Pas encore arrivé à Clermont, Didier Retière a accepté, par téléphone, de se projeter sur sa future mission en Auvergne. Le DTN, 53 ans, va quitter le giron fédéral au printemps, pour se replonger dans le monde professionnel, et y transplanter ce qui a fait sa réussite à la FFR, son goût pour la formation, décrétée prioritaire par le président de l'ASM, Jean-Michel Guillon.
« L'ASM a officialisé votre arrivée ce jeudi, mais votre nom a commencé à circuler autour du club dès le printemps dernier, quand il était à la recherche d'un entraîneur pour remplacer Franck Azéma. À quand remontent vos premiers contacts ?
Les premiers contacts remontent Au mois d'avril. J'avais rencontré le nouveau président, et on avait échangé. On n'était pas dans la logique d'un poste d'entraîneur, et moi, ce n'était pas ce que j'attendais. Ça n'avait pas été plus loin, Clermont était dans d'autres logiques, avait d'autres priorités. Ils m'ont resollicité, on s'est à nouveau rencontrés et ça s'est accéléré dans ces derniers jours. Je n'étais pas à la recherche d'un job, ce que je fais à la Fédération est intéressant. Je devais aller jusqu'à la Coupe du monde 2023, mais j'étais en fin de cycle. Je ne savais pas trop ce que pourraient être mes missions après. J'étais obligé de penser à mon avenir. Et cette opportunité, qui est arrivée plus tôt que ce que je pensais, a été une bonne occasion.
Vous avez découvert le président Jean-Michel Guillon, qui lui aussi est dans une phase de découverte du monde du rugby depuis un an et demi qu'il est président de l'ASM, après avoir été DRH chez Michelin ?
J'ai trouvé quelqu'un de mesuré, posé, dans l'analyse, avec une vraie vision et des qualités humaines qui m'ont intéressé. Il apporte une fraîcheur aussi dans le rugby, il ne faut pas qu'on tourne à la consanguinité, de n'autoriser que les anciens rugbymen à être impliqués. Il a un regard différent et intéressant : on n'a pas été DRH monde de Michelin par hasard. On dit que le sport apporte à l'entreprise mais je pense que l'inverse est vrai.
« C'est un projet qui ressemble étrangement à celui qu'on a mis en place à la Fédération, par rapport aux équipes de France jeunes, aux pôles Espoirs et qui donne des résultats à plein régime pour les équipes de France »
Didier Retière
Quand pourrez-vous débuter votre mission ?
On est parti sur la base du 1er avril, l'échéance fixée entre Bernard Laporte, Serge Simon et le président Guillon. Le temps que tout se mette en place à la FFR, je commencerai à faire des choses pour Clermont et je me rendrai disponible pour ce qui y a été repéré comme prioritaire. Clermont est un club qui fonctionne bien, on n'est pas non plus dans un état de délabrement, même si aujourd'hui ce n'est plus tout à fait au niveau de ce que tout le monde peut espérer. C'est un club solide qui travaille dans la durée, et c'est aussi ça qui a guidé mon choix.
Parmi ce qui est prioritaire, le président Guillon a beaucoup insisté sur la formation. Votre expérience à la DTN sera un atout dans ce domaine ?
C'est un projet qui ressemble étrangement à celui qu'on a mis en place à la Fédération, par rapport aux équipes de France jeunes, aux pôles Espoirs, tout ce travail de fond lancé depuis 2012 et qui donne des résultats à plein régime pour les équipes de France ! On veut faire évoluer le projet à Clermont, remettre une dynamique collective, une vraie continuité dans la formation depuis l'école de rugby jusqu'à l'équipe des Espoirs, avec la volonté de produire de futurs joueurs professionnels, voire des internationaux, qui doivent être un levier prioritaire dans la performance. On voit que pour le Stade Toulousain, ce retour à ses origines a été opéré avant tout le monde et c'est un avantage conséquent aujourd'hui. L'ASM a des atouts qu'il faut renforcer pour que le club puisse être dans les meilleurs de France.
Avez-vous rencontré Jono Gibbes, l'entraîneur ?
Oui, et on a senti qu'on partageait un certain nombre de valeurs humaines. On a des objectifs comparables, même si Jono travaille, lui, plus dans une vision du quotidien, celle du prochain match à gagner, c'est tout le challenge et la pression qu'il a, quand moi, je dois apporter un autre regard, sur la durée. Il y aura donc une vraie complémentarité qu'on n'aura pas de difficulté à trouver.
« Le recrutement, ce n'est pas que compiler des CV et regarder des vidéos. Il y a une responsabilité de l'équipe professionnelle, en termes d'image, d'attitude, de relations avec le public »
Didier Retière
Le président Guillon a expliqué que vous alliez gérer le recrutement ensemble ?
Oui mais on va aller au-delà de ça. L'équipe pro, c'est le phare d'un club. On doit montrer l'exemple, collaborer avec les équipes de jeunes en dessous. Le recrutement, ça sera un travail de longue haleine que l'entraîneur des pros n'a pas toujours le temps de faire. Il sait ce qu'il attend, il a son avis sur les profils de joueurs, mais on ne recrute pas que des joueurs, on recrute des personnes, des hommes. Il faut savoir comment ils s'intègrent dans une dynamique de club, quelle est leur personnalité. Le recrutement, ce n'est pas que compiler des CV et regarder des vidéos. Il y a une responsabilité de l'équipe professionnelle, en termes d'image, d'attitude, de relations avec le public.
Le club veut aussi retrouver une place pour ses glorieux anciens. C'est en ce sens que le rôle d'Aurélien Rougerie, désormais « team manager » a été redéfini ?
J'ai revu Aurélien quand on a célébré les dix ans de la finale de la Coupe du monde 2011, on a bien discuté. C'est un joueur et une personne que j'apprécie, quelqu'un qui a su, dans sa carrière d'international et de joueur de club, s'améliorer en vieillissant. Il est devenu l'ancien dans le côté noble du terme, qui accompagnait les jeunes joueurs en incarnant les valeurs du club. Il fait ça toujours très bien et c'est intéressant qu'il trouve un rôle positif pour le club.
Plus généralement, Clermont traverse une période de turbulences, avec de l'impatience chez ses supporters, qui viennent de voir acté le départ de Morgan Parra et observent le classement en Top 14. Qu'avez-vous à leur dire ?
Jono fait un travail de fou depuis qu'il a pris ses responsabilités. C'est un combat semaine après semaine. IL ne lâche rien, avec son staff, ça va payer. Je sais que Clermont est un club où les supporters ont beaucoup d'attentes, mais cette saison, il y aura un cycle de transition. On espère que les choses vont se redynamiser d'ici la saison prochaine. On va mettre les bouchées doubles pour propulser le club vers les sommets. »