Un constat critique et sans concession d’un côté, et un plan d’action ambitieux et structuré de l’autre : rencontré pendant près deux heures ce mercredi en journée, au stade Michelin, le président de l’ASM Jean-Claude Pats a joué cartes sur table pour décrire la situation du club dans son ensemble mais surtout les solutions envisagées pour s’en extraire par le haut. Ce « voyage au long cours », qu’il estime à trois ans, s’articule autour de trois chantiers avec, pour projet phare, la création d’une cité du rugby à Clermont.
« C’est tout sauf un accident. Tout ce qui nous est arrivé d’un point de vue sportif ou économique, c’est tout sauf un accident. » Ces mots forts, Jean-Claude Pats les a répétés plusieurs fois lors du long entretien qu’il nous a accordé ce mercredi en fin d'après midi. Une manière de partager le résultat sans concession de l’audit mené depuis plusieurs mois dans toutes les strates du club dont il a pris la destinée en juin.
Une manière également d’enfiler symboliquement le (jaune et) bleu de chauffe pour initier le plan de bataille qu’il a présenté en début de semaine aux 102 personnes qui travaillent à l’ASM. « Je suis habité par une conviction, c’est que le travail doit et va payer. Je suis intimement convaincu qu’avec la lucidité qu’on a vis-à-vis de ce qu’on est et de ce qu’on n’est pas, et avec l’ambition qu’on a formulée autour de trois chantiers, le volcan va se réveiller. » Dans un horizon, qu’il fixe à trois ans, il répète, là-encore, et l’assure : « Le volcan sera réveillé pleinement. »
Le projet de cité du rugby « One ASM »
« One ASM ». Derrière ce nom se cache ce qui est sans doute le chantier le plus vaste - à tout point de vue - du plan de relance établi par l’ASM. Il part d’abord d’un constat brutal. « On a tout, ça bosse bien, mais chacun dans son coin. Si maintenant, on ne structure pas le club d’une manière beaucoup plus professionnelle, beaucoup plus alignée, on sera dans une situation de fragilité », résume ainsi Jean-Claude Pats, en référence aux différentes entités qui composent aujourd’hui le rugby à l’ASM : les pros de l’ASMCA, la section rugby de l’ASM Omnisports, le centre de formation entre les deux, et l’ASM Romagnat.
Tout le monde au même endroit, de l’école de rugby jusqu’aux pros
L’objectif est donc de réunir tout le monde. D’abord derrière une même philosophie. « Qu’il y ait un seul et unique projet de jeu des jeunes aux pros par exemple ; qu’en termes d’éducation, on définisse des valeurs communes qu’on retrouve partout… Oui, on va construire un seul écosystème piloté par l’ASMCA », introduit le dirigeant avant de sortir la carte maîtresse de cet axe de travail. « Nous allons créer un endroit qu’on a baptisé “la cité du rugby”, dans lequel l’ensemble des forces vives existantes à Clermont autour du rugby se retrouvent. »
Concrètement, finis l’école de rugby à la Gauthière, les filles à Romagnat, les pros au Centre d’entraînement et de perfectionnement qui jouxte le stade Michelin, les Espoirs aux Gravanches. « On veut tous se retrouver dans un seul et même endroit géographique ».
Mais où diable ce projet d’envergure pourrait-il atterrir ?
« Deux options existent aujourd’hui et on sera en position de divulguer notre choix à la fin du premier semestre 2024. A partir de ce moment-là, on se donne deux ans pour que ça devienne une réalité tangible et visible pour tous », décrit Jean-Claude Pats qui, malgré notre insistance, n’a pas voulu en dire plus sur les deux sites envisagés.
La validation du projet par Florent Ménégaux et Yves Chapot, respectivement président de la gérance et directeur financier du groupe Michelin, lors de leur visite au club fin novembre, ainsi que les délais envisagés, invitent toutefois à regarder avec insistance les propriétés de Bibendum. La Combaude ? Ladoux ? Les Gravanches (dont la majeure partie est propriété de la Métropole) ? A moins que le retard pris dans la divulgation des plans du projet Cataroux, cette friche de 22 hectares qui s’étend du stade Michelin jusqu’au carrefour des Pistes, ne trouve son explication par une nouvelle donne amenée récemment… Dans tous les cas, la Ville et la Métropole ne sont pas encore associées à la réflexion de ce projet dont l’accueil a été « très positif » chez les entités concernées.
Le modèle économique
Jean-Claude Pats résume cet axe de travail en une phrase : « L’ASM doit être un club qui repose sur un modèle économique profitable, capable d’amortir les bas de cycles. » Autrement dit, ne plus dépendre des résultats sportifs et être en capacité d’absorber les aléas du terrain. Une situation vécue après 2017 et qui a plongé l’ASM là où elle se trouve aujourd’hui.
Comme il l’avait déjà évoqué dans nos colonnes au moment de sa prise de fonctions, le président a rappelé que ce chantier était déjà entamé. La marque ASM va ainsi devenir la propriété de l’ASMCA et c’est cette dernière qui la pilotera d’un point de vue marketing ou du merchandising. « On a aussi repris le contrôle de nos boutiques depuis cette saison et on s’en réjouit car on a constaté une très forte augmentation de notre chiffre d’affaires grâce à des produits plus attractifs, qui plaisent à tout le monde. »
Le stade Michelin, bientôt propriété pleine et entière de l’ASM
La valorisation des actifs du club est également érigée en priorité. A commencer par le stade, qui va devenir propriété pleine et entière de l’ASM d’ici à la fin de l’année. « Il y a déjà de l’événementiel mais quand on se compare à certains clubs très en pointe dans ce domaine, on sait qu’on a une marge de progression importante », poursuit le dirigeant qui met aussi l’accent sur la volonté d’améliorer l’expérience supporters au Michelin. Un élément qui aidera, il l’espère, à rebooster l’affluence moyenne au stade.
Le partenariat, la data (aidé en cela par la puissance du groupe Michelin), mais également « la place accordée à l’innovation dans le sportif, le médical, le business ou la responsabilité sociale et environnementale » sont aussi ciblés pour « faire basculer le club dans le XXI siècle ».
Collaboration et comportement
La stratégie du club, on l’a compris, est de réunir toute la famille rugby de l’ASM, de 7 à 77 ans, si on peut dire. De l’école de rugby aux pros, sur le plan sportif ou autre, tout le monde va être amené à s’ouvrir.
« Il y a des gens bien de tous les côtés à l’ASM, de l’ASM omnisports à l’ASMCA. Est-ce que pour autant, ça collabore intelligemment et d’une manière optimale ? Non. J’ai été stupéfait, je parle du club pro (sportif et business), de voir à quel point l’ASM fonctionnait en silos. Il y a 102 personnes qui silotent d’une manière incroyable. On ne peut pas se permettre de travailler comme ça, donc la collaboration est vraiment un premier axe de travail. Il n’y a rien à négocier. »
Dans une posture managériale, qui rappelle forcément son métier de directeur du personnel du groupe Michelin, le président rappelle aussi que le comportement doit être au cœur du projet : « On ne fait que passer et la seule chose qui reste, c’est le club. On est tous au service du club. Pas de son job, petit ou grand. Tout ce que l’on fait doit être bon pour le club. On a accepté à un moment, pas seulement du côté du sportif, des comportements qui n’étaient pas compatibles avec le fonctionnement d’un collectif. On n’est pas un sport de stars, on doit être solidaire et exemplaire. Dans une situation critique comme la nôtre aujourd’hui, avoir un comportement de starlette, de flibustier, de gens qui regardent leurs chaussures, ça n’est pas possible. »