Il n'est pas joueur, et seuls les spécialistes connaissent son nom et son visage. Il n'empêche, Felix Jones sera un personnage prépondérant de France-Angleterre. Ce jeune entraîneur de 36 ans dirigeait jusqu'en novembre l'attaque des Springboks, il est désormais en charge de la défense anglaise. Il a fait le voyage d'une équipe à l'autre avec quelques bagages.
À l'intérieur, les chandelles décroisées, qui étaient une partie de son plan offensif en quarts de finale de la Coupe du monde face aux Bleus (pour le résultat que l'on sait), et que l'on reverra peut-être sur la pelouse de Lyon. Mais aussi, dans cette valise, les plans du joyau des Sud-Africains : la « rush defence » . La vraie. Celle qui ne monte pas vite, mais très très très vite. Qui rend les passes sur la largeur presque impossibles, et que Fabien Galthié a défini comme « une agression ».
Imposée par Felix Jones aux Anglais, cette stratégie défensive, plus que toute autre, oblige l'attaque à s'adapter. Galthié a d'ailleurs reconnu que les Bleus se sont « préparés en conséquence ». Il n'aura cependant pas à chercher bien loin un plan offensif qui fonctionne face à une « rush defence ». En octobre, malgré la défaite (28-29), l'attaque française avait mis l'Afrique du Sud en grandes difficultés. Bilan éloquent (et inégalé sur cette Coupe du monde) : 3 essais, 13 entrées dans la zone de conclusion, autant de franchissements, et 43 duels gagnés (2e plus haut total de l'histoire des phases finales). « L'objectif était de mettre le ballon dans le dos par du jeu au pied offensif, avait expliqué le sélectionneur dans L'Équipe quelques semaines plus tard. On voulait aussi "tourner" le jeu, c'est-à-dire ne pas passer par le milieu du terrain : sur le deuxième ou le troisième ruck, changer de sens. »
Il est très probable qu'une partie du plan tricolore repose à nouveau sur ces idées, qui permettent d'éviter de s'exposer aux dangers des montées rapides. On devrait voir ce jeu axial que les Français appellent « black », ou des mauls, y compris dans le jeu courant. Ensuite, contrairement à octobre, il sera question d'être constant dans le suivi du plan et « juste dans la gestion de l'effort » (Galthié). C'est-à-dire de parfois renoncer à attaquer.