Allons allons, j'ai cru comprendre que tu vivais entre la Turquie et la Grèce, tu dois bien avoir deux-trois trucs à raconter non ?
Passionné d'échecs, j'aurais voulu raconter quelque chose que j’expliquais avant-hier à un ami iranien : pourquoi le fou s'appelle comme ça en français (alors qu'il porte un nom complètement différent dans d'autres langues). Mais je viens d'aller vérifier dans un bouquin de Michel Pastoureau, et je crois qu'il n'est pas d'accord avec moi. Qui croire donc, entre un spécialiste reconnu et un vulgaire internaute fan de rugby ?
Voilà ce que je pensais jusqu'à aujourd'hui (à prendre avec des précautions, donc) : le jeu d'échecs vient des Indes, d'où il a suivi le parcours classique, à savoir passage par l'Iran, puis le monde musulman après la conquête arabe (vers 650), et enfin l'Europe. Or, aux Indes, le fou, qui en France ressemble généralement un peu à une asperge, est représenté par un éléphant, animal qui y était utilisé au combat. En Persan, l'éléphant se dit فیل ("fil", avec un long "i"). Le mot s'est transmis ensuite à l'arabe. Et quand le jeu d'échecs est enfin arrivé en Europe (Fréderic II y jouait beaucoup - du moins le Fréderic II de Kantorowicz), on en a adopté plus ou moins le vocabulaire, et fil s'est doucement transformé en fol, le mot français qui a donné fou par la suite.
Quant à la forme même de la pièce, il pourrait s'agir d'une stylisation de défense d'éléphant. Pastoureau va d'ailleurs dans ce sens, invoquant l'explication -bien commode- de l'aversion supposée de l'Islam pour les représentation d'êtres vivants. Je me méfie quant à moi de ce genre d'explication, que je trouve toujours un peu trop facile. Quoiqu'il en soit, le nom même du jeu dans plusieurs langues européennes (échecs, scacchi, Schach, chess, σκάκι, satranç, etc.) provient du terme Persan pour dire "roi" (et, selon certains spécialistes, également "dopé"), à savoir "Shah" (شاه).
Le jeu s'est longtemps joué avec des dés, pour déterminer notamment quelle pièce déplacer, ce qui explique pourquoi l'Eglise y était farouchement opposée. De nos jours, il existe une variante des échecs, rendue célèbre par Bobby Fisher, dans laquelle la position initiale des pièces est choisie aléatoirement (Chess960).
J'ai A History of Chess (Une histoire des Echecs) par Harold Murray qui traine quelque part, et vais essayer de vérifier ma théorie du fil-fol-fou quand je rentrerai chez moi.