Dans le débat autour de la sécurité des plaquages, tout le monde s'accorde sur une nécessité : renforcer la pédagogie autour de ce geste très technique. « Éduquer, c'est très important, pense le philosophe Thierry Ménissier, et rééduquer aussi. »« Certains joueurs ont vraiment de mauvaises habitudes », ajoute Richard Hill, entraîneur anglais passé par Rouen, Périgueux et Floirac.
Depuis fin 2022, après une année d'expérimentation, World Rugby a intégré à son règlement un « programme de formation au plaquage » pour les joueurs sanctionnés pour la première fois à la suite d'un plaquage dangereux. Ces derniers peuvent réduire leur suspension d'une semaine à condition de suivre ce programme qui s'avère être plus qu'une simple formalité. À ce jour, environ 350 joueurs évoluant dans les Championnats professionnels l'ont suivi, avec un taux de récidive de seulement 6 % (les récidivistes n'ont plus la possibilité de suivre la formation et se voient sanctionnés plus lourdement).
Supervisées par huit entraîneurs, arbitres ou anciens joueurs, les différentes parties du programme peuvent être validées à distance. « On fonctionne avec un système de vidéos, explique Hill, qui est un des deux référents pour la France, avec l'ancien ailier international de Toulouse Vincent Clerc (67 sélections, 34 essais avec les Bleus). La première étape, c'est le visionnage des images de l'incident par le joueur et son entraîneur. La discussion entre eux est filmée, et je m'assure que le joueur a compris ce qu'il a mal fait et comment il doit améliorer sa technique. »
La suite se passe sur le terrain, où plusieurs vidéos, sous différents angles (au moins six) doivent être produites. « Le joueur doit réaliser plusieurs exercices à vitesse lente », détaille Clerc, qui a accepté ce rôle de superviseur à la demande du Néo-Zélandais Conrad Smith, en charge des règlements et de la sécurité à World Rugby. « Ensuite, l'incident doit être reproduit avec des partenaires qui jouent le rôle des adversaires, un peu comme une reconstitution de scène de crime ! Si ce qu'on reçoit est trop succinct, on fait refaire. Il y a beaucoup d'échanges avec les coaches, en général les entraîneurs de la défense. C'est un outil qui introduit une dimension pédagogique très intéressante. »
« Je supervise environ deux joueurs par mois, poursuit Hill. Et je m'aperçois que cela conduit les coaches concernés à passer plus de temps pour solidifier la technique de leurs joueurs. » En 2022, Colm Tucker, l'entraîneur de la franchise irlandaise du Connacht, à la suite de la faute d'un de ses éléments et d'une évaluation individuelle, avait élaboré un processus d'éducation au plaquage pour toute son équipe : « Le dialogue avec l'évaluateur indépendant, très intéressant, m'avait conduit à construire un programme en trois étapes, sur six semaines, pour que tout mon groupe bénéficie de cette pédagogie. C'est de la responsabilité de tous les entraîneurs, quel que soit le niveau, de toujours insister sur la technique de plaquage. »
« L'intérêt du programme, ajoute Clerc, c'est qu'il implique forcément des coéquipiers du fautif pour réaliser les vidéos et cela profite donc à plusieurs joueurs. » Essentiel, quand les statistiques révèlent que le plaquage est le principal responsable des commotions cérébrales (à 73 % en moyenne, 76 % pour le plaqueur).