Guy Novès, prêt pour « le combat de [sa] vie » contre la Fédération française de rugby
Viré en décembre 2017 par la Fédération française de rugby, pour une faute grave qu’il conteste, Guy Novès entend obtenir réparation. Dans les colonnes du Monde, l'ancien sélectionneur des Bleus raconte son combat et s'en prend notamment à ceux qui l'ont "pris pour un idiot".
Revient toujours cette question, cette pause dans le discours, comme pour s’assurer que ses interlocuteurs saisissent bien : « Tu comprends ? » Et de reprendre : « Ce n’est pas une anecdote que je vis là, l’une de mes filles a même le sentiment que c’est le combat de ma vie. » Déjà plus d’un an que Guy Novès attend cette audience du jeudi 14 février, aux prud’hommes de Toulouse, face à la Fédération française de rugby (FFR). Déjà quatorze mois que l’ancien sélectionneur du XV de France rassemble les pièces pour prouver le caractère abusif de son licenciement et demander réparation. Quatorze mois qu’il accumule les éléments contre Bernard Laporte et Serge Simon, président et vice-président de la FFR. « Ils m’ont pris pour un idiot, estime-t-il, sans nommer qui que ce soit. Je ne peux pas m’enfoncer, ce n’est pas dans ma nature. lls m’ont fait mal, et il va falloir qu’ils s’expliquent. »
Il y a un an, Guy Novès avait reçu Le Monde dès le début du contentieux. A l’époque, rendez-vous chez son avocat, Me Laurent Nougarolis. Aujourd’hui, l’homme blessé s’impatiente dans sa maison de Pibrac (Haute-Garonne), cette maison qu’il a construite de ses mains. « Toute ma vie, j’ai attendu des résultats de matchs. Chaque semaine. Là, c’est démultiplié : ça fait un petit peu plus d’un an qu’on prépare ce match-là. » Regards marqués : « J’ai envie de crier très fort à l’injustice tout en voulant préserver le déroulement normal d’une procédure qui, en France, peut être très longue. »
Novès, 65 ans, a une vie de travail derrière lui. Professeur d’éducation physique et sportive au collège, d’abord. Entraîneur du Stade toulousain puis du XV de France, ensuite. « Je n’ai jamais regardé dans les rétros ; aujourd’hui, je le fais parce que je me demande pourquoi, depuis quatorze mois, je me retrouve à la maison. J’ai eu des résultats que personne de ma génération n’aura jamais, et, du jour au lendemain, on me met une bâche sur la tête, je ne fais plus partie du truc… » Parole d’entraîneur le plus titré du pays, à l’époque de Toulouse : dix championnats de France et quatre Coupes d’Europe.
"L'une de mes filles a même le sentiment que c'est le combat de ma vie", appuie l'ancien sélectionneur du XV de France, n’hésitant pas à parler de "petite mort". "Je le vis très mal. Je crois que c'est ce que les gens vivent quand ils prennent leur retraite. C'est une petite mort. Cette petite mort, on me l'a imposée du jour au lendemain", lâche-t-il.
Décidé à faire valoir ses droits devant la justice, Novès ne parvient pas jusqu’à présent à tourner la page. Il a ainsi décliné des approches du Stade Français et de Brive, et n’a pas souhaité donner suite à une rencontre avec les dirigeants de la Fédération française d'athlétisme. Même retourner voir des matchs de rugby lui a été difficile. "Un de mes gendres m'a dit: 'Guy, il faut ressortir'. Cela a été très, très dur. Dur d'aller à l'aéroport, d'y croiser les regards. Je ne veux pas que les gens se disent, en me voyant: 'Mais qu'est-ce qu'il a fait comme faute grave?' Je ne veux pas de ce point d'interrogation, ni de ces points de suspension", détaille l’ancien entraîneur à succès du Stade Toulousain, qui a tout de même assisté aux trois derniers matchs joués par les Bleus au Stade de France.
"Quand je retourne au Stade de France pour la première fois, je suis froid comme un mort, j'appréhende de croiser des personnes que je connais. A mon arrivée dans le salon où je dois intervenir, les gens se lèvent et m'applaudissent. Cet accueil m'a fait plaisir", reconnaît Novès, qui a également été voir une rencontre de Toulouse, contre Toulon, en décembre dernier. Et ce malgré les doutes de son entourage: "Ma femme ne comprend pas comment je continue à m'intéresser au rugby. Le mec qui aime le théâtre va au théâtre. Moi, c'est le rugby."