La perspective est alléchante. Dimanche soir, en clôture de la 4e journée du Top 14, le Stade Toulousain et l’UBB vont s’affronter sur la pelouse d’Ernest-Wallon. Deux équipes qui, outre le fait qu’elles soient les deux derniers finalistes, présentent les deux attaques les plus prolifiques - au nombre des points - en ce début de saison. Il n’est pas interdit de voir derrière cette affiche une promesse de spectacle. Mais les observateurs les plus assidus pourraient rétorquer que cette qualité est déjà au rendez-vous ces dernières semaines.
43 essais inscrits lors de la 1re journée, 49 puis 42 lors des deux suivantes… Les formations de Top 14 semblent résolument tournées vers l’offensive. Une preuve ? La moyenne d’essais marqués par match a fait un bond par rapport aux derniers exercices (lire par ailleurs).
Évidemment, aussi tôt dans la saison, on ne peut occulter l’impact de certains « cas particuliers » derrière ces chiffres. Cinq matchs ont ainsi offert au moins 10 essais en ce mois de septembre : celui entre l’UBB et le Stade Français (10), ou encore ceux ayant opposé le Stade Français à Vannes (10), la Section Paloise à l’Aviron Bayonnais (11), le Stade Rochelais à la Section Paloise (11) et, enfin, l’UBB au Racing (13), samedi soir dernier.
« On y est pour beaucoup : nos matchs ont généré pas mal d’essais. En notre faveur à domicile, mais surtout contre nous sur nos deux matchs à l’extérieur (NDLR, à Clermont et à La Rochelle) », ironise ainsi Geoffrey Lanne-Petit, en charge de l’attaque d’une Section Paloise qui, en dépit d’un début de saison chaotique, reste portée sur le jeu.
« Les résultats plaidaient en faveur du Stade Français, il a pourtant annoncé vouloir faire évoluer son animation offensive »
Cette propension à l’autodérision est louable. Mais elle n’empêche pas le technicien béarnais de se faire plus sérieux lorsqu’il estime que cette tendance illustre un changement de mentalité profond opéré suite à la greffe « d’entraîneurs étrangers » : « Yannick Bru est arrivé à l’UBB avec une méthode anglo-saxonne et son entraîneur de l’attaque (Noel McNamara), Stuart Lancaster est au Racing depuis la saison dernière, Andrea Masi s’occupe de l’attaque à Toulon, Alan Zondagh est en charge de celle de Lyon… Or ce qui se fait de mieux, c’est ce que font les Néo-Zélandais et les Irlandais, avec un jeu de possession fait de cellules très bien animées. »
La fin de la loi Dupont
Simple effet de mode ? Geoffrey Lanne-Petit ne le croit pas : « Le Stade Français est passé tout près d’une finale de Top 14 grâce à la qualité de sa défense : les résultats plaidaient en sa faveur, il a pourtant clairement annoncé vouloir faire évoluer son animation offensive. […] Et les Sud-Africains, doubles champions du monde, sont allés chercher Tony Brown, qui était en charge de l’attaque des Blacks. Il y a un vrai changement de mentalité. »
Il ne faut pas rechercher derrière ce phénomène une quête d’esthétisme. De manière plus prosaïque, il s’agit de coller au plus près des directives arbitrales. Ces dernières n’ont pas fondamentalement été modifiées. Mais une d’entre elles semble déjà avoir un impact : l’abrogation de ce qui était désigné la « Loi Dupont ».
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« Sur les phases d’échange de coups de pied, les joueurs au milieu du terrain étaient remis en jeu par un jeu au pied, une passe ou une course de 5 mètres : il suffisait aux avants de rester au milieu », observe Christophe Laussucq, en charge de la défense de l’UBB. « Désormais, ils doivent faire l’effort de revenir vers leur camp. Il y a donc plus de dépense d’énergie et beaucoup plus d’espaces pour contre-attaquer. »
« J’ai trouvé qu’on laissait plus de marges aux soutiens offensifs. Si ça se confirme, les équipes tiendront plus le ballon : elles n’auront pas peur de faire le ruck de trop »
Là encore, les statistiques le démontrent : la moyenne d’essais n’est pas la seule à augmenter, celles du nombre de mètres gagnés et de courses avec le ballon sont indexées sur la même courbe. « C’est un changement énorme, appuie Geoffrey Lanne-Petit. Là où il y avait trois défenseurs, il n’y en a plus qu’un au moment de relancer : ça donne des options sur contre-attaque. »
Règle et interprétation
D’autres points de règlement ont évolué. Que ce soit l’impossibilité de prendre une mêlée suite à un « coup franc » - « ça favorise le ball in play », insiste Lanne-Petit - ou la limitation du temps à 5 secondes pour que le numéro 9 constitue une « chenille » d’avants derrière un ruck pour gagner en confort avant de dégager au pied.
Au moment d’analyser l’actuelle prime à l’offensive dans ce Top 14, Christophe Laussucq n’oublie toutefois pas de souligner la part prise de l’interprétation de la règle par les arbitres eux-mêmes : « Sur certains matchs, j’ai trouvé qu’on laissait plus de marge aux soutiens offensifs. Si ça se confirme, les équipes tiendront plus le ballon. Elles n’auront pas peur de faire le ruck de trop ». « En fait, ça donne de la confiance, insiste Geoffrey Lanne-Petit. On sait que si on attaque bien, on va plus facilement pousser la défense adverse à la faute. » Et ça, ça change tout.