Car Louis Bielle-Biarrey va vite. Très vite même. Sa vitesse maximale record atteinte en match est de 37,8 km/h. Elle date de mai 2024. « Lorsque je rattrape (le Rochelais) Dillyn Leyds l'année dernière », nous a précisé l'intéressé cette semaine. « 37,8, c'est monstrueux, reconnaît Thibault Giroud, directeur de la performance de l'Union Bordeaux-Bègles après avoir occupé le même poste chez les Bleus (2019-2023). Louis est capable, notamment sur des chasses et des escortes, de toucher des vitesses très hautes. Honnêtement, aujourd'hui seuls cinq mecs peut-être vont aussi vite sur la planète rugby. Si on le mettait sur un 100 mètres, ce qui n'a pas vraiment d'intérêt pour nous, il pourrait faire largement 10"80. »
Le 16 novembre dernier, il avait été flashé à 34,9 km/h, à Saint-Denis, sur son essai contre la Nouvelle-Zélande (30-29). Après une passe au pied de Thomas Ramos, le joueur de 21 ans avait déposé les All Blacks Sevu Reece et Anton Lienert-Brown. « Plein de mecs vont très vite mais le problème c'est qu'ils n'arrivent jamais ou très rarement à le faire en match, note Giroud. Chez nous, Louis est capable de toucher plus de 35 km/h très souvent et de le répéter, avec très peu de repos, et avec très peu de déviation et de perdition de vitesse. Il peut en plus accélérer sur n'importe quelle position et changer de direction. Son application horizontale d'accélération est impressionnante. »
« Au début, ils (l'encadrement des équipes de France jeunes) pensaient que c'était une erreur mais les temps étaient bien les bons »
Alexandre Correard, ancien préparateur physique de Louis Bielle-Biarrey au FCG
Sur 10 mètres, Bielle-Biarrey est redoutable. Il ne lui faut que 154" (son record) pour parcourir cette distance. Dans un temps extrêmement court, l'ailier au casque rouge parvient à apporter énormément de force et à maintenir ses efforts. D'où les différences qu'il crée régulièrement sur des petits espaces malgré un gabarit presque quelconque (1,84 m, 86 kg). « Il est vraiment au-dessus des autres, selon Giroud. Il n'est pas très lourd mais il a un rapport poids-puissance incroyable avec un train moteur très fort. » Et ce n'est finalement pas si nouveau.
À ses débuts en 2008, à Seyssins, alors qu'il n'était âgé que de cinq ans, puis surtout à quelques kilomètres de là, à Grenoble dès 2016, Bielle-Biarrey était déjà doué sur un terrain. Il jouait ouvreur. Et il butait aussi, souvent de 50 mètres. « Quand il est arrivé au FCG, c'était encore un enfant, se souvient Alexandre Correard, ancien préparateur physique des jeunes Isérois. Il avait intégré le club car c'était avant tout un très bon joueur, et pas du tout pour ses qualités physiques. Mais à partir de 15-16 ans, il a passé un cap. Il y a eu vraiment une explosion de ses chronos. »
L'encadrement des équipes de France jeunes, en lien avec Correard, n'y croyait pas. « Au début, ils pensaient que c'était une erreur mais les temps étaient bien les bons, se marre celui qui fait désormais partie du staff de la Section Paloise. Les tests sont dépendants des façons dont on les fait. Nous, on faisait des tests de 20 mètres aux cellules. Louis faisait 2"64, moins que Teddy Thomas, qui jouait en sélection. Ça allait très, très vite. »

Cinq fois par semaine, dont la séance du mercredi dédiée uniquement à la vitesse, jusqu'à son départ à l'UBB en 2021, Bielle-Biarrey a peaufiné sa condition physique à Grenoble, comme d'ailleurs le néo-Toulousain Ange Capuozzo, autre ailier-arrière supersonique du Top 14. Ses qualités naturelles se sont encore affirmées. « Souvent, les joueurs ont soit la vitesse max soit les 10 premiers mètres, ajoute Correard, toujours proche du Bordelais et de sa famille. Louis a la chance d'avoir les deux. Physiquement, dans l'idéal de certains entraîneurs, il faudrait qu'il ait un physique à la Nemani Nadolo, qu'il pèse 110 kg avec les mêmes qualités pour avoir le joueur parfait. Mais ce n'est pas ce qu'on demande à Louis. Pour lui, qui est rarement blessé, ce qui compte c'est d'être fort dans le duel, d'être bon sur les choix, de bien défendre son couloir et de marquer des essais. » À ce jeu, il est quasiment imbattable.
« Il pourrait sans doute encore améliorer sa vitesse par du travail très spécifique mais c'est d'abord un joueur de rugby, pas juste un mec qui prend un ballon et qui va vite »
Thibault Giroud, directeur de la performance de l'Union Bordeaux-Bègles
Avec les Bleus, « LBipBip » en est aujourd'hui à 17 (dont 7 dans ce Tournoi des Six Nations 2025) en 18 sélections, et 23 en 19 matches (soit un ratio de 1,2) toutes compétitions confondues depuis le début de saison. « Il pourrait sans doute encore améliorer sa vitesse par du travail très spécifique mais c'est d'abord un joueur de rugby, pas juste un mec qui prend un ballon et qui va vite, souligne Giroud. Nous, ce que l'on veut, c'est surtout le faire progresser sur la répétition à haute intensité de sprints, le faire monter sur des énergies plus importantes et plus longues, et qu'il ait une déperdition de vitesse et d'accélération encore moins importante que ce qu'il a aujourd'hui. »
Correard acquiesce et complète : « En sortant de Grenoble, il avait déjà des qualités explosives incroyables mais il avait du mal à répéter ses efforts. Aujourd'hui, il est impressionnant. Plus Louis sera capable d'être rapide souvent sur le terrain, plus il fera la différence. » Et plus il marquera (encore) des essais avec l'UBB et le quinze de France.
Dans ses 30 mètres, il avait tapé un coup de pied pour lui-même, le rebond lui avait été favorable et il a fait une course de plus de 60 mètres. Mais il sait aussi le faire sur de très petits espaces, comme on l'a vu encore contre l'Irlande. Je me régale devant ses matches. Sur toutes ses accélérations, on voit de l'engagement et du placement. On a eu des sprinteurs qui n'étaient pas forcément hyper musculeux, lui est assez longiligne. Il met beaucoup d'engagement dans ses courses. Il engage avec le haut du corps mais avec du placement en dessous. Il n'est pas complètement sur un cycle avant mais il se rapproche énormément des coureurs de 400 mètres, qui peuvent avoir ces types de vitesses. Il va donc se rapprocher aussi des vitesses des coureurs de 400. C'est intéressant. »