"Leur rugby est dans le dur" : avant Bath - ASM Clermont, quel est le vrai niveau des clubs anglais ? L’ASM Clermont s’apprête à affronter Bath, le leader de Premiership, dimanche. Mais à l’image des clubs anglais, la compétition européenne s’avère plus difficile pour lui. Explications.
Après dix journées, Bath et Bristol, les deux prochains adversaires de l’ASM Clermont, occupent les deux premières places de Premiership. En Champions Cup, c’est tout l’inverse. Les deux formations anglaises n’ont toujours pas gagné le moindre match. Et ces mauvais résultats reflètent la mauvaise santé des équipes d’Outre-Manche sur la scène européenne.
Si l’on prend les confrontations franco-anglaises lors des deux premières journées, les formations de Top 14 mènent 5 victoires à 3. Un écart abyssal ayant même été atteint lors d’un Exeter - Toulouse où le champion de France est allé passer 64 points chez l’ennemi britannique. Exeter figurait pourtant parmi les grosses écuries européennes, il y a encore quelques saisons (les Chiefs ont été sacrés en 2020).
En chiffres :
7. Sur les 10 clubs de Premiership, 7 ont été déclarés insolvables dans un rapport publié dernièrement par une étude britannique. Seuls Leicester, Northampton et Gloucester seraient viables.
311. 311 millions de livres sterling, c’est la dette cumulée par les dix clubs anglais.
14. 14 joueurs ont quitté le championnat anglais en fin de saison dernière pour rejoindre le Top 14. Dont Owen Farrell, Kyle Sinckler ou Manu Tuilagi.
« Ils ont réalisé des actions et des mouvements qui étaient presque indéfendables », soufflait le manager Rob Baxter après la déroute face au tenant du titre. Terrible aveu d’impuissance traduisant une véritable tendance : les clubs anglais sont incontestablement en perte de vitesse.
Erik Bonneval est consultant rugby pour beIN Sports, diffuseur des Coupes d’Europe et du championnat anglais. L’ancien Toulousain le constate, les British ne sont pas encore sortis de la crise que traverse le rugby Outre-Manche. Une crise avant tout financière, résultante des années Covid.
« C’est à l’image du rugby anglais actuel. L’équipe nationale ne tourne pas bien depuis quelques saisons et cela se ressent dans les clubs. Les équipes de Top 14 sont bien plus armées. Financièrement, les clubs sont bien plus solides chez nous et possèdent donc des effectifs plus denses. D’ailleurs on le voit, tous les joueurs qui ne voulaient plus évoluer en Angleterre ont trouvé un club en France. Leur rugby est dans le dur. Ils partent avec de jeunes éléments qu’ils paient moins. Cela se retranscrit sur l’homogénéité de la Premiership et donc sur le niveau global. »
Et encore... La règle interdisant à un joueur de briguer au XV de la Rose s’il évolue à l’étranger a empêché un exode encore plus massif. Ces difficultés financières ont en revanche eu raison de trois clubs historiques. Worcester, les London Irish et les Wasps ont en effet connu la faillite. La Premiership est devenue une ligue fermée à 10 équipes. Et cela peut aussi avoir une incidence sur le niveau global avec des formations qui ont moins la pression du résultat.
« La ligue fermée est bénéfique sur un seul point : les équipes peuvent tenter des choses, inventer un nouveau rugby. Si tu gagnes tant mieux, si tu perds tu ne risques rien. Mais ce n’est pas en phase avec une compétition de très haut niveau comme la Champions Cup où le couperet tombe au moindre faux pas. La gestion n’est pas la même. »
Rob Simmons, qui a joué trois saisons aux London Irish (2020-2023), se veut plus mesuré. Même si le Clermontois concède entre les lignes qu’il n’existe plus de cadors comme pouvaient l’être les Saracens à la fin des années 2010.
« Il y avait quatre équipes vraiment au-dessus du lot. Aujourd’hui, le championnat est devenu plus serré. Huit équipes peuvent prétendre au titre. Il y a moins de matchs et c’est à prendre aussi en compte ».
Bath, que l’ASM va retrouver dimanche, a en effet disputé 12 matchs dans une saison qui a débuté mi-septembre. C’est tout de même quatre rencontres de moins que les Clermontois. Un avantage cette fois incontestable par rapport aux cadences infernales imposées par le système français.