Yannick Lacrouts ne travaille plus pour Provale, le syndicat des joueurs de rugby. Début février, il a reçu sa lettre de licenciement, pour « cause réelle et sérieuse ». Chargé entre autres d'enregistrer et de récolter les adhésions de quelques clubs (Montauban, Castres, etc.), il ne faisait pas suffisamment de chiffre. C'est du moins ce que lui reproche Robins Tchale-Watchou, le président du syndicat qui a signé les courriers et mené l'entretien préalable.
Lacrouts était salarié depuis 10 ans et n'avait jamais reçu le moindre avertissement. Au cours de l'été dernier, il s'était même entretenu avec Mathieu Giudicelli, le directeur général du syndicat, qui lui avait promis une augmentation de salaire pour la qualité de son travail. Âgé de 50 ans, ancien pilier droit de La Rochelle, de Pau, d'Auch et de Bordeaux, il est aussi gravement malade. Trois fois par semaine, il se fait dialyser. Son statut de travailleur handicapé lui permet de bénéficier d'un emploi du temps aménagé et ne coûte pas grand-chose à la structure (1000 euros brut par mois).
Son épouse Mathilde Lacrouts (41 ans) a comme lui été virée. Elle oeuvrait au sein du syndicat depuis 15 ans. Elle a également reçu sa lettre de licenciement au début du mois de février. La raison de son renvoi ? Chargée de la communication, elle animait un podcast depuis quelques mois, et les audiences n'étaient pas bonnes. C'est le motif qui a été évoqué lors son rendez-vous avec Robins Tchale-Watchou, qui dirige le syndicat depuis 2014. Pour justifier sa décision, le dirigeant aurait, selon nos informations, comparé les audiences du podcast de Provale avec celles de Crunch, le podcast de L'Équipe, et les productions du Midi olympique, deux organes de presse aux moyens importants.
« En découvrant ce mail, j'ai hurlé. »
Mathilde Lacrouts
Il y a quelques jours, Mathilde et Yannick Lacrouts ont accepté l'idée d'une rencontre*. Ils sont aujourd'hui dévastés, sonnés par la brutalité de ces licenciements. Ils étaient les plus anciens employés de la structure, les mémoires du syndicat. Ils ont reçu de nombreux messages de sympathie et de soutien. « Le 8 janvier à 8 heures, je reprenais le travail, j'étais à la maison. J'ai allumé mon ordinateur, je me suis connectée pour souhaiter une bonne année à mes collègues, et puis j'ai vu ce mail, explique Mathilde Lacrouts, au bord des larmes. L'objet ? Entretien. Je me questionne, j'ouvre le mail. Tous ces mots me sautent à la figure « Madame », « sanction », licenciement », « entretien préalable », « faits reprochés », « maintien dans l'entreprise impossible »... En découvrant ce mail, j'ai hurlé. » Yannick Lacrouts est parti avant la fin de l'échange pour un rendez-vous à l'hôpital où une nouvelle dialyse l'attendait.
Mathilde Lacrouts reprend : « Que se passe-t-il ? Le lendemain, c'est mon mari qui recevait la même lettre, avec un « Monsieur » au lieu du « Madame ». Au-delà de la mise à pied, c'est la manière et la violence de celle-ci qui nous ont terriblement touchés et nous touchent toujours beaucoup. Dix et 15 ans dans une entreprise, sans jamais fauter et toujours donner le meilleur de soi, pour partir de la sorte, c'est très dur. On a découvert les 8 et 9 janvier sur nos boîtes mail qu'on était convoqués le 23 janvier pour un entretien. Ces 15 jours passés sans savoir ce qui nous était reproché ont été terribles. Un tsunami a traversé notre famille. On était dans le flou, on se demandait ce qu'on avait bien pu faire. Et puis il y a notre fille de 12 ans, qu'on élève avec des valeurs, et là, elle voit ses parents virés pour des fautes graves. L'incertitude qui règne sur notre recherche de travail aujourd'hui n'est pas simple non plus. Il va falloir un peu de temps pour nous reconstruire. »
Ils ne sont pas les premiers à quitter le syndicat depuis l'arrivée de Robins Tchale-Watchou en 2014. On a comptabilisé 21 départs, dont 14 depuis 2019 et la nomination de Mathieu Giudicelli au poste de directeur général. La semaine dernière, nous évoquions la condamnation par le conseil prud'homal de Toulouse du syndicat pour harcèlement moral et discrimination après le licenciement de Laure Vitou, l'ancienne directrice générale. En décembre, c'est Addison Lockley qui a été viré, pour faute grave. Joint au téléphone, il a refusé de s'épancher, expliquant qu'il ne savait pas encore la suite à donner à son histoire et qu'il discutait avec un avocat.
En octobre, Juan Martin Berberian quittait la structure en acceptant la signature d'une rupture conventionnelle. Cet impressionnant turnover a un coût puisqu'il faut payer les indemnités, les amendes, les charges et les frais d'avocat. Plus de 500 000 euros auraient été dépensés par Provale, dont le budget dépasse à peine le million d'euros. Ces dernières semaines, Provale a également subi un redressement de l'URSSAF qui a entraîné, dans la foulée, un contrôle fiscal.
De tout cela, nous aurions aimé parler avec la direction du syndicat, condamné début avril par un tribunal prud'homal pour harcèlement moral, travail dissimulé et discrimination en raison de l'état de santé. Nous leur avons transmis plusieurs questions par mail. Il n'y a pas eu de réponse. En revanche, quelques heures après cet envoi, Provale a réagi en communiquant sur les réseaux sociaux, sur X notamment, avec la publication de plusieurs tweets sur le bilan chiffré et les actions du syndicat sous la présidence de Robins Tchale-Watchou. Mais là n'était pas le sujet.
C'est dans ce contexte particulier que se dérouleront les prochaines élections à la présidence. Elles auront lieu le 30 mai prochain, à Paris, en présentiel, le matin et la veille des demi-finales de Pro D2 et à deux jours de l'avant-dernière journée de Top 14. Malik Hamadache, le pilier d'Agen, est le seul candidat en lice, c'est lui qui devrait donc succéder à Robins Tchale-Watchou.