C'est comme si ses rouflaquettes ne l'avaient jamais quitté, pas plus que cette silhouette élancée, arborées fièrement pendant sa carrière de joueur puis dans l'après, lorsqu'il était devenu chirurgien orthopédique. Elles avaient marqué le rugby gallois des années 1970, et bien au-delà, quand le XV au Poireau dominait le Tournoi des Cinq nations avec une génération au talent rare, et elles en étaient devenues des emblèmes, une signature supplémentaire au milieu de ceux qui restent, dans la principauté, des légendes quasi mythiques, presque indépassables, les Gareth Edwards, Phil Bennett, JJ Williams ou Gerald Davies, pour ne citer que ses comparses des lignes arrières.
Avec eux, JPR Williams a dominé le Tournoi des cinq nations pendant plus d'une décennie, le remportant à huit reprises (1969, 1970, 1971, 1973, 1975, 1976, 1978, 1979), pour trois Grands Chelems (1971, 1976, 1978). Il s'est éteint hier à 74 ans, chez lui, au pays de Galles, où les hommages se sont multipliés dans la soirée, un an et demi après Bennett.
De son ouvreur, il n'avait peut-être pas le talent insolent, le flair absolu, pas plus qu'il n'avait la virtuosité de son demi de mêlée Edwards, dont le nom revient encore dans les discussions quand il s'agit de désigner le meilleur joueur de l'histoire. Mais JPR était un arrière du genre solide, un grand gabarit qui brillait autant par ses relances que par son courage en défense. « J'ai eu la chance de jouer à une époque où les arrières étaient encouragés à relancer, plutôt qu'à trouver des touches, disait-il dans le journal gallois Wales Online. C'était une bonne nouvelle pour moi, parce que j'aimais courir avec le ballon. Je n'avais pas un bon jeu au pied, et je n'aimais pas beaucoup l'utiliser. »
« Si une bagarre débutait, il se précipitait depuis l'arrière pour donner le coup de poing parmi les avants ! Il était d'une compétitivité féroce »
Jonathan Davies
Avec ses deux ailiers qui aimaient tant attaquer, Davies et son presque homonyme JJ Williams (mort en 2020), il formait un triangle redoutable, alimenté par une charnière comme le pays de Galles n'en a plus connu. Lui disait aussi avoir été impressionné par un autre ouvreur de génie passé sous ce maillot, Barry John. Son fonds de commerce était plutôt ailleurs, dans son goût du plaquage, comme celui sur l'ailier français Jean-François Gourdon, balancé sans ménagement en touche en bout de ligne, tout proche de son en-but, en 1976.
« C'était un rock en défense, s'est ému sur les ondes de la BBC 5 son compatriote Jonathan Davies, le feu follet des années 1980-1990. S'il y a quelqu'un que vous vouliez à l'arrière, c'était bien lui. Quand il était avec les Lions britanniques en Afrique du Sud, en 1974, si une bagarre débutait, il se précipitait depuis l'arrière pour donner le coup de poing parmi les avants ! Il était d'une compétitivité féroce. »
Les Lions, l'autre fait de gloire de JPR Williams. Entouré de beaucoup de ses compatriotes, mais aussi de solides gaillards et caractères comme l'Irlandais Willie John McBride, il a aidé cette sélection unique à s'imposer en Nouvelle-Zélande, en 1971, puis en Afrique du Sud, en 1974, titulaire lors des huit tests contre deux des sélections les plus redoutables de l'époque. « Notre ligne de trois-quarts en 1971 était fantastique ! » se souvenait-il dans Wales Online.
Lui qui fut, dans sa jeunesse, un excellent joueur de tennis, avait terminé sa carrière internationale en 1981, après 55 sélections (6 essais). Il n'aura connu que deux clubs, Bridgend et les London Welsh. Si ce n'est un bref retour au chevet d'une sélection malade après le fiasco de la Coupe du monde 1991, comme conseiller du sélectionneur Alan Davies, il se consacra surtout à sa carrière de chirurgien, lui le fils de deux médecins. « Une inspiration et un modèle pour la fraternité rugby-médecine », s'est désolé Jamie Roberts, autre international qui a concilié ballon ovale et médecine. Une inspiration surtout pour toute une génération galloise, insolente de réussite et de succès dans les seventies.