Mon premier objectif est de recourir avec mes enfants" : Enzo Sanga (ASM Clermont) se bat pour retrouver une vie normale
Victime dune grosse blessure, sur une action anodine il y a maintenant seize mois, Enzo Sanga se bat tous les jours pour retrouver son intégrité physique. Pour retrouver une vie normale, sans vraiment croire à un retour sur les terrains de rugby.
À bientôt 30 ans, le demi de mêlée de lASM, né à Vichy, qui a fait ses classes en « jaune et bleu », qui a débuté en pro avec Clermont et qui pensait boucler la boucle, ici dans son club de cur, navait pas imaginé une telle fin.
Sauf miracle de la médecine, la carrière de ce joueur, qui a toujours compensé son manque de dimension physique par un travail acharné, sest probablement arrêtée à la 78e minute dun ASM - Racing, joué le 2 décembre 2023 au stade Michelin.
Entre instants de lucidité, quelques moments démotion et de brèves lueurs despoirs, Enzo Sanga nous a raconté ce que lon peut malheureusement nommer son calvaire de joueur blessé.
Racontez-nous votre blessure qui remonte maintenant à un an et demi ?
« Sur un coup de pied à suivre de Le Garrec, je suis à la lutte avec Tao (ndlr : Donovan Taofifenua) qui sapprête à marquer lessai. On se télescope, la cheville reste coincée. Voilà, depuis, cest la galère. »
Sur cette action qui amène le dernier essai du match face au Racing, Enzo Sanga est resté au sol, touché à une cheville. Cest la dernière fois que le demi de mêlée a porté le maillot de lASM.
Quel est le premier diagnostic ?
« Que jai évité le pire, il ny a rien de cassé. La cheville gonfle, cest une grosse entorse. Je suis plutôt rassuré. Mais très vite, jai senti que ça nallait pas. Jallais dexamen en examen et à chaque fois, on trouvait un truc. »
Et ensuite ?
« Jai repris tout doucement la course, mais je narrivais pas à franchir les paliers. À chaque fois je repartais de zéro. Au final, je navais rien de cassé, mais tout était abîmé. »
Quelle est donc la nature exacte de votre blessure ?
« Je souffre dun dème osseux intra-articulaire. Aujourdhui encore, je nai pas la flexion de la cheville. Tout ce qui est course, saut, changement dappuis mest impossible. Cest inflammatoire. Dès que je reste debout un moment ou que je joue avec mes enfants, ça flambe. Jai los contre los en fait. »
Y a-t-il eu une opération ou une autre thérapie ?
« En avril 2024, jai subi une intervention pour enlever le cartilage avec aussi une microperforation dans le tibia pour régénérer los. Longtemps, on a pensé que ma cheville était propre, mais elle ne létait pas. »
« Il y a un mois, jai pris du recul »
Et quavez-vous fait après cette intervention ?
« Jai repris un peu espoir. Jai été à Capbreton en rééducation en juin et je pensais revenir pour la présaison. On avait même fixé mon retour sur le second match de préparation (fin août 2024). En fait, ça ne la pas fait. Le chirurgien mavait mis en garde que ça pouvait être compliqué, car cest sur une zone portante. Moi, je continuais à y croire, à me projeter même si cest très dur de ne pas avoir dhorizon défini pour un retour. »
À quel moment avez-vous compris quune reprise savérait plus que compliquée ?
« Jusquà janvier dernier, je me suis entretenu, en muscu, en cardio mais avec une telle blessure, tu es seul face à ta cheville qui névolue pas. Cest long et dur. On ma laissé du temps mais cest inflammatoire et ldème nest jamais parti. Il est toujours là. Il y a un mois, jai pris du recul et je ne suis plus venu régulièrement au club. »
Peut-on parler d'une fin de carrière vous concernant ?
« Je vais avoir 30 ans, je suis en fin de contrat et je suis à larrêt depuis un an et demi. Et aujourdhui, je ne peux toujours pas courir. Donc, il va falloir prendre une décision. Pour moi, cest un long cheminement dans ma tête. Jai encore envie de donner du temps au temps, même si mon corps me dit autre chose. »
Limage de laction de votre blessure vous hante-t-elle encore ?
« Je lai longtemps eu en tête, mais je fais un gros boulot mental sur moi. Oui, cétait une action anodine, mais cest mon destin. Aujourdhui, jai arrêté de me torturer avec ça. Jai visionné laction plein de fois pour comprendre. Cest un accident, voilà. »
On sent au fond de vous une grande frustration
« Ce qui est dur à encaisser est dêtre revenu dans mon club formateur et de cur et de finir comme ça. Mais je ne suis pas seul, je suis bien entouré et jai mes deux enfants. Mon objectif, déjà, est de courir à nouveau avec eux. »
Vous parliez de travail sur vous-même, expliquez-nous ?
« Une blessure comme la mienne et lissue que lon devine, cest une expérience personnelle. Tu as tendance à te recroqueviller, car tu nas pas envie de partager ou te faire plaindre, car il y a plus grave. Un an et demi sans parvenir à courir ni à jouer normalement avec ses enfants, tu le vis très mal. Cest pourquoi il faut du temps pour mentalement thabituer à ta nouvelle vie. »
C'est en août 2015 que le jeune numéro 9 de 20 ans fait ses premiers pas en pros, lors dun match exceptionnel à La Rochelle (notre photo), remporté 44-6 par lASM. Cest également les grands débuts de Iturria et de Cassang, autre demi de mêlée du club. « Un souvenir de fou ! Cétaient les grandes années de lASM avec des grands joueurs. Je jouais ce match-là avec Camille Lopez dont le style de jeu me convenait parfaitement. Jai fait deux saisons avec une dizaine de matchs à Clermont. Ensuite, Vern Cotter me fait venir à Montpellier ; une superbe aventure, trois saisons et une soixantaine de rencontres. Je suis parti ensuite sur un autre projet, en ProD2 à Valence, avant de faire deux saisons à Brive pour une expérience extraordinaire sur le plan humain. Et puis, je reviens à lété 2023 à Clermont. Un regret ? Que mes saisons à lASM naient pas été les plus accomplies de ma carrière ».