L'enquête avance : des témoins clé entendus
Publié le
vendredi 10 mai 2019 à 00:24
Hier au TGI de Paris, Bernard Laporte poursuivait
L'Équipepour diffamation. Mais l'audience a aussi permis de mesurer les avancées de l'enquête menée par le Parquet national financier sur les pressions supposées du président de la FFR en faveur du club de Montpellier.
Romain Bergogne dans l'Equipe
L'Equipe et la FFR avaient rendez-vous hier après-midi devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris. Nouvel épisode de l'affaire Laporte qui a pris ses sources le 29 juin 2017, date de la fameuse audience du club de Montpellier devant la commission d'appel de la FFR. Selon nos informations, que nous maintenons intégralement, alors que la commission d'appel avait confirmé le 29 juin les sanctions prises en première instance par la commission de discipline de la LNR (70 000 euros d'amende et suspension de stade pour un match), Bernard Laporte, président de la FFR, a appelé Jean-Daniel Simonet, celui de la commission d'appel, le lendemain matin (selon Laporte) pour lui demander de réduire les sanctions prises contre le MHR, propriété de Mohed Altrad. Chose faite dans cette même journée du 30 juin (baisse de l'amende à 20 000 euros et suspension de terrain annulée, ce que les réglements ne permettaient pas).
Ne contestant pas le coup de fil mais les échanges avec Simonet que nous avons relatés, le président de la FFR, étrangement absent de l'audience hier et représenté par Maîtres Versini-Campinchi et Rezlan, a attaqué en diffamation notre quotidien et notre journalisteFrédéric Bernès. Quatre articles parus dans nos colonnes (*) étaient au centre de débats qui ont duré plus de cinq heures. La défense de Bernard Laporte a dénoncé « une enquête squelettique » et un « complot » contre le président de la FFR.

Concernant le fameux appel téléphonique adressé à Jean-Daniel Simonet, la partie civile a réitéré sa version des faits, résumée ainsi par Me Rezlan : « Dans l'esprit de M. Laporte, la décision avait été rendue la veille. Il souhaitait en connaître la teneur. Il n'a pas réussi à joindre les dirigeants de la Fédération pour avoir cette information (...) et il a l'idée de le faire appeler (Jean-Daniel Simonet). M. Laporte lui a demandé la teneur de la décision contre Montpellier et apprenant qu'il y avait une difficulté juridique et que la décision n'était pas définitivement arrêtée, M. Laporte affirme en avoir profité pour lui parler de son souhait qu'intervienne une décision d'apaisement » dans ce dossier.
Une version pourtant mise à mal par plusieurs événements dévoilés dans nos colonnes, dont la démission de Philippe Peyramaure le 24 aout 2017. Ce dernier, qui siégeait le 29 juin, a témoigné hier (**). A la barre, Il a confirmé avoir reçu un appel de Jean-Daniel Simonet le 30 juin au matin. Le président de la commission d'appel lui a d'abord décrit un coup de fil véhément de Bernard Laporte puis lui a annoncé la baisse des sanctions exigée par Laporte. Peyramaure a refusé, pas Robert Malterre, l'autre membre de la commission d'appel du 29 juin, et la sanction disciplinaire aurait été changée à la majorité de deux contre un. Mais la décision, même modifiée, est toujours datée du 29 et non du 30.
Comme cela a été révélé à l'audience hier, Jean-Daniel Simonet, après s'être entretenu avec Bernard Laporte, Phillipe Peyramaure et Robert Malterre, a également joint par téléphone Benjamin Peyrelevade, vice-président de la commission d'appel. Dans cette conversation, Simonet aurait fait le même récit d'un coup de fil véhément et d'une demande d'allègement, voire d'annulation, des sanctions contre le MHR de la part du président de la FFR. Mais après avoir évoqué le côté scandaleux du coup de fil et sa volonté de démissionner (d'après la déposition de Peyramaure hier), Simonet a finalement convaincu Malterre d'alléger les sanctions. Aujourd'hui, Simonet conteste la version de Peyramaure et ne s'est pas présenté hier, évoquant son droit au silence car il a été « placé en garde à vue » dans le cadre de l'enquête du PNF.
Les trois membres de la commission entendus par la police
Un autre élément tendrait à prouver qu'une décision sur le dossier MHR avait été prise dès le 29 avant d'être modifiée le 30 : le service juridique de la LNR aurait été informé en fin d'après-midi même de la sanction par son homologue de la FFR. Peyramaure a confirmé qu'à sa sortie de Marcoussis, après la commission d'appel, il avait appelé un membre de la commission juridique de la Ligue pour lui signifier la décision de la commission de discipline. Emmanuel Eschalier, le directeur général de la LNR, aurait alors averti par mail plusieurs collaborateurs dans la foulée. L'aurait-il fait sans être certain de la décision ? Le soir-même, dans un cadre privé, Florent Lajat, responsable adjoint du service juridique de la FFR, informe de lui-même des sanctions maintenues par la directrice du service juridique de la LNR, Sandrine Jallet-Pillot. Avant de la joindre en catastrophe le lendemain matin, d'abord par SMS, pour lui dire de ne pas communiquer sur cette affaire puisque la sanction allait être allégée. Entretemps, Bernard Laporte avait donc appelé Jean-Daniel Simonet. Cette affaire de diffamation a été mise en délibéré au 11 juillet prochain.
Pendant ce temps, l'enquête menée par le Parquet national financier (PNF) suit son cours. Rappelons qu'au début de l'année 2018, alors que l'affaire avait pris une tournure pénale, plusieurs perquisitions avaient eu lieu au siège de la FFR, dans des sociétés du groupe Altrad, et aux domiciles de Bernard Laporte et Mohed Altrad. L'audience d'hier a confirmé que certains protagonistes de l'affaire ont également été entendus par les enquêteurs de la Brigade de répression de la délinquance économique (BRDE) dont les trois membres de la commission d'appel du 29 juin, Jean-Daniel Simonet, Philippe Peyramaure et Robert Malterre. Selon l'AFP, Bernard Laporte n'a pas été entendu à ce jour. Mais cette enquête avance et ses conclusions devraient permettre d'en savoir plus sur ce qu'il s'est réellement passé ce matin du 30 juin.
(*) Articles : Laporte, le coup de fil piège (30 août 2017), rattrapage à l'oral (le 7 septembre 2017), Le jour où on a soufflé l'oreille de Laporte (20 septembre 2017), du sursis à se faire, (18 octobre 2017 ) (**) Robert Malterre s'était également déplacé pour témoigner, mais n'a pu le faire, faute de temps et d'un train à prendre.