Affaire Jegou – Auradou. De nouveaux rebondissements relancent l’affaire ce mardi, jour de l’audition de la plaignante par le procureur de Mendoza
Par Par Pedro Fernández, à Mendoza (Argentine) avec Lé.F.
Ce mardi, la plaignante à l’origine des accusations de "viol aggravé" à l’encontre d’Oscar Jegou et Hugo Auradou était auditionnée par le parquet de Mendoza. Une journée qui aura recelé plusieurs enseignements importants…
C’est ce mardi 6 août que la plaignante à l’origine des accusations de "viol aggravé" qui visent les joueurs du XV de France Oscar Jegou et Hugo Auradou, en Argentine, était entendue par la justice de Mendoza. Une audition en longueur, plus de deux heures, qui lui aura laissé le temps de reprendre en détail le récit qu’elle a fait de la nuit du 6 au 7 juillet 2024 au Diplomatic hôtel de Mendoza. Mais aussi de répondre aux avocats de la défense des deux Français et les contradictions qu’ils opposent, parlant notamment de relations consenties, pointant des conversations a posteriori où elle disait simplement trouver Oscar Jegou "mignon" ou s’étonnant qu’elle n’ait pas souhaité remettre son téléphone à la police…
Me Romano (avocate de la plaignante) : "Le récit de ma cliente ne présente aucune fissure"
Que retenir de cette audition ? Si aucun élément concret n’a fuité en provenance du procureur, les avocats des deux parties ont en revanche eu l’occasion de la commenter et d’étayer leur argumentaire, à la sortie du tribunal, presque six heures après y être entrés. Natacha Romano (avocate de la plaignante) en première, puis Rafael Cuneo Libarona ensuite (avocat d’Oscar Jegou et Hugo Auradou). Une passe d’armes riche en enseignements.
La première à s’exprimer devant la presse fut donc Natacha Romano, avocate de la plaignante. "Ma cliente, qui est aussi la victime, est toujours restée en contrôle. Les questions de la défense, elles, ont été très brèves, du fait que le récit de ma cliente ne présente aucune fissure." Questionnée sur les éventuelles évolutions des déclarations de la plaignante, l’avocate a simplement évoqué "qu’il s’agissait surtout de clarifications nécessaires. La partie de la défense a quant à elle essayé d’apporter quelques contradictions, mais notre récit est resté clair et concret."
Des messages audios par Whatsapp qui sèment le trouble
Il y a quelques jours est toutefois apparu, dans l’enquête, que des messages audios envoyés via le service de messagerie Whatsapp avaient été échangés entre la plaignante et une amie. Des échanges au cours desquels elle lui disait qu’elle avait effectivement été avec Oscar Jegou cette nuit-là et qu’elle le trouvait "mignon". Ces messages ne mentionnaient toutefois à aucun moment des faits d’abus sexuels. C’est pourtant cette amie qui lui aurait conseillé de porter plainte auprès du tribunal de Mendoza.
Après un mois d’enquête, ces échanges jettent le trouble sur les premières déclarations de la plaignante. Interrogée à ce sujet à sa sortie du tribunal, l’avocate Natacha Romano a d’abord confirmé l’existence de ces messages. Avant de compléter : "Ils lui ont fait écouter ces audios, un moment de re-victimisation très dur pour elle. Mais elle a pu les expliquer un par un, avec beaucoup de calme. […] Malgré tout, elle est très fatiguée et très angoissée. Elle est sous traitement psychologique et psychiatrique permanent. Quatre professionnels l’assistent."
La plaignante a-t-elle refusé de remettre son téléphone à la police ?
Autre information importante fournie par l’avocat de la défense, et toujours concernant la téléphonie : selon Rafael Cuneo Libarona, la plaignante n’aurait pas remis son téléphone à l’expert mandaté par la police de Mendoza. "Elle ne veut pas le donner, sous prétexte qu’elle y a ses communications. C’est un élément de plus en notre faveur", a déclaré Libarona à ce sujet.
Vers une nouvelle demande de remise en liberté ?
Alors qu’Oscar Jegou et Hugo Auradou sont toujours assignés à résidence et sous contrôle judiciaire dans une villa de Mendoza, ils seront entendus à leur tour par la justice Argentine ce jeudi 8 août. Ils pourront alors présenter leur version des faits, laquelle, selon les dires de leurs avocats Me Cuneo Libarona (en Argentine) et Me Vey (en France), est bien éloignée des accusations : "Pour le moment, rien ne permet de présager de leur culpabilité".
Mais une autre échéance proche pourrait leur redonner espoir : toujours selon Natacha Romano, la défense va avoir l’occasion de formuler une nouvelle demande de remise en liberté des deux joueurs. Le bureau du procureur de Mendoza devra alors trancher pour savoir s’il maintient Jegou et Auradou en détention provisoire sous le régime du contrôle judiciaire, ou s’il les autorise à quitter le territoire argentin. "La défense demandera certainement la libération, mais cela ne signifie pas qu’ils ne continueront pas à être inculpés", rétorque encore Natacha Romano. Avant de s’y opposer. "La chose raisonnable à faire, compte tenu du risque de fuite, est qu’ils restent dans notre pays."
S’ils venaient effectivement à être soulagés de leur contrôle judiciaire et qu’ils pouvaient rentrer en France, la nouvelle serait un coup de tonnerre dans cette affaire et une nouvelle "victoire" importante pour les deux jeunes Français.
Rafael Cuneo Libarona (avocat des joueurs) : "La plaignante a modifié son récit"
Ces faits, l’avocat argentin d’Oscar Jegou et Hugo Auradou s’en sont évidemment servis, lui aussi au terme de cette journée d’audition et devant la presse argentine qui l’attendait. Sur un ton particulièrement énergique et offensif, parlant en second après sa consœur de l’accusation, Rafael Cuneo Libarona a également livré une analyse clairement opposée de la situation. "Aujourd’hui, l’innocence des deux rugbymen a été prouvée", a-t-il lâché d’emblée. Avant de développer, notamment sur des versions différentes qu’auraient utilisées la plaignante et "des contradictions notables dans son récit". "Lorsque le bureau du procureur a constaté ces contradictions entre sa première déclaration et cette dernière, la plaignante a modifié son récit."
Toujours confiant dans ses déclarations et son attitude, Rafael Cuneo a finalement conclu son intervention devant la presse en se projetant sur la journée de jeudi qui s’annonce à nouveau décisive, puisque ce seront à Oscar Jegou et Hugo Auradou d’être entendus par la justice argentine.
"Les accusés vont répondre à toutes les questions qui leur seront posées par l’accusation, la plaignante et nous-mêmes, leurs défenseurs. Ils n’ont rien à cacher. D’ailleurs, n’oubliez pas que ce sont eux qui ont demandé à être entendus, il y a dix jours. Ils devaient témoigner aujourd’hui (mardi), mais nous avons laissé la place à la plaignante parce que nous ne voulions pas lui laisser l’occasion de donner encore une nouvelle version des faits. […] Pour le public français, j’espère qu’ils seront bientôt en France, que la France saura, que le rugby français saura que leur honneur n’est pas entaché. J’espère qu’ils joueront au rugby le plus tôt possible. J’ai confiance en leur innocence et j’en suis absolument convaincu."