Comme ne manque jamais de le signaler Patrick Buisson, vice-président de la FFR et champion désigné à la succession de Bernard Laporte, les clubs en ont ras la casquette de voter et de revoter. Il suffit. « On n'ira pas embêter les clubs, promettait-il en janvier. Les clubs en ont marre de la politique. »
Une fois Laporte condamné en justice pour des faits commis dans l'exercice de sa fonction (le 13 décembre, il a aussitôt fait appel) et contraint de démissionner le 27 janvier, il existait une voie statutaire pour soulager la charge mentale des présidents de club tout en clarifiant les choses. Il était possible de procéder à des élections générales, par exemple juste après le Tournoi, comme le réclamait l'autorité de tutelle, à savoir le ministère des Sports.
Autant les colistiers de Laporte avaient signé solidairement une lettre ouverte pour lui apporter leur soutien plein et entier à la veille de son procès, autant sa démission ne les concernait plus du tout. Même le rejet par référendum de Buisson au poste de président délégué (51,06 % de « non » le 26 janvier) n'a pas fait évoluer leur ligne dure. Voilà pourquoi et comment chaque président de club sera cette année appelé à voter en janvier, en mai et en juin, puis une autre fois l'année prochaine. Quatre votes au lieu d'un. Veuillez les excuser pour le dérangement.
Le scrutin qui s'est ouvert mercredi dernier et se refermera ce vendredi midi doit permettre de compléter le comité directeur de la Fédération en pourvoyant aux douze sièges vacants : les neuf démissionnaires du collectif d'opposition Ovale Ensemble, qui espéraient en janvier être suivis par d'autres, outre les deux représentants de la Ligue, et parvenir ainsi à des élections générales, celui de Laporte et ceux de Pascal Papé et José Machado (majorité présidentielle), qui avaient rendu leur tablier précédemment. À compter de cinq sièges inoccupés dans cette assemblée qui en compte trente-huit, il est nécessaire de recourir à une élection partielle dite de complétude. Jeudi, 90,63 % des porteurs de voix avaient complété la première étape administrative d'enregistrement.
À cause de tout ce qui a précédé et de ce qui approche (élection du 12 au 14 juin d'un nouveau président pour finaliser le mandat de Laporte, qui court jusqu'à fin 2024), les résultats de ce scrutin donneront une première mesure des dynamiques en présence dans chaque famille. Affaiblie par le départ de son chef - et surtout par les raisons ayant conduit à ce départ -, la branche « laportienne » remet donc trois sièges en jeu. Ce n'est pas grand-chose, et même si elle venait à les perdre tous, cela ne l'empêcherait pas de garder la majorité au comité directeur. Mais les perdre tous équivaudrait à une rechute d'influence chiffrée, cinq mois après celle matérialisée par la défaite électorale du référendum.
Ce scénario plomberait la campagne du candidat Buisson à la présidentielle, baptisée « Tous unis derrière le XV de France ». Calquée sur celle du référendum, elle joue uniquement sur la peur de porter le mauvais oeil au quinze de France pour la Coupe du monde. Malgré nos demandes répétées, on ne nous a toujours pas expliqué ce qu'il adviendrait à Antoine Dupont et ses camarades d'ici au 8 septembre, jour du match d'ouverture contre les All Blacks, si Florian Grill, Serge Blanco ou « Jean-Michel Delacompta » venait à être élu.
La crise de gouvernance a aussi fini par toucher le collectif Ovale Ensemble et provoquer la sécession, le 20 avril, de Serge Blanco et Jean-Claude Skréla, qui faisaient partie des neuf démissionnaires en janvier. Une microfissure ? Une fracture ? Un mal pour un bien ? Les avis divergent. Les séparatistes n'ont pas digéré de devoir s'aligner (étaient-ils obligés ?) et ont depuis fondé le mouvement « la Voix des clubs ». La course à la présidence dans trois semaines ? L'ancien arrière du quinze de France n'a pas dit non dans l'entretien qu'il a accordé à L'Équipe, lundi. Tout comme Florian Grill, il lui faudra d'abord remplir un préalable : être réélu aujourd'hui au comité directeur.
Les résultats de cette élection partielle - qui a la particularité d'être un scrutin uninominal et non pas de listes - donneront aussi une indication sur l'audience d'Ovale Ensemble. Scrutin après scrutin, elle n'a fait que croître depuis 2016. En dessous de neuf sièges, ce serait un coup de frein. Au-dessus, un coup de vent dans le dos. Quant à l'hypothèse d'un 12 sur 12 (ou 11 sur 12), elle placerait Grill en position de force face à Buisson en vue de la présidentielle. En présentant douze candidats pour douze sièges, Ovale Ensemble court moins le risque d'un éparpillement des voix que la majorité, qui n'a pas pu arriver à moins de quinze candidats.