Pourquoi le marché des transferts va entrer en ébullition après la Coupe du monde 2019
Publié le
mercredi 12 septembre 2018 à 21:16
| Mis à jour le
12/09/2018 à 21:45
Les effectifs post-Coupe du monde 2019 se dessinent dès aujourd'hui. Si la France reste ambitieuse, elle subit la concurrence des Championnats anglais et japonais, désormais plus attractifs.
C'est un moyen de retrouver l'appétit après l'orgie qui régale diffuseurs, supporters, partenaires mais d'abord les joueurs concernés. Chaque saison succédant à une Coupe du monde voit débarquer en Europe son cheptel de stars internationales. Sur le papier, les affaires sont toujours belles. Les fins, quant à elles, sont plus ou moins heureuses. En 2011 puis en 2015, le Top 14 avait accueilli un nombre important d'internationaux étrangers (*) avec une nette montée en gamme après le Mondial anglais. L'après-Japon (du 20 septembre au 2 novembre 2019) n'y échappera pas. Les tractations ont d'ailleurs déjà commencé depuis mai pour les dossiers les plus complexes. «Entre les fins de cycle et les joueurs libres de contrat, on va avoir une surabondance de profils», prévoit un agent français dans le business de la vedette depuis plus de quinze ans. «La densité sera la même qu'à chaque fois, mais avec une augmentation de la qualité», poursuit un autre expert.
Vous l'aurez compris, le marché de la star internationale, la vraie, avec un avenir en équipe nationale, reste un marché d'opportunités qui explose les années de Coupe du monde et se dessine dès à présent. Selon leur origine, ces joueurs sont souvent contraints de rester au pays pour continuer de postuler en sélection. En la matière, la Nouvelle-Zélande reste la plus rigide. Un All Black en exil est un All Black rayé des listes. Consciente depuis quelques années qu'elle n'avait pas un relief financier suffisant pour rivaliser avec l'Europe, la NZRFU, Fédération néo-zélandaise, s'accommode désormais pour ses plus jeunes de contrats courts, à l'image d'un Carter, venus huit mois à l'USAP, de décembre 2008 à juin 2009, pour une pige lucrative. Les dirigeants néo-zélandais sont toutefois devenus beaucoup plus regardants quant à la destination d'un garçon qui serait appelé à venir rejouer pour les All Blacks après un crochet sur le Vieux Continent.
«Les Néo-Zélandais sont mieux payés au pays qu'il y a quatre ans. [...] Par ailleurs, la réputation des clubs français n'est pas terrible là-bas. Sur le suivi physique, médical, ils trouvent cela moins pro qu'en Angleterre» - Un agent étranger implanté dans chaque hémisphère
«Les Néo-Zélandais sont mieux payés au pays qu'il y a quatre ans, nous confie un agent étranger, un pied dans chaque hémisphère. Aujourd'hui, ils sont six ou sept cadres très bien payés. Par ailleurs, la réputation des clubs français n'est pas terrible là-bas. Sur le suivi physique, médical, ils trouvent cela moins pro qu'en Angleterre. À part l'ASM, qui jouit d'une bonne réputation, ce qui peut faciliter la conclusion de certains dossiers (Franck Azéma a déjà accueilli le staff néo-zélandais à deux reprises à Clermont). Et puis leurs joueurs ont plus de mal à s'adapter en France. Aujourd'hui, entre les Saracens et Toulon, il n'y a plus photo, même si la proposition salariale est plus élevée en France. Ce n'était pas le cas il y a quatre ans.» Jusqu'en 2015, les Australiens observaient le même credo que leurs petits camarades kiwis, avec une rigueur ecclésiastique avant de créer une brèche législative. Les Argentins viennent eux aussi d'assouplir leur règle de sélection. Quant aux Springboks, ils se sont carrément affranchis de la règle, alors qu'au Nord seuls les Anglais se refusent à retenir un joueur qui n'évolue pas en Premiership.
La prudence reste néanmoins entière vis-à-vis de ces prestigieux candidats au voyage. «Certains se servent de ça pour faire grimper les enchères soit avec leur fédération soit avec d'autres pays», glisse le représentant d'internationaux français échaudés. À plus forte raison depuis que les Anglais et les Japonais se positionnent aujourd'hui avec de solides arguments. Le Championnat nippon, outre son attractivité financière, possède l'immense avantage d'être beaucoup moins long et usant que les autres et à la portée d'un vol de douze heures de la maison. Un argument de poids quand on est australien ou néo-zélandais et à cheval sur les traditions familiales. Les clubs anglais, quant à eux, bénéficient de la règle du «marquee player», qui permet de soustraire deux contrats importants de la masse salariale globale soumise, elle, à leur propre salary cap.
«Les premiers effets réels de la politique des JIFF vont démontrer qu'il y aura moins de places dans les clubs français. Seule la crème de la crème va débarquer» - Laurent Marti, président de Bordeaux-Bègles
Dans le même temps, le Top 14 durcit ses propres règlements, qu'il s'agisse du plafonnement de la masse salariale (11,3 millions d'euros) ou des JIFF (16 par feuille de match, moyenne lissée sur la saison dès 2019-2020). Un choix politique qui contrarie forcément les flux de joueurs étrangers. «Les premiers effets réels de la politique des JIFF vont démontrer qu'il y aura moins de places dans les clubs français. Seule la crème de la crème va débarquer, annonce Laurent Marti, le boss de l'Union Bordeaux-Bègles. Les clubs feront un, deux, trois coups maximum, mais avec en plus la pression du salary cap, cela calmera les ardeurs.»
Une régulation automatique, «qui se fera au détriment des joueurs étrangers de niveau inférieur», professe un agent. Idem quant aux rémunérations. «Il y aura un peu d'inflation sur les gros joueurs, mais cela réduira le nombre à cause du salary cap», promet Marti, suivi de près par Bernard Pontneau, patron de la Section Paloise : «Les tarifs montent un peu, mais il y aura moins de joueurs qu'en 2015. En revanche, je suis sûr qu'un club cassera sa tirelire pour un deuxième-ligne all-black.Le recrutement sera très ciblé. Il y aura des surprises.» Est-ce que certains dossiers annoncent quelques bras de fer acharnés ? «Assurément, répond Pontneau. Mais on connaît les clubs qui sont capables de payer n'importe comment un joueur.»
(*) 2011 : Botha, Giteau, Phillips, Hook, Byrne, Rokocoko, Tialata et Sivivatu. 2015 : les champions du monde Carter, Smith, Slade, Nonu et les Australiens Ashley-Cooper, Genia, Cooper ou Kepu.