Bill Sweeney est le directeur général de la Fédération anglaise (RFU), en poste depuis 2019. C'est un homme qui ne s'épanche pas souvent dans les médias, encore moins quand la situation sportive du quinze de la Rose et la santé financière du Championnat national ne sont pas excellentes.
Mais la semaine dernière, alors que l'équipe de Steve Borthwick venait de se qualifier pour les quarts de finale de la Coupe du monde (dimanche à Marseille, contre les Fidji, à 17h), il a retrouvé la parole lors d'une conférence de presse en visio où il avait des nouvelles à annoncer et des comptes à régler. Notamment avec les 30 membres du comité exécutif de la Fédération, auteurs d'une lettre envoyée la veille d'Angleterre-Argentine (27-10) et remettant en cause sa politique ainsi que celle du président, Tom Ilube.
« C'est un petit groupe de personnes qui ne sont pas là depuis bien longtemps et qui ne sont pas forcément là pour l'intérêt majeur du rugby, a-t-il notamment déclaré. C'est peut-être aux autres de dire s'ils sentent que je ne suis pas la bonne personne pour diriger. Mais, personnellement, je pense que je suis la bonne personne, j'ai apporté mon expérience, mon vécu et ma connaissance du monde des affaires et du sport. Je sens que je suis la bonne personne, et j'ai accepté ce rôle pour une seule raison : pour l'amour du jeu. Et je crois que nous sommes sur le point de réaliser quelque chose d'assez incroyable. »
Les fans des Wasps, de Worcester, des London Irish et des Jersey Reds (D2 anglaise), ces quatre clubs qui ont fait faillite ces derniers mois et ont été rayés de la carte du rugby anglais pro, ont dû apprécier ce débordement d'optimisme. Sweeney sent que les temps changent, que les nuages qui s'amoncellent depuis des mois, voire des années, sur le rugby anglais s'éloignent, et que sa sélection, ridicule en 2022 avec 6 défaites en 12 matches, puis convalescente en 2023, avec notamment un revers historique à domicile, en août dernier face aux Fidji (22-30), commence à rattraper le retard pris sur les meilleures nations.
« Les meilleurs joueurs anglais doivent jouer dans le Championnat anglais. »
Bill Sweeney
Très critique à l'égard de ses prédécesseurs, qui, à ses yeux, ont cassé un système qui fonctionnait et n'ont pas profité de la victoire lors de la Coupe du monde 2003, il a regretté le temps perdu et les erreurs commises. « Nous avons gagné quatre Tournois des Six Nations depuis 2003 (2011, 2016, 2017, 2020), et ce n'est pas vraiment ce que vous attendez quand vous êtes l'Angleterre. Quoi qu'il arrive durant cette Coupe du monde, le système doit changer pour que nous nous développions et que nous restions performants, sans périodes en dents de scie. Nous devons réparer certaines choses. »
Sweeney, qui n'a pas jugé bon de se remettre en cause, a aussi confirmé l'information récente du Telegraph qui révélait que la Fédération, les clubs, et l'instance qui dirige le Championnat professionnel, étaient sur le point de s'entendre sur la création d'un accord hybride pour 25 internationaux. Ces joueurs, les plus importants aux yeux du staff actuel, bénéficieront d'un régime spécial.
Borthwick, qui envie le quotidien d'Andy Farrell (sélectionneur de l'Irlande) et de Fabien Galthié, pourra les accompagner, surveiller leur état de forme et les faire travailler sur certains aspects du jeu, le tout en étroite relation avec les clubs, qui seront dédommagés et percevront 150 millions d'euros en quatre ans.
Sweeney a profité de l'occasion pour applaudir la démarche constructive du nouveau sélectionneur, qui a rapidement compris qu'il était urgent de renouer et d'entretenir d'excellentes relations avec les clubs, ce qu'avait omis, ou ne faisait plus, Eddie Jones, viré par Sweeney à huit mois du début du Mondial.
Une chose est sûre : un gros effort sera consenti pour permettre aux clubs de conserver leurs meilleurs joueurs, de plus en plus attirés par les salaires pratiqués en Top 14. Il est aussi question de séduire à nouveau ceux qui ont déjà signé avec des clubs français. C'est le cas de David Ribbans (Toulon), Joe Marchant (Stade Français) Jack Willis (Toulouse) et Henry Arundell (Racing 92). Bath et Gloucester auraient d'ailleurs fait savoir qu'ils étaient intéressés pour récupérer à l'été 2024 la nouvelle petite merveille (20 ans) du Racing.
« Les meilleurs joueurs anglais doivent jouer dans le Championnat anglais », a martelé le directeur général. Une phrase reprise à son compte par Conor O'Shea, l'ancien international irlandais et sélectionneur italien, devenu directeur de la performance de la Fédération anglaise en 2020 : « Nous les voulons dans un environnement dans lequel on pourra prendre soin d'eux, sur le terrain et en dehors, et financièrement aussi... Et si tu as cette base de joueurs sur des périodes régulières, tu donneras envie aux autres joueurs d'intégrer ce nouveau système. C'est bien pour les clubs, pour le pays et pour les joueurs. »