Si qq'un peut mettre l'article du Midol
Cela n’excuse rien, bien sûr, ne justifie rien, mais les petits arrangements entre amis, dans notre cher rugby, ne datent pas d’aujourd’hui. J’ai une armoire pleine de souvenirs d’Albert Ferrasse qui, semblable à Saint Louis rendant la justice sous son chêne, faisait la pluie et le beau temps au gré de ses amitiés, inimitiés, coups de cœur. Un coup de fil bien senti en début de semaine et tout pouvait s’arranger : la suspension de tel joueur, expulsé le dimanche précédent et soudainement blanchi ; le transfert de tel autre joueur, libéré ou au contraire brisé dans son élan au prétexte d’un différend avec le président, ou l’entraîneur de club concerné, la mise à disposition d’un arbitre conciliant… « Bébert », et c’est tout le paradoxe, n’était pas vraiment mauvais bougre. Main de fer sous un gant de velours, il arborait le plus souvent une attitude bonhomme, militante, patriarcale, qui faisait son charme. Il n’était pas vénal au sens propre du terme, mais n’a jamais refusé en retour de ses services une boîte de cigares ou une bouteille de grand vin. L’époque était bonne fille.
Bernard Lapasset, pareillement madré, n’échappa pas à la règle, si l’on veut bien se souvenir de soubresauts nés de son élection, du congrès de Deauville en 1992, du rapport « Cosperec » ayant fait état de « maladresses » (sic) dans la gestion de l’attribution des droits télés à France Télévisions pour la Coupe du monde 1999, ou encore de la Coupe du monde organisée en France en 2007. Pierre Camou en apparence plus neutre, tenu par les règles du professionnalisme, ne prêta pas trop le flanc à ce type de critique, mais dut tout de même essuyer la sale affaire de la billetterie mettant en cause des dirigeants de la FFR.
Tout cela, qui participe du mauvais folklore dans lequel le rugby s’est trop souvent vautré, ne plaide guère en sa faveur. Peut-on aujourd’hui reprocher à Bernard Laporte de mélanger à son tour les genres, au point de flirter avec le conflit d’intérêts, si les faits qui lui sont reprochés sont avérés ? Il va sans dire. On ne s’assoit pas impunément sur l’éthique et le président Laporte doit au rugby français une explication en bonne et due forme. Explications que nous attendons depuis des semaines et sans lesquelles il semble bien difficile de faire la part du feu. Pour autant, Frédéric Michalak avait peut-être raison de dire la semaine dernière que ces écarts, pour aussi graves et sensibles qu’ils soient s’ils sont justifiés, relèvent aussi, dans une certaine mesure, d’une organisation obsolète. « Je préférerais, relevait Fred, que le président de la FFR soit rémunéré, cela éviterait ce type de confusion. » C’est que Laporte aura beau jeu de dire, en effet, qu’il consacre désormais l’essentiel de son temps à la FFR, sans jamais rien percevoir. Il n’est plus entraîneur, il n’est plus consultant radio et se doit, malgré tout de vivre… L’explication est probablement un peu courte et ne justifie pas le conflit d’intérêts, s’il existe, mais elle est à porter au dossier. Et si l’on attend de plus amples informations quant aux pressions éventuelles de la FFR et de son président sur la commission d’appel concernant les sanctions visant Montpellier, la FFR - qui se refuse à tout commentaire dans l’immédiat - nous fait néanmoins savoir que tout cela relèverait d’un tissu de mensonges et que ladite commission est inattaquable en la matière. Accordons-lui le crédit de l’attente.
ALTRAD, L’HOMME PROVIDENTIEL Pour autant, si je puis me permettre, il y a quelque hypocrisie à jeter l’anathème sur les rapports Altrad-FFR. Si nos informations sont bonnes, Mohed Altrad - qui, en bonne logique, aurait peut-être dû être partenaire majeur de la Ligue plutôt que la FFR - après avoir été dragué par Bernard Laporte, pourrait donner jusqu’à 60M€ à la FFR sur six ans. Il faudra certes pour cela que son entreprise soit sponsor maillot du XV de France. L’affaire n’est pas entendue mais elle serait en bonne voie. Or, quel président serait prêt à bouder une offre pareille ? Sauf à jouer les vierges effarouchées, cet argent qui ira tout de même renflouer les caisses du rugby amateur, ne peut pas être boudé au nom de principes relevant de la mauvaise foi. Que M. Altrad soit pré- sident du club de Montpellier, ne me semble pas dérangeant, dès lors, bien entendu, qu’il ne bénéficie d’aucun passe-droit. Mohed Altrad est même considéré par la FFR comme un partenaire providentiel, qu’elle préfère voir à ses côtés plutôt qu’au soutien d’une autre discipline sportive. On ne saurait, en la matière, lui donner tout à fait tort.
LA RÉPONSE DU BERGER À LA BERGÈRE Il est toutefois permis de penser que cette cabale menée contre Bernard Laporte est tout sauf innocente. Il ne faudrait d’ailleurs pas trop me pousser pour voir là, la réponse dûment orchestrée, du berger à la bergère, de la Ligue à la FFR. Attaquée par sa fédération depuis la prise de fonction de Bernard Laporte, la Ligue n’a eu de cesse depuis de chercher à se défendre. C’est une réaction légitime face aux diffé- rentes prises de position de Bernard Laporte qui aurait d’ailleurs dû y regarder à deux fois avant de jouer les fiers-à-bras. Elle tient là, volontairement ou non, un explosif majeur de nature à déstabiliser le président de la FFR jusqu’à, pourquoi pas, demander sa démission. Rien ne m’autorise à dire que les informations parues dans la presse émanent de la Ligue. Disons simplement que le hasard fait bien les choses.
La FFR, dans son silence relatif, n’a d’ailleurs pas manqué de faire remarquer que Philippe Peyramaure, par qui une partie du scandale arrive, aurait non seulement outrepassé son devoir de réserve, mais serait surtout le représentant de la Ligue… En creux, il est encore permis de voir là, dans cette attaque extrêmement sérieuse, finement amenée, dont on ne connaît pas encore la portée finale, une petite affaire d’État, visant à renforcer, in fine, l’autonomie et l’indépendance de la Ligue. Si Laporte était déjugé par son ministre de tutelle et devait finir par cé- der sa fonction, l’affaire pourrait très bien faire jurisprudence et servir, du même coup, l’ensemble des ligues professionnelles tous sports confondus. De là à imaginer un complot finement ourdi par l’ensemble des Ligues nationales, il y a tout de même un pas que rien ne nous autorise naturellement à faire. Il n’en demeure pas moins que ces accusations portées contre le président de la FFR et qui ne manqueront pas de le déstabiliser au moment même où il lutte pour l’obtention de la Coupe du Monde en France en 2023, jettent un trouble considérable sur l’univers du rugby fran- çais. Bernard Laporte doit se défendre. A-t-il les moyens de le faire ? Son entourage nous assure que oui. Rentré seulement samedi de Los Angeles, il attend de réunir son comité directeur ce lundi, avant de prendre la parole. Des réponses qui seront les siennes, des justifications qu’il donnera à son ministère de tutelle, dépendra la suite de l’aventure. Mais dans tous les cas de figure, cette affaire sera fâcheuse. Elle induit d’ores et déjà un conflit ouvert entre la Ligue et la fédération dont le rugby français se passerait bien. ■