Posté 16 février 2023 - 17:19
Rien dans le midol à part un article sur urios :
Cest ma cabine quils ne voulaient plus voir ! »
Christophe Urios - Entraîneur principal de Clermont À deux jours daffronter lUBB qui la remercié il y a à peine deux mois, le nouveau boss de Clermont a accepté pour Midi olympique de revenir sur la fin houleuse de son aventure girondine, expliquant comment celle-ci a fini par tourner court.
Comment avez-vous tiré parti de la relâche dune semaine du Top 14 ?
Les joueurs étaient en vacances, une semaine complète. Et pour moi, cette semaine ma fait du bien. Mes quinze premiers jours ici ont été difficiles, jétais dans le jus, javais limpression de ne pas contrôler, dêtre dans lurgence. Je nétais pas complètement préparé à reprendre là Personne ne ma obligé à le faire, mais dans ma tête je pensais reprendre en juin prochain. Javais complètement coupé pendant deux mois. Je ne regardais plus de match, ne lisais pas la presse. Jen avais besoin. Javais aussi coupé avec les habitudes de travail, les horaires, la vidéo Javais un peu perdu la main !
Quel diagnostic avez-vous fait de léquipe et du staff ?
Je vais plutôt parler de ressenti Jai trouvé que léquipe était en perte de confiance. Les matchs comme Toulouse (défaite 13-32, 1er janvier) ou Leicester (défaite 29-44, 13 janvier) ont fait mal. Jai senti que léquipe narrivait pas à se retrouver sur son rugby. Elle naviguait à vue après le départ de Jono (Gibbes). Il a fallu remettre un cadre, avec ma façon de voir le jeu, le fonctionnement. Le staff est très engagé, mais les mecs étaient en difficulté. Quand on est dans cette situation, on est dans une machine à laver. Jai apporté un peu de fraîcheur, une nouvelle ambition et de lenthousiasme même si cela ne sest pas vu sur le premier match. Le match de Castres était mieux, la semaine a été bonne. Léquipe a été solide.
Et sur le plan mental ?
Les mecs nétaient pas contre le staff, mais ils nétaient pas pour. Tout le monde avançait comme ça, doucement, sans vraiment accrocher Je connaissais cette situation, cest celle que javais vécue deux mois plus tôt à Bordeaux ! Les mecs avaient besoin de clarté, dun nouveau cap et cest tout.
Qua montré cette victoire bonifiée contre Castres ?
Du caractère. Jentendais que léquipe en manquait mais contre une équipe coriace comme Castres, elle en a eu. On marque 41 points avec deux essais refusés, et en se compliquant la vie sur les sorties de camp. Jai aimé laudace sur le dernier essai aussi, ainsi que la préparation du match. Mais il reste encore beaucoup de travail.
Vous avez relancé Peceli Yato et George Moala
Quand je suis arrivé, on ne savait pas si Peceli allait pouvoir rejouer à cause de son genou. Je lai trouvé plutôt bien et jai voulu le prendre directement à Lyon. Avec le staff, on a pris un petit risque en le faisant jouer sur terrain synthétique. Mais il fallait le faire. Il fallait amener des signes forts pour indiquer le changement au groupe, et pour le relancer. Il a fait une très bonne entrée, et il était logique quil débute la semaine daprès. Avec George, on a discuté et ça lui fait du bien. Il faut quil monte en puissance, il a besoin dun peu de temps. Comme dautres, il était sur la retenue. Il ny avait pas dénergie dans le groupe. Lidée, cétait de construire des ponts plutôt que des murs en rencontrant les mecs, les leaders, le staff Ces deux joueurs symbolisent bien ces échanges.
Comment vous sentez-vous ici aujourdhui ?
Je me sens bien. Je découvre tout, mais la semaine dernière ma fait du bien. Jai horreur de perdre du temps. Mais pendant quinze jours, jai eu limpression de ne pas être au bon endroit. Maintenant ça va mieux. Je suis plus à laise avec les joueurs aussi Au début ils étaient méfiants, je nai entraîné personne ici, sauf ce brave « Péloche » (Adrien Pélissié, croisé à lUBB, NDLR) et il sest fait les croisés !
Vous portez aussi une forte image
Cest vrai Mais je nai pas aimé comme jai été traité par la presse dans ces moments-là, je ne my reconnaissais pas. Et puis vous savez, les joueurs se connaissent tous. Les Clermontois ont appelé les Bordelais, et selon leurs potes ils navaient pas les mêmes versions ! George Moala ma dit quil avait appelé Big Ben (Tameifuna). Là, ça allait parce quon a bien bossé avec Ben ! Mais dautres avaient eu dautres échos (rires)
Cest dur de changer de couleur en cours de saison ?
Cela ne métait jamais arrivé. Je ne pensais pas que cela marriverait à Bordeaux. Encore une fois, ça a été dur jusquen décembre. Jai eu des rencontres avec des clubs, mais je navais ni le courage ni lénergie de repartir. Jai basculé en janvier. Ça ma titillé. Je regardais les matchs à nouveau, je relisais les journaux Et puis tout est allé très vite. On sest rencontré un samedi, et le lundi on était OK. Il a fallu que je me plonge dedans. Mais ce nétait pas dur parce que ce club ma toujours fait rêver. Un grand club, du territoire, avec une grande ferveur, un public de connaisseurs, des titres même si on est aujourdhui dans le dur. Javais envie. Jaurais peut-être pris plus de temps pour un autre projet.
Que gardez-vous de votre expérience avec lUBB ?
Je ne vais pas dire de mal de Bordeaux. Je sais exactement ce quil sest passé. Je me suis régalé pendant trois ans. Bordeaux faisait partie des clubs que je voulais entraîner. Jai passé trois ans formidables avec le club, son territoire, ses supporters, les joueurs, les clubs alentours Mais jai senti, à partir de la fin de saison dernière, que des choses se cassaient petit à petit Comme on a perdu la demi-finale, on na pas avancé. Et au retour des vacances, ce nétait pas pareil. On nétait pas aligné. Certaines choses mont marqué lors de la préparation. Jai senti que ça allait mal se terminer.
Dès le début de la saison ?
Oui. Lintersaison avait été courte, on avait pas mal dinternationaux absents. On commençait direct par cette réception de Toulouse. Je savais que ce match allait être fondamental. Je lavais dit au président : « Soit on gagne et on repart, soit on perd et la petite musique va entrer dans la tête des mecs. » Cela na pas loupé. On fait un match incroyable, mais on perd. Et derrière, on na pas accroché. Je pense néanmoins avoir participé à lévolution du club, comme dautres. Et jai respecté ce quon avait dit : « Gagner et plaire. » On était là-dedans.
Avez-vous des regrets ?
Ne pas avoir décroché un titre ou deux. Le Covid a stoppé la première année, mais ce nest pas lannée où léquipe a été la plus forte. La deuxième, on termine sur cette demi-finale à Lille mais ce jour-là, les meilleurs nont pas gagné. La troisième était très ouverte, et on était plus forts. Sauf sur la demi-finale, perdue contre Montpellier. On ne la pas fait.
Pourquoi avez-vous prolongé au 20 décembre 2021 ?
Jai mis un temps fou à prendre cette décision. Javais besoin de sentir que je pouvais faire progresser le club. Mais des choses me gênaient : par exemple, je narrivais pas à faire avancer la formation. Je me suis beaucoup interrogé. Et puis je me suis dit quon était premiers, que la boutique tournait quand même bien Jai prolongé mais sans ressentir dexcitation.
Quavez-vous appris de cette expérience ?
Trois choses : je dois être meilleur avec mon patron dans la relation, dans la mise en place et dans la clarté des infos. Je ne lai sûrement pas été avec Laurent Marti. La deuxième, cest dêtre plus réactif avec mon staff. Jai pris du plaisir à travailler avec eux mais ce fut parfois dur, notamment pour échanger sur différentes blessures. Jai perdu beaucoup de temps et dénergie et jai trop tardé à attendre que les choses changent. Enfin, il faut que je sois meilleur avec les leaders. Dans le choix des leaders, la relation à eux, la confiance Ce sont eux qui gèrent le truc. Ce sont les soldats qui gagnent les guerres. Il faut que je sois meilleur. Cest facile de le dire aujourdhui, au mois de décembre je ne laurais pas formulé comme ça !
Dans une interview à LÉquipe, Laurent Marti avait évoqué une « part de mystère » dans cet échec que lui répondez-vous ?
Il ny a pas de mystère. Je ne vais pas le dire là mais il ny a pas de mystère. Je lui ai donné les alternatives, il avait la feuille de route.
Comment ça ?
Sur comment on allait faire pour se redresser. On était onzièmes, on ny arrivait pas. On était solides à domicile, mais pas à lextérieur. On en avait pris 30 à Pau où javais le sentiment que les joueurs avaient lâché. Des choses nallaient pas, cest clair. On a dit que jétais trop dur, que jétais négatif, que je voulais tout contrôler, que Pépusque (son domaine viticole, NDLR) me prenait du temps Je ne me reconnais pas dans tout ça. Des joueurs ne supportaient peut-être plus mon fonctionnement, et cela sest fini comme ça.
Vous aimez avoir le contrôle quand même
Bien sûr que jaime le contrôle, mais là cétait dans un sens très négatif. Et je ne suis jamais négatif dans la vie. Mais quand cest mal, je ne vais pas dire que cest bien. Jai pourtant fait évoluer des choses dans cette quatrième année, jai ouvert des options à mes leaders, jen ai intégré dautres qui chialaient de ne pas en faire partie et à la sortie, trois mois après, je me fais lourder. Encore une fois, cela fait partie du jeu. Cétait une expérience riche, on a fait un parcours incroyable, on a fait chanter Chaban
Que répondez-vous à ceux qui pensaient que Pépusque vous prenait trop de temps ?
Les gens sont cons Je savais que je my exposais. Je faisais en sorte de ne pas tout mélanger, et jai quand même le droit de faire ce que je veux de ma vie privée. Jai jamais manqué un entraînement parce que jallais faire du vin. Il marrivait de faire une animation le dimanche dans la ville où nous avions joué la veille, oui. Et alors ? Je savais que le jour où ça allait moins marcher, on me glisserait de faire du rugby plutôt que du pinard Cest une passion. Et heureusement que jai eu Pépusque après Bordeaux, parce que cela a été une bouffée doxygène. On ma viré le mardi, jai vidé mon bureau le vendredi jai tout jeté, et le lundi jai retravaillé sur Pépusque.
À propos des leaders, beaucoup pensent que votre brouille est centrée autour de deux joueurs : Cameron Woki et Matthieu Jalibert. Quen est-il ?
Cest absolument faux. On a fait un procès complètement faux à ces jeunes. Et je veux le dire : je nai jamais eu de problème avec Matthieu ou Cameron. On sest pris la tête en fin de saison mais depuis quand on na pas le droit de se prendre la tête avec les joueurs ? On ma dit « Taurais jamais dû le dire dans la presse » Mon c.. ! Il faut bien dire les choses, dautant que je nai rien dit dexceptionnel ni de méchant. Ils ont été vexés, ils ont mal réagi, se sont peut-être trompés de combat, mais je nai jamais eu de problèmes avec eux. Quand je me suis fait lourder, Matthieu a été le premier à menvoyer un texto. Et quand jai signé ici, pareil ! On les a fait passer pour des merdeux, des mecs avec un mauvais esprit Bien sûr quils ne sont pas toujours faciles, mais moi jai aimé les entraîner ! Cétait de bons gamins. Par contre jai eu des problèmes avec dautres qui étaient moins jeunes ceux-là ! Mais bon, ça
En voulez-vous donc à des personnes, et si oui, à qui ?
Jai été vexé dêtre viré de Bordeaux, parce que jai trouvé que je ne le méritais pas. Mais en même temps, il fallait prendre une décision. Jai été en colère, et surtout envers moi-même. Jai voulu comprendre, alors jai travaillé pour me refaire tout le film. Et avec le recul, je ne changerais pas grand-chose. La page de la quatrième année je ne vais pas la tourner, je vais la déchirer parce quelle ne mapportera rien. Les trois autres, je les garde parce quelles mont apporté beaucoup de plaisir.
Avez-vous le sentiment que certains joueurs vous ont savonné la planche ?
Bien sûr Mais je nai pas envie de parler de ça. On joue dimanche contre eux, je ne voudrais pas leur donner des leviers de motivation.
On a compris quun lien fort vous unissait avec Frédéric Charrier et Julien Laïrle
Eux, ils ont porté leurs c..s. Ils ont donné une interview qui ma fait plaisir. Jétais content deux parce quils ne se sont pas échappés. Dans cette affaire, beaucoup de choses ont été téléguidées, notamment par la presse locale. Mais eux, ils ont dit ce quils ressentaient. On sappelle régulièrement, on ne parle que rarement de rugby car je men fous davoir des informations. Jai un lien car jaime ces mecs et jaime les entraîneurs.
En quoi ils ne se sont pas échappés ?
Ils ont fait front, face aux joueurs, ils nont pas écouté certains qui voulaient tout changer du jour au lendemain. Ils ont gardé ce quon faisait parce quils y croyaient, et parce quon la fait ensemble. Et maintenant, ces mêmes joueurs disent quils y croient. En fait, cest juste ma cabine quils ne voulaient plus voir ! (rires) Mais ce nest pas grave, parce quils vont la voir dimanche !
Propos recueillis à Clermont par Simon VALZER
simon.valzer@midi-olympique.fr
-
ESQ4, Frédéric58, layathollah et 13 autres aiment ceci