Le cas de Paul Willemse, confronté à la menace de voir sa carrière de joueur de rugby s'arrêter du jour au lendemain, vient rappeler que cette phase de transition, même si on a pris soin de l'anticiper, est loin d'être évidente à gérer. « On se prépare pour être des sportifs de haut niveau, pour enchaîner des matches, mais pas pour la suite », estime l'ancien capitaine de l'équipe de France Thierry Dusautoir, 42 ans, qui s'est retiré des terrains il y a sept ans. Contacté il y a trois ans par l'ex-ouvreur all black Dan Carter (42 ans), stoppé après une opération des cervicales et qui a cherché pendant plusieurs mois quel but donner à sa nouvelle vie, Dusautoir a eu envie, comme les Néo-Zélandais Richie McCaw et Conrad Smith (43 ans tous deux) et l'Anglais Jonny Wilkinson (45 ans), de proposer une aide aux joueurs en phase de reconversion.
Rejoints par trois joueuses, l'Anglaise Rachael Burford, l'Australienne Sharni Williams et l'Américaine Kristine Sommer, par le capitaine sud-africain Siya Kolisi, l'ancien pilier samoan Census Johnston ou l'Australien George Gregan (45 ans), désigné président, ils ont bossé pendant des mois pour mettre sur pied la GRPF (Global Rugby Players Foundation), une entité qui souhaite représenter largement la diversité du rugby sous l'égide de World Rugby. « Ce serait idiot de ne pas profiter d'un tel réseau et de ce soutien financier, indique l'ancien troisième-ligne français quand on lui parle d'indépendance. En revanche, il est clair que nous choisissons nos projets. Cette initiative a été prise par des joueurs pour d'autres joueurs. Nous ne sommes pas des ambassadeurs et encore moins des hommes-sandwiches. »
« Léguer quelque chose d'utile, des ressources »
Thierry Dusautoir
Dévoilé en mai dernier et déjà mis en place en Nouvelle-Zélande, dans les îles du Pacifique, en Irlande ou en Afrique du Sud, le programme va se développer en profitant des tournées d'automne pour se faire connaître. Il s'appuie sur cinq piliers : créer un lien avec les syndicats nationaux qui oeuvrent déjà localement ; offrir des solutions pour prendre soin de la santé des joueurs sous tous ses aspects (physique, mental ou financier) ; offrir des possibilités de formation (business, coaching ou autres) ; créer une communauté pour recréer la fraternité du vestiaire ; créer des partenariats avec des entreprises pour intégrer des anciens joueurs.
« L'arrêt de carrière laisse beaucoup de joueurs désemparés et cela sera peut-être encore plus sensible pour les prochaines générations. L'idée est de leur léguer quelque chose d'utile, des ressources », poursuit Dusautoir. Car les chiffres sont éloquents : 83 % des joueurs devenus professionnels dans le monde ne le sont plus à l'âge de 24 ans. « En revanche, 100 % des joueurs vont connaître ce passage de la carrière sportive à la vie d'après. Et c'est pratiquement le seul sujet qui n'est pas anticipé de façon sérieuse et objective. » Des joueurs renommés tels Wilkinson, McCaw, Gregan, Carter ou Dusautoir disent tous avoir eu une période difficile. « Surtout, on a beaucoup d'exemples de problèmes d'addiction et de dépression autour de nous, souligne ce dernier. Notre but est d'essayer de prévenir. »