Posté 13 novembre 2024 - 20:28
Article du midol :
Êtes-vous redescendu de votre nuage, cinq mois après la victoire finale des Blues en Super Rugby ?
Cest un parcours tellement particulier Je suis retourné en Nouvelle-Zélande après mon expérience de sélectionneur avec les Fidji et jai eu la chance que les Blues me proposent un poste. Je navais pas entraîné depuis 2006 en Nouvelle-Zélande et ils mavaient déjà contacté en 2011. Je suis né à Auckland, donc les planètes étaient cette fois alignées. Cela me donne énormément de plaisir dentraîner des Néo-Zélandais, cest bien plus naturel pour moi. Les explications sont plus faciles quen France, en Écosse ou aux Fidji. Il vous suffit de regarder certains joueurs pour mettre tout le monde à la page. À mon arrivée, à lautomne 2023, jai trouvé que les Blues avaient une équipe très compétitive mais ils navaient pas gagné depuis 2003. Je voulais mappuyer sur cet esprit revanchard, avec un bon staff mais tout le monde me disait que les joueurs étaient des flambeurs alors quen fait, ils sont très simples : ils jouent pour le maillot ! Il fallait juste trouver un moyen de jouer au rugby avec ces profils. Nous sommes sortis des normes néo-zélandaises, on a joué un peu comme les Français et les Irlandais et petit à petit, on a tracé notre chemin avec un peu de chance. Les matchs serrés ont basculé pour nous. On voulait gagner le titre dès le mois de novembre et jai pris un plaisir fou avec cette victoire finale Ils navaient pas vécu cela depuis 21 ans ! Il y a un engouement nouveau aujourdhui dans la région.
On vous sent très fier davoir réussi cet accomplissement
Les supporters des Blues navaient pas vécu cela depuis 21 ans, je le répète ! Il y a une certaine satisfaction, surtout pour les joueurs. Des leaders ont émergé, ils ont pris leurs responsabilités et ils avaient décidé quon allait gagner. Et tout le monde me dit aujourdhui quon va faire le doublé (rires). Jai regardé la finale de NRL (N.D.L.R. : championnat australien de rugby à XIII) et je cherche des enseignements à travers la domination des Penrith Panthers. On doit vite repartir et reconstruire pour ne pas être déçus.
Allez-vous également vous inspirer de la saison suivant le premier bouclier de Brennus à Clermont, en 2010, ou le rugby a-t-il trop changé ?
Le rugby na pas changé. Il faut respecter les bases et ne pas ségarer. Il ne faut pas oublier les fondations qui ont permis de gagner. Cest du béton, du concret, comme quand on construit une maison. Dabord, les joueurs doivent être motivés et forger une identité. En 2010, avec Clermont, on avait une identité. En 2011 cétait acceptable de perdre en demi-finale de Top 14 avec des joueurs en fin de carrière, mais ce nétait pas assez. On voulait être champions dEurope tout en respectant le Top 14, parce que nous étions en phase finale chaque année.
Sur chaque finale que jai disputée, je savais pourquoi on avait perdu. Beaucoup sont de ma responsabilité
Vous avez perdu cinq finales dans votre carrière dentraîneur, aviez-vous peur de voir revenir certains fantômes ?
Cest une bonne question Jai fait dix finales et jen ai gagné cinq, entre les Crusaders, Clermont, Montpellier et les Blues. Tout le monde reste sur le résultat, mais les métriques montrent aussi une part de succès : même si on ne gagne pas une finale, il y a des processus qui prouvent quon devient meilleur dannée en année. Cest le plus important. Sur chaque finale que jai disputée, je savais pourquoi on avait perdu. Beaucoup sont de ma responsabilité. En 2009, face à Perpignan, par exemple, javais dit aux joueurs de ne pas répondre à lagressivité des Catalans, et cétait une erreur car on a été dominés dans le combat. Lannée suivante, je leur ai dit : on sen fiche de ce que dira larbitre, il faut y aller !. Et jai bien fait (rires)
Vern Cotter a dignement célébré la victoire des Blues en finale de Super Rugby, le 22 juin dernier.
Vern Cotter a dignement célébré la victoire des Blues en finale de Super Rugby, le 22 juin dernier. Dave Lintott / Icon Sport
Y a-t-il moins de pression du résultat en Super Rugby quen Top 14 ?
La pression est différente, mais elle est toujours là. Cest une compétition internationale, donc il y a de la tension quand on se déplace en Australie ou aux Fidji. Cette année, il y aura encore plus de densité à cause de la disparition des Melbourne Rebels. Les équipes australiennes vont logiquement se renforcer. Mais la pression est positive alors quen France, cest plus complexe.
Cest-à-dire ?
Le système de promotion-relégation et le respect du quota Jiff sont deux données qui mettent davantage de pression sur les clubs. Mais le système français marche bien !
Au beau milieu de lautomne, sans compétition, comment rythmez-vous vos journées ?
Jai regardé le championnat des provinces néo-zélandaises, je suis également intervenu dans les écoles dAuckland pour parler de mon expérience dentraîneur. On est connecté à notre territoire. Cest une façon de vivre. Sinon, jai passé un peu de temps à la ferme ; Cest là que je me ressource, avec mes habits de campagne.
Lors de la Coupe du monde 2023, vous avez été consultant pour la Roumanie. Quavez-vous retenu de cette expérience ?
Cétait énorme. Quand jai fini avec les Fidji, World Rugby ma demandé de donner un coup de main à la Roumanie et jai beaucoup aimé. Ils sont un peu comme les Français, sur certains aspects. Il y a ce côté un peu latin dans leur mentalité. Le rugby est très important pour eux. Quand ils mavaient contacté, ils navaient presque que des amateurs et franchement, entraîner sans la pression du résultat fut une expérience formidable. Jai pris un plaisir fou. On avait la chance davoir lIrlande et lAfrique du Sud dans notre poule. De la chance, car on a pu apprendre de leur précision et leur puissance. Cétait très inspirant. Cela ma donné beaucoup didées avant de revenir avec les Blues.
Avez-vous une belle anecdote à raconter ?
Avec toute léquipe, on a fait une visite de châteaux Petrus et Cheval Blanc à Bordeaux cétait énorme ! On était vraiment bien (rires).
Nétiez-vous pas déçu de ne pas succéder à Ian Foster à la tête de la Nouvelle-Zélande suite au Mondial ?
Non, je suis content dêtre avec les Blues, ils mont donné une très belle opportunité. Mais si je peux donner quelques conseils aux autres coachs, ce sera bien. Maintenant que je suis en Nouvelle-Zélande, je suis un peu impliqué avec les All Blacks, de manière informelle. Je nai pas envie dêtre sélectionneur de la Nouvelle-Zélande, jai juste envie que les Blacks jouent bien.
Vern Cotter, en tant que consultant pour la Roumanie.
Vern Cotter, en tant que consultant pour la Roumanie. Icon Sport - Baptiste Fernandez
Vous êtes aussi revenu en France dans le cadre de la rencontre entre la Géorgie et les All Blacks XV à Montpellier. Pour quelle raison ?
Je voulais revoir certains de mes joueurs et quelques amis, mais aussi assister à des matchs de Top 14, à partir du 23 novembre. Je veux ressentir comment le championnat français a évolué et dans quel sens, depuis mon départ de Montpellier en 2020. Cela fait plusieurs années que le rugby français possède une énorme génération et je veux voir si cest tenable. Mais la dynamique est positive !
La France vous manque-t-elle ?
Oui. Jai des appels toutes les semaines et il ne me reste plus que vingt bouteilles de bon vin, donc il faut que jen ramène ! (rires) Jai passé vingt ans en France, on en parle souvent en famille, on a tous la nationalité française dailleurs. Quand je prendrai ma retraite, lidéal sera de passer six mois en France et six mois en Nouvelle-Zélande.
Jétais en discussions sérieuses avec Perpignan, avec le Racing 92 également mais cétait plus discret
Continuez-vous de regarder le Top 14 ?
Bien sûr. La rencontre entre Toulouse et Bordeaux-Bègles ma beaucoup marqué, par exemple. Jespère que cette dynamique continuera dêtre transférée vers le XV de France. Je regarde aussi Clermont, qui a eu du mal à retrouver le haut de tableau ces dernières saisons. Mais ils se rebellent !
Justement, suivez-vous avec une attention particulière Clermont et Montpellier ?
Jai des amis qui mappellent régulièrement de Clermont. Aurélien Rougerie fait partie du staff, Brock James entraîne à Bay of Plenty Maintenant que je suis vieux, cest intéressant de voir les joueurs que jai entraînés prendre ce poste. Peut-être quils comprendront pourquoi je magaçais à lentraînement Aujourdhui, lASM doit trouver un bon moyen de rebondir. Cela va être fascinant de voir comment ils vont le faire. Il faut quils retrouvent des leaders et recommencent à fédérer autour dune identité. Il y a une belle culture à lASM. À Montpellier jai limpression de ne pas avoir fini le travail que javais commencé en ne décrochant pas le bouclier de Brennus.
Vern Cotter, ici aux côtés de Yannick Bru, à lépoque où les deux hommes entraînaient chacun Montpellier et Bayonne, en 2019.
Vern Cotter, ici aux côtés de Yannick Bru, à lépoque où les deux hommes entraînaient chacun Montpellier et Bayonne, en 2019. Icon Sport
Quelles équipes vous enthousiasment le plus ?
Yannick Bru fait un excellent travail à Bordeaux. Cest un très bon entraîneur. Quand jai vu la puissance de leurs impacts face à Toulouse (il souffle) Ils ont monté le curseur face à ladversaire qui les avait sèchement battus en finale, cest fort. La saison est longue mais ils ont fait des premiers ajustements intéressants. Toulon est également à suivre, je vais regarder comment La Rochelle va trouver des ressources pour gagner le Top 14 Honnêtement, ce championnat est tellement passionnant. On regarde bien sûr ce que font Toulouse et lUBB, pour sinspirer et avoir de nouvelles idées dans notre système à Auckland.
Avant la saison 2023-2024, est-ce vrai que vous étiez proche de signer à Perpignan ?
Jai eu des conversations avec le président François Rivière. Je respecte énormément lUsap car, avec Clermont, on a gagné et perdu des finales face à eux. Jétais en discussions sérieuses avec Perpignan, avec le Racing 92 également mais cétait plus discret. Ensuite, Franck Azéma est devenu disponible pour lUsap et le choix de Franck était logique. Il revenait chez lui et moi aussi, en signant à Auckland. Cest bien tombé.
Aimeriez-vous revenir entraîner un club français ?
Je ne sais pas. Jaime la vie en France, japprécie ce pays et je vais y retourner. Mais jai beaucoup de travail à Auckland, je suis plus investi que jamais. Je pense plutôt être dans un rôle de conseil pour un jeune coach ou une entreprise, à lavenir. Une sorte de vétéran finalement.
Vern Cotter a dû attendre sa quatrième finale de Top 14 pour être enfin sacré, en 2010 avec Clermont.
Vern Cotter a dû attendre sa quatrième finale de Top 14 pour être enfin sacré, en 2010 avec Clermont. Dave Winter / Icon Sport
Des rumeurs concernant des discussions entre Harry Plummer, votre ouvreur, et Clermont sont lancées depuis plusieurs semaines. Quavez-vous à répondre à ce sujet ?
Harry a été énorme cette saison ! Il y a une complicité folle entre nous. On peut compter sur lui, il a un très bon jeu au pied et il est costaud en plus. On a eu pas mal de joueurs contactés, cest le jeu, mais cest normal. Harry a encore une année de contrat avec nous, mais jespère le garder deux voire trois ans. Après, il y a une réalité économique du rugby à prendre en compte
Quelque chose à ajouter ?
On a beaucoup parlé de titres et de finales Quand je regarde mon passage en France, entre Clermont et Montpellier, on a toujours joué la phase finale avec notamment sept finales disputées en dix saisons. Je nen ai gagné que deux, si on compte le Challenge européen en 2007, mais ce nest pas mal pour un entraîneur étranger, non ?
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