Comment vous sentez-vous au milieu de cette saison atypique, à cause de la coupure du Mondial ?
C’est unique, comme pour toutes les équipes je pense. Mais c’est une belle opportunité pour nous d’avoir eu deux pré-saisons finalement. On a réussi à gagner deux fois avant la Coupe du monde et la deuxième préparation nous a tous permis de monter d’un cran.
Avant Toulouse, vous n’aviez pas joué les trois dernières rencontres alors que vous êtes capitaine. Dans quel état esprit étiez-vous ?
Affamé ! J’étais vraiment affamé de revenir sur le terrain. J’étais très frustré évidemment, mais l’équipe doit prévaloir sur tout. Je mets mes sentiments de côté. Si l’équipe joue mieux sans moi, je dois l’accepter. J’avais sûrement besoin de ce petit coup de pied aux fesses pour me remettre au niveau. C’était vraiment dur de voir les gars se battre sur le terrain sans que je puisse en être.
Comment avez-vous évacué cette frustration ?
Je ne suis pas le genre de personne qui montre mes émotions devant les gens. Je me suis concentré sur moi-même, je devais montrer à Christophe (Urios) la faim que j’avais de rejouer. C’est tout.
Nous avons les meilleurs supporters du monde
Il y a un mois, vous avez tout de même prolongé à Clermont. Qu’est-ce qui vous a motivé à continuer l’aventure en Auvergne ?
C’est un grand club. Pour ma famille et moi-même, la question ne s’est pas posée. L’année dernière a été difficile pour moi mais la ville et les Clermontois m’ont toujours soutenu, la région est très accueillante. Il y a eu beaucoup de distractions au sein du club l’année dernière, que ce soit au sommet ou chez les joueurs. Je voulais vraiment faire partie de ce changement de culture, tout en étant un joueur sur lequel on peut compter dans la vie quotidienne mais également pour ceux qui veulent venir à Clermont. Christophe et son staff sont arrivés, il y a eu beaucoup de changements mais je pense que nous sommes sur la bonne voie avec sa méthode très directe. Ma famille adore la région et la ville donc cela a fortement pesé dans ma décision. Nous avons les meilleurs supporters du monde, je n’ai jamais vu un stade comme le Marcel-Michelin avant. C’est un privilège de faire partie de la famille de l’ASM.
Avez-vous pensé à revenir en Australie ou à partir dans un autre club français ?
Il y avait plusieurs options, mais je suis vraiment heureux ici. Je n’ai jamais vraiment pensé à partir, que ce soit pour l’Australie ou dans un autre club français. J’ai pris la bonne décision en restant ici. Même si cela prend du temps, je veux faire partie du renouveau de Clermont.
Selon vous, quelle est la plus grande différence entre le Super Rugby et le Top 14, que vous connaissez maintenant depuis un an ?
La pression de la relégation, l’arbitrage maison… Non je rigole ! Plus sérieusement, le Top 14 est bien plus physique que le Super Rugby. Chaque match, il y a des gros bulldozers de 150kgs à plaquer… (il souffle). Le niveau d’excitation est également bien plus grand. Peu importe le stade, il y a une ambiance énorme à chaque match. C’est incroyable à voir, et cela se retrouve dans l’équipe nationale et chez les jeunes.
Avez-vous toujours l’ambition de jouer pour les Wallabies ?
Oui et non. Mon objectif premier est évidemment de bien jouer à Clermont et de manière plus constante. C’est le discours bateau, mais ce n’est qu’en jouant bien en club que je pourrais peut-être retrouver les Wallabies. Je ne mets pas cet objectif de côté, mais il n’est pas prioritaire à ce jour.
Quel est votre regard sur la crise que traverse le rugby australien ?
Je pensais que le départ d’Eddie Jones était une blague, au départ (il souffle). Les jeunes qui ont participé à la Coupe du monde ont gagné beaucoup d’expérience, c’est sûr, mais l’échec a dû être traumatisant pour eux. Le chagrin de ce Mondial restera à jamais dans leurs têtes. J’ai regardé cela de loin, je ne suis pas assez compétent pour en parler, mais en tant que supporter c’était évidemment très dur de voir certains de mes anciens coéquipiers échouer de cette façon. Le président de la fédération (Hamish McLennan) est parti, c’est une bonne chose. Je ne pense pas qu’il ait fait du bon boulot. Plusieurs personnes de la gouvernance sont également parties, c’est bien que la fédération se rende compte de ses erreurs. C’est triste à voir mais il faut maintenant avancer.
Vous n’avez pas disputé la Coupe du monde. Était-ce dur pour vous ?
Pas vraiment. Il y avait des joueurs de classe mondiale à mon poste. C’est comme ça. Mais le prochain Mondial est en Australie et c’est une belle opportunité pour moi de rebondir !
Vous êtes quatre Australiens à Clermont. Passez-vous la majeure partie de votre temps avec Rob Simmons, Folau Fainga’a et Alex Newsome ?
Oui, même trop selon Christophe Urios qui nous dit de ne pas trop traîner entre Australiens (rires). C’est normal, nous sommes des êtres humains et nous allons naturellement vers nos semblables. C’est vraiment bien de partager cette saison avec eux.
Des milliers de personnes vivent des heures difficiles à Gaza ou en Israël, donc cela ne sert à rien d’être de mauvaise humeur quand on est joueur de rugby
Votre entraîneur a notamment expliqué que vous étiez tout le temps souriant et rayonnant. D’où vient cette éternelle bonne humeur ?
Je ne sais pas… J’ai toujours été comme ça ! J’ai toujours le sourire, je ne montre jamais d’émotions négatives. Je pars du principe qu’il faut être reconnaissant de cette situation. Y compris le simple fait de se réveiller après une nuit de sommeil. Des milliers de personnes vivent des heures difficiles à Gaza ou en Israël, donc cela ne sert à rien d’être de mauvaise humeur quand on est joueur de rugby. Je fais le plus beau métier au monde et je serai toujours content et reconnaissant de ma situation. Et je veux que mes proches sourient autant que moi !
Vous êtes né en Nouvelle-Zélande de parents samoans. Êtes-vous influencé par ces différentes cultures ?
C’est marrant… Aujourd’hui je vis en France après avoir connu la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Comme beaucoup d’Îliens, je me sers de toutes les influences que j’ai pu avoir dans ma vie. Ici à Clermont, la culture est très différente mais je m’y sens du bien, même si je ne comprends pas certains coéquipiers. L’accent de Thibaud Lanen par exemple, je ne comprends pas. (rires)
Pourquoi avez-vous mis entre parenthèses votre carrière à XV pour aller jouer à XIII, dans votre jeunesse ?
Cela vient d’une première blessure. J’ai manqué une première opportunité en rugby à XV, quand j’étais jeune et je suis ensuite partie en Australie faire du XIII. Heureusement, j’ai pu rebondir aux Waratahs en revenant à XV. Cette expérience m’a notamment permis de m’améliorer d’un point de vue technique et stratégique. Cela a été une décision difficile de retourner à XV mais je ne regrette pas. Regardez où je suis aujourd’hui !
L’ASM sera-t-elle dans les six à l’issue de la saison ?
Oui. Ce n’est pas négociable. Je sais ce que cela représente pour la région et je vois que notre équipe est calibrée pour les phases finales.