La semaine dernière a été contrastée à
Clermont. Le mercredi, l’ASM officialisait la
prolongation du contrat de Christophe Uri-
os pour deux saisons, avec une supplé-
mentaire en option, avant de subir une
énième déroute à l’extérieur, chez le Stade
Français (6-36), une défaite qui peut donner
le sentiment que le club ne progresse pas,
englué dans le ventre mou du Top 14 depuis
la dernière finale disputée en 2019.
Il a fallu ensuite gérer les effets du tweet
insultant d’un ancien joueur, Marvin
O’Connor –passé en Auvergne entre
2021et 2024 – s’attaquant à son ex-coach et
l’accusant de ne pas être suivi par ses
joueurs. Un contexte qui n’a pas dissuadé
Urios d’évoquer ses projets auvergnats
jusqu’en 2027, sans éluder les difficultés
qu’il rencontre, dans une institution où les
succès, encore récents dans les esprits, ont
constitué un frein.
« Après un week-end raté sur le terrain
et agité en dehors, comment s’est passée
la reprise hier?
On a la tête basse, tous, y compris le staff.
On met les ingrédients pour des résultats
et on n’y arrive pas. C’est la première fois
qu’on a senti que c’était difficile à digérer.
Les joueurs ont fait le bilan et n’ont pas été
tendres entre eux, ce qui est plutôt bien.
Et la particularité de cette matinée,
c’est qu’un mec m’a craché à la gueule
hier (dans la nuit de samedi à dimanche).
C’était important que j’en parle avec eux.
Il y a eu pas mal d’émotion.
Pourquoi fallait-il évoquer avec le groupe
le tweet de Marvin O’Connor?
Il y avait des sous-entendus dans son
message d’une heure du matin…
Je voulais être clair avec les joueurs: si
jamais il y avait des points qui n’allaient pas,
si certains avaient des problèmes avec moi,
mon bureau leur était ouvert jour et nuit. Ce
message était triste, sur la manière, et
triste pour l’équipe aussi: il s’attaque à moi
mais il chie sur l’équipe. Ça ne me touche
pas personnellement, mais ma famille,
oui, notamment mes enfants. Et ça n’est
pas possible.
Le sous-entendu dont vous parlez, c’est
que vos joueurs ne sont pas derrière vous.
Avez-vous ce sentiment?
Tu ne fais jamais à 100 % l’unanimité.
Depuis qu’on est arrivé, on fait beaucoup de
nettoyage, on cherche à remettre le club
avec les bonnes bases et les bonnes
personnes pour le haut niveau. Ça dérange,
ça bouleverse, on se sépare de joueurs, de
membres de staff, et c’est tout ça qui
ressort. Les critiques… Je les accepte, je
sais dans quel monde je vis! Mais personne
ne pourra me mettre plus de pression que
celle que je suis capable de me mettre.
Personne.
“Je venais d’endroits où ça
travaillait plus. Ça a été ma
première grande surprise. Et on vit
toujours avec le passé ici. Il y a une
espèce de nostalgie
''Vous évoquez là un travail de fond
entrepris à l’ASM depuis votre arrivée
début 2023. C’est de le mener à bien
qui vous a donné l’envie de prolonger
ici au-delà de 2025?
Clermont, c’est un superbe club. Sur son
territoire, les gens adorent l’ASM. Ce qui
met aussi de la pression, d’ailleurs! Les
gens ne se rendent pas compte de l’état du
club. Ça fait un an et demi que je suis là et ça
fait un an et demi qu’on ne prend pas
beaucoup de plaisir. Il y a des trucs qui
t’arrivent sur la gueule en permanence,
comme ce week-end… Mais je reste
convaincu que ce club va regagner bientôt,
qu’il va redevenir attractif. Certes, ça
n’avance pas aussi vite que je voudrais. Il
faut que le sportif passe devant, gagne pour
embarquer tout le monde. On n’y arrive pas
complètement, mais ça passera par là. Je
suis convaincu qu’on a amorcé quelque
chose, ce travail de fond, cette qualité de
groupe, ces bases de jeu, les process de
travail. Et quand j’ai prolongé, je me suis dit
que je n’avais pas envie d’avoir fait tout ce
boulot pour rien.
“L’état du club” dont on ne se rend pas
compte, c’est quoi?
Pour moi, Clermont, c’était conçu sur la
valeur travail. Il y a un an et demi, j’ai
découvert qu’on y travaillait moins. En tout
cas, je venais d’endroits où ça travaillait
plus. Ça a été ma première grande
surprise. Et on vit toujours avec le passé ici.
Il y a une espèce de nostalgie. J’ai souvent
entendu les mêmes remarques quand on
travaillait sur des projets: “Avant, on faisait
comme ça.” Là, tu écris une page mais on
regarde toujours le chapitre d’avant. C’est
ça qui m’use. C’est pour ça qu’on a besoin
de changement, de passer à autre chose.
Le succès ne fait pas que du bien. Si tu n’es
pas capable, en parallèle, de te remettre en
cause, de travailler, c’est dur! Ici, on voulait
faire du neuf avec du vieux. Je suis arrivé
dans ce club et j’ai respecté cet héritage,
mais tout ça n’existe plus. Ce n’est pas que
je m’en fous, de l’histoire de l’ASM. Mais si le
maillot nous inspire, écrivons notre propre
histoire!
Ça se mesure comment,
cette chute de standing?
La dernière preuve en date, c’est le nombre
de joueurs sélectionnés en équipe de
France.
Avant la convocation de Régis Montagne,
dû à un forfait (Uini Atonio), il n’y avait
effectivement aucun Clermontois appelé
par Fabien Galthié…
Ça montre que le club part de loin! On a des
jeunes qui ont du talent, qui vont y arriver,
mais il faut qu’ils progressent, qu’ils
avancent… comme le club!
Vous disiez malgré tout que le club était
reparti de l’avant, en début de saison?
Oui! Et c’est pour ça que j’ai voulu rester.
Je participe, comme tout le monde, à ce
mouvement. Toutes les strates du club
bougent. La partie business, notamment.
Sur la partie sportive, c’est pareil, on se
rapproche de ce que j’aime faire. La
formation a emboîté le pas. On est
redevenu une vraie équipe de Top 14 qui
s’entraîne dur et bien. Notre difficulté, c’est
qu’on n’arrive pas à le mettre en place le
week-end! Mais je veux réveiller le volcan,
je n’ai pas peur, on va réussir.
“On n’est pas attractifs aujourd’hui !
Les mecs ne t’écoutent même pas…
J’ai eu plusieurs joueurs qui
m’intéressaient dans les gros clubs
français… Alors, ils sont gentils,
mais ils te font comprendre qu’ils ne
veulent même pas discuter
''Dans le futur organigramme, Aurélien
Rougerie, actuellement team manager, va
s’occuper du recrutement. C’est un autre
domaine où l’ASM n’est plus attractive?
On n’est pas attractifs aujourd’hui! Les
mecs ne t’écoutent même pas… J’ai eu
plusieurs joueurs qui m’intéressaient
dans les gros clubs français… Alors, ils sont
gentils, mais ils te font comprendre qu’ils
ne veulent même pas discuter. Ça me fout
la rage! Parce que c’est un club où il y a
quelque temps, tous les jeunes venaient en
courant. C’est dans la continuité de tout ce
que je disais avant. Quand tu ne gagnes pas,
que tu ne te qualifies pas… Avant, Clermont
dominait, avait un jeu léché, un super
centre d’entraînement. Aujourd’hui, tout le
monde a ça. L’attractivité va avec ça. Ça, ça
se gagne! Mais pas en claquant des doigts.
Il faut repartir au combat, remettre les
mains dans le cambouis, se planter,
réussir, avancer, faire que les leaders
passent devant, que les jeunes prennent la
place.
Ça donne l’impression de prendre
du temps à décoller…
Je sais que les gens sont impatients, je vois
leur colère. Et on sent la même. Quand tu
vas au Stade Français, que tu as fait une
bonne semaine, que tu en prends 30 et que
tu n’arrives pas à exister dans le match…
C’est à pleurer! Mais avec ce travail sur les
bases du club, je trouve qu’on avance. On
est en train de construire. Je le fais avec la
valeur humaine. J’ai besoin de ça. Si je ne
suis pas bien dans mon groupe, comme ça
a été le cas la saison dernière, avec mon
staff, où ça ne se passait pas bien, ce n’était
pas fluide, je ne suis pas bon. Ça me gêne.
J’ai besoin d’être en confiance. Se dire les
choses, s’engueuler, ça fait partie du
rugby! »
Merci. Pas trop fan habituellement du personnage mais j'aime bien l'interview, juste mais sans concession. Ca ne veut pas dire qu'il va réussir mais au moins le constat sur la situation n'est pas maquillé.