Un repos bien mérité pour le joueur, considéré comme l'un des grands gagnants du mois de novembre, avec notamment une prestation de haut vol face aux All Blacks. « Réussir un gros match, face à une équipe aussi emblématique, c'est beaucoup de fierté, reconnaît Boudehent. Mais je préfère rester mesuré. J'ai tellement d'exemples en tête de joueurs flamboyants qui ont connu des lendemains difficiles... »
Pas du genre à s'enflammer. Au contraire. Il préfère vanter les mérites collectifs : « Cette tournée est très positive. Nous nous étions fixé de gagner nos trois matches avec un gros focus sur celui de la Nouvelle-Zélande. Beaucoup de nouveaux joueurs ont été intégrés au groupe et ont montré un super visage. Ils ont apporté de la fraîcheur, de l'envie. J'ai le sentiment d'un nouveau départ. »
« Je sors ravi de cette tournée, même si ma sortie face à l'Argentine laisse un petit goût d'inachevé. >
Paul Boudehent
Personnellement aussi ? « Oui, je sors ravi de cette tournée, même si ma sortie face à l'Argentine laisse un petit goût d'inachevé. Je souhaitais m'affirmer. Je n'avais pas forcément ma place de titulaire au début de la tournée et j'ai réussi à démarrer deux matches (Nouvelle-Zélande et Argentine)... » Boudehent s'interrompt et se reprend : « Enfin, non... Quand j'arrive en équipe de France, je ne suis pas du genre à affirmer : ma place est d'être titulaire ! Même si on y aspire tous. J'avais des choses à prouver sur le terrain. »
Pari réussi. Entré en jeu dès la 33e minute de jeu face au Japon, le troisième-ligne s'est offert un doublé (54e et 65e), ses deux premiers essais en Bleu, mais il a surtout fait mal aux Japonais avec quatorze plaquages et des charges où il a fait apprécier sa puissance, sa rugosité.
C'est surtout face à la Nouvelle-Zélande, une semaine plus tard, que Boudehent a brillé (note de 8/10 dans L'Équipe). En termes de tonicité et d'impact, il a été l'un des seuls à rivaliser avec les All Blacks. En défense d'abord, en remportant les collisions pour ralentir les Néo-Zélandais. En attaque aussi en gagnant de précieux mètres ballon en mains. Il a d'ailleurs été à la conclusion d'un maul pour un nouvel essai (44e)
« C'est plaisant, mais je n'ai pas traversé le terrain non plus, sourit-il. J'ai juste aplati le ballon. Je suis content pour mes parents. Mais ce ne sont pas les actions qui me procurent le plus de plaisir. Je préfère un bon plaquage offensif ou récupérer un ballon important. Ça correspond plus à mon jeu. »
« Plus tu passes les étapes, plus tu as de certitudes, plus tu avances. »
Paul Boudehent
Sa mi-temps face à l'Argentine a été dans cette lignée, très dynamique, avec encore des nombreux plaquages appuyés et de bons relais axiaux dans le jeu offensif. « La digestion de la Coupe du monde et du Tournoi lui a permis de passer un cap sur la compréhension du jeu et sa détermination », a souligné le sélectionneur Fabien Galthié après la victoire face à la Nouvelle-Zélande. « Je parlerais d'expérience et de confiance, pose l'intéressé. Plus tu passes les étapes, plus tu as de certitudes, plus tu avances. Le Tournoi de l'année passée, c'était mon premier. J'étais dans la découverte même si j'avais préparé deux Tournois avant celui-ci. Mais je n'avais jamais joué. Là, j'étais sur les cinq feuilles de match (1 titularisation). Il a été très formateur. Tu te construis en permanence en tant que joueur et en tant qu'homme. »
Paul Boudehent a-t-il la sensation d'avoir pris plus de place dans cette équipe de France ? « Non, assure-t-il. J'ai surtout la sensation d'avoir pris confiance en moi, mais aussi vis-à-vis du groupe, du staff. C'est une construction sur le long terme, mais cette tournée compte. J'ai bien avancé. Mais dire que j'ai pris plus de place, ce n'est pas à moi de le dire. L'avenir nous le dira. J'ai encore besoin de régularité. Le plus difficile est d'enchaîner les grandes prestations. C'est à ça qu'on reconnaît les très grands joueurs. Comme je veux en être, je me fixe les mêmes objectifs. Je dois continuer à performer sur le long terme, être régulier à très haut niveau aussi bien en club qu'en sélection. »
« Je n'aime pas être en tribunes. Quand vous avez l'opportunité d'être sur le terrain, il faut rendre cette confiance. »
Paul Boudehent
Passer devant Charles Ollivon, en tribunes face au Japon, ou Grégory Alldritt, en tribunes face à l'Argentine, n'a pourtant rien d'anodin. « Cela m'a procuré encore plus de pression, reconnaît le troisième-ligne rochelais. Même Anthony Jelonch n'a pas joué (il était hors groupe sur les trois matches) alors que ce sont des mecs qu'on a l'habitude de voir sur le terrain. Par respect pour eux, pour tout ce qu'ils ont apporté à l'équipe de France, je me suis dit : je dois me donner à fond ! Je n'aime pas être en tribunes, donc eux non plus. Quand vous avez l'opportunité d'être sur le terrain, il faut rendre cette confiance. Il y a aussi une notion de solidarité vis-à-vis de ceux qui ne jouent pas. » Il a joint les actes à la parole.
Boudehent sort grandi de ce mois de novembre où sa polyvalence, son « truc en plus », n'a finalement pas été nécessaire. Il peut jouer à tous les postes de la troisième-ligne et peut également dépanner en deuxième-ligne, au centre et même à l'aile ! « Pour déconner, j'ai dit à Patrick (Arlettaz, entraîneur chargé de l'attaque de l'équipe de France) de me faire jouer à l'arrière ! Mais il faut que je travaille mon jeu au pied... »
Cette polyvalence plaît au staff du quinze de France et sera, à coup sûr, un atout en vue de la Coupe du monde 2027 en Australie. Un objectif affiché. « Le Mondial 2023 était déjà un objectif, mais je n'étais pas légitime pour y croire (il a bien été sélectionné dans les 33 et a disputé 3 matches). Pour le Mondial 2027, l'objectif est évident. Mais pour en avoir discuté avec d'autres joueurs, ils m'ont tous dit qu'entre deux Coupes du monde, ils avaient eu l'impression d'avoir vécu une vie ! Je me projette sur 2027, je veux être de l'aventure et je veux gagner ce Mondial en Australie, mais c'est dans trois ans. Quand je vois où j'étais il y a trois ans, je préfère ne pas trop m'avancer... » À cette époque, Paul Boudehent comptait zéro sélection et son palmarès était vierge. Il affiche désormais 14 sélections et deux Coupe d'Europe ! Mais ne compte pas s'arrêter en si bon chemin.