Votre décision a-t-elle été soudaine ou bien est-elle plus réfléchie ?
« Cela fait plusieurs semaines que j'y pense. J'en ai parlé avec mes proches. Notamment sur mon ressenti concernant le feeling avec les joueurs. Je sentais depuis un petit moment qu'il y avait un peu de lassitude de ma part et un sentiment un peu bizarre avec les joueurs. Ce n'était pas forcément quelque chose de négatif, mais je sentais que ce n'était pas comme avant. »
Qu'est-ce qui était différent par rapport à avant ?
« Quand j'allais sur le terrain, je me trouvais moins enthousiaste. Il y a aussi la lourdeur de la situation, la lourdeur de toutes ces années passées avec les pros... Il faut se renouveler dans ce métier-là et savoir être innovant. Au bout de neuf ans, je l'ai forcément été un petit peu moins. Même si l'arrivée de Jono (Gibbes) la saison dernière m'avait un peu reboosté. Le nouveau staff mis en place cette saison m'avait aussi redonné de l'énergie. Mais je me suis senti malgré tout moins pétillant. C'est un métier qui est usant et il faut être frais pour que cela fonctionne. »
Pourtant en début de saison, on sentait qu'il y avait cette fraîcheur au niveau de l'état d'esprit...
« L'arrivée de nouveaux mecs a fait du bien. Mais malgré tout, j'ai senti que les idées venaient moins vites et que mon discours était peut-être tout le temps le même. Tout cela peut devenir un peu lassant pour les joueurs. Et dans ce métier-là, la routine est ce qu'il y a de pire. J'ai eu peur que l'effectif rentre dans ce train-train-là. C'est pour cela que j'ai pris cette décision. Pour moi, comme pour l'équipe, il était important de passer à autre chose. »
Il y a eu plusieurs réunions après la défaite face à Toulouse. Est-ce que c'est suite à cela que vous avez pris définitivement cette décision ?
« Je n'ai pas eu de réunion avec le président et les joueurs. Cela concernait Jono et le président. Je ne sais pas forcément ce qu'il en est ressorti. Je le répète, cela faisait longtemps que j'y pensais. La défaite face à Toulouse a laissé des traces, celle de Brive peut-être encore plus. »
En avez-vous discuté avec Jono Gibbes ?
« Oui, bien sûr. Cela fait un petit moment que je lui dis que cela fait neuf ans que je suis là. La plupart des joueurs, je les ai eus avec le centre de formation et je les ai accompagnés. »
« Et au bout de neuf ans, je pense que certains en avaient marre de Sadourny. Et c'est normal. En tant que joueur, j'aurais été pareil. Même s'ils ont beaucoup de respect envers moi, car ce sont des bons gamins, il peut y avoir une forme de lassitude pour eux. Et je ne veux pas en arriver là. »
Avez-vous ressenti cette lassitude et peut-être un certain manque de confiance ?
« Non, pas au quotidien parce que ce sont des bons mecs. Et ils ne m'ont pas fait comprendre "écoute, ça serait bien que tu t'en ailles". Mais c'est plus moi, mon ressenti. On sent des choses dans un vestiaire. On sent des choses dans l'environnement. Et ce n'est pas forcément verbal. J'ai connu Vern Cotter. J'ai connu Franck Azéma. J'étais le dernier de l'ancien staff sportif. C'est peut-être mieux aujourd'hui pour ce groupe-là de partir sur autre chose et sur un autre discours. Les nouvelles arrivées dans le staff ont apporté de la fraîcheur. Et moi, je sentais que je n'apportais plus ça. Et quand tu commences à sentir cela chez un entraîneur, il faut que cela s'arrête. Sinon ça peut finir mal. »
Depuis quelques semaines, des critiques remontent de la part des supporters. Est-ce que c'est quelque chose qui vous a touché ?
« Non. Je ne lis pas les réseaux donc je ne suis pas impacté par cela. Les sifflets contre Toulouse, c'est plus difficile pour mes proches que pour moi. J'ai été joueur. Passer à travers et se faire siffler, ce n'est pas la première fois et cela fait partie d'une carrière. En revanche, je comprends la frustration des gens. »
Jono Gibbes va devoir désormais réattribuer votre rôle (entraîneur des arrières) au sein du staff. Est-ce qu'il vous a consulté ?
« Non. Il est assez grand pour prendre ses décisions. On a beaucoup échangé hier (lundi), on a beaucoup discuté ce matin (mardi). En y réfléchissant, et c'est d'ailleurs ce que je lui ai signifié, quand il est revenu il y a deux ans, il aurait fallu sûrement qu'il débute avec son staff. Quelque part, je représentais l'ancien staff. J'ai en tout cas beaucoup de respect pour Jono. C'est un formidable entraîneur et c'est une chance pour l'ASM de l'avoir. J'espère que cela va marcher. Pour lui et pour le staff. C'est un staff qui travaille énormément et qui possède beaucoup de compétences. J'espère qu'avec plus de réussite cela va tourner en sa faveur ainsi que pour les joueurs qui le méritent. Et à ce grand club qu'est l'ASM. »
Propos recueillis par Arnaud Clergue (La Montagne - 03/01/2022)