La carrure encore plus imposante, une bonhomie qui illumine toujours son visage et son regard translucide, Elvis Vermeulen a des étoiles dans les yeux quand il évoque son retour à l’ASM. Et il ne cache pas non plus son émotion en retraçant son parcours au CUC, où il s’est forgé l’âme d’un coach qui se veut « dur mais juste ». Un entraîneur ambitieux aussi, dont on devine bien qu’il aura un jour des désirs d’exercer « plus haut ».
Déjà, qu’avez-vous fait rugbystiquement depuis votre fin de carrière en 2014 avec l’ASM ? « Entraîner était déjà une évidence pour moi. Mais j’ai voulu découvrir la base, le rugby amateur. J’ai débuté à Romagnat, une saison avant de partir au CUC. Là, j’ai commencé par les U8, puis les U10, j’ai fini par chapeauter l’école de rugby. Et depuis cinq ans, j’ai pris les seniors. J’ai préféré avoir ce parcours, dans un club comme le CUC car je suis persuadé que si tu es un bon entraîneur en amateur, tu seras meilleur avec des professionnels. Au niveau amateur, si tu n’es pas bon, le joueur ne revient pas ».
Qu’avez-vous appris sur ces années avec des purs amateurs ? « Déjà, j’ai appris la base de mon métier, à travailler mes entraînements en m’appuyant sur le ludique, la technique et l’athlétique. Ce mélange permet de faire évoluer rapidement un joueur amateur. C’est vraiment gratifiant de faire progresser un gamin, ou même un sénior et qu’il t’en est reconnaissant ».
Avant cet appel de l’ASM, avez-vous eu d’autres opportunités d’entraîner ailleurs ? « J’ai fait le choix d’apprendre à un petit niveau. Je voulais avoir les armes pour aller ensuite plus haut. Ces dernières saisons j’ai refusé deux ou trois propositions, à un niveau semi-professionnel. J’attendais d’être prêt. Et puis, rester à Clermont était un choix familial aussi ».
Qu’est-ce qui vous a attiré dans l’opportunité de revenir à l’ASM ? « C’est déjà une fierté, une reconnaissance de mon travail. Et j’ai toujours eu envie d’aider l’ASM, c’est mon club de joueur. Là, avec les Espoirs, on me donne l’opportunité de construire le futur du club, c’est un défi très excitant ».
Entraîner et manager des Espoirs qui baignent déjà dans le milieu professionnel, est-ce un nouveau challenge ? « Tout à fait. C’est une catégorie compliquée dans la gestion humaine, car très dépendante du secteur pro, des sélections de jeunes, du temps scolaire et universitaire. Il n’y a rien de facile. J’ai été présenté aux joueurs la semaine dernière et je leur ai dit, je suis dur mais juste. Je n’accepterai pas qu’on me la fasse à l’envers. Par exemple, pour moi, le cursus scolaire est très important. Je pars du principe qu’un jeune qui lâche devant les difficultés des études aura plus de mal à ne pas lâcher ensuite quand sportivement il sera confronté à d’autres difficultés ».
« Jono (Gibbes), il est à fond dans l’échange, j’ai senti qu’il voulait se rapprocher du staff des Espoirs. Comme avec Didier (Retière), on est tous raccords sur l’identité de jeu, sur un fil conducteur, il faut qu’entre les pros et les jeunes, il y ait un véritable sens »
Quelle est votre philosophie d’entraîneur de rugby ? « Être fort techniquement?! Je vais être rigoureux là-dessus. Et aussi d’être très fort mentalement. Pour moi, c’est la base. Seulement, le travail technique, dans l’apprentissage d’un joueur, prend cinq fois plus de temps que le physique. Tu te mets sous une barre de muscu, tu vas vite devenir gaillard. Dans le rugby moderne, le bagage technique est devenu primordial. Comme la dimension mentale, essentielle pour absorber les charges de travail et la pression inhérente à un joueur pro ».
Quelles sont vos premières impressions sur vos contacts avec Didier Retière et Jono Gibbes ? « Excellentes?! Jono, il est à fond dans l’échange, j’ai senti qu’il voulait se rapprocher du staff des Espoirs. Comme avec Didier, on est tous raccords sur l’identité de jeu, sur un fil conducteur, il faut qu’entre les pros et les jeunes, il y ait un véritable sens. Avec, en priorité pour moi, des notions fortes comme l’agressivité et la combativité. Concernant le rapprochement, on montera chaque semaine voir les pros. Il y aura de l’opposition, des mises en situation. C’est une très bonne chose ».
« Un déchirement de quitter le CUC »
Le 1er juillet, Elvis Vermeulen ne sera plus un Cuciste, qu’il est depuis huit saisons et (re) deviendra un Asémiste, ce qu’il a été comme joueur de 2001 à 2014. « C’est quelque part un déchirement, c’est quand même un peu mon bébé depuis cinq ans. On a repris l’école de rugby, il y avait à peine 30 gamins et on ne pouvait pas aligner une équipe dans toutes les catégories. Aujourd’hui, le CUC est un des rares clubs de la région à n’être en entente dans aucune des catégories d’âge. On est autonome, présent partout, et performant dans toutes les équipes de jeunes. Et puis, partir me fait un peu mal par rapport à toutes les personnes (dirigeants, bénévoles, joueurs, jeunes et moins jeunes) que je vais laisser là-bas ».
Propos recueillis par Christophe Buron (La Montagne - 23/06/2022)