez-vous de dimanche au stade Marcel-Michelin pour la réception de Toulouse ?
Oui, forcément. J'ai conscience que mon choix ne sera pas accepté de tous. Je peux comprendre que certains soient déçus. Les supporters ont été d'un soutien incroyable durant mes huit années ici. La ferveur est indescriptible. Nous aurons besoin d'eux jusqu'à la fin de la saison. Mais j'ai fait un choix. Une page va se tourner, mais je garderai beaucoup d'affection et de respect pour le club et les supporters.
Pour terminer, un petit mot sur l'équipe de France et la grande année 2023 qui vous attend...
2023 est une année remplie de challenges. Je pense d'abord au Tournoi (première journée en Italie, le 5 février) puis à la Coupe du monde (du 8 septembre au 28 octobre). C'est l'objectif suprême ! En 2022, nous sommes invaincus, nous surfons sur 13 victoires de rang, un record. Forcément, nous serons attendus. Nous avons l'étiquette de favoris. Toutes les équipes voudront nous taper ! À nous de nous préparer en conséquence en redoublant d'efforts. Il ne faudra surtout pas se reposer sur nos lauriers. »